x vjL
es autres Mécaphyficiens, dont
j’ai lû les Ouvrages , en faifant ce
choix, ne m’ont pas paru avoir rien
publié d’important ôc de nouveau
fur ces matières, ou qui formât un
fyftême raifonné ; ôc j’ai cru qu’une
des perfeôtions que je pouvois donner
à cetté Hiftoire , étoit de ne
mettre au nombre des Philofophes
modernes que ceux qui ont fait des
découvertes de conféquence , ou a
qui l’on doit des fyftêmes originaux.
Ainfi, quoique M. Crouf 'az ait com-
pofé un Ouvrage très-eftimable fur
la Logique, cependant comme cet
Ouvrage ne contient qu’une fuite
de réflexions, qui peut bien contribuer
à la netteté & à l’étendue
de nos connoiflfances, mais qui ne
forme pas un art particulier , ôc
dans lequel on ne trouve rien a cet
égard qui n’ait été dit par Nicole ,
je n’ai pas cru devoir le compter au
nombre desMétaphyficiens modernes.
C’eft par cette raifon que je
n’ai point parlé de M. Huet, Evêque
d’Avranches , Auteur dun
Traité Philofophique de lafoibleJJ'e de•
PEfprit humain ; parce que ce Traité,
malgré les éloges qu’il a reçus ,
ne préfente rien de tranfcendant
ni même de nouveau, 8c qu il ne
•répond pas à la haute réputation
que cet illuftre Prélat s’eft açquife
par fes autres productions. Le but
qu’il s’y eft propofé, eft de renou vgl-
lçr la fameufe doctrine de Pyrrhon,
laquelle confifte à douter de tout, eri
établilfant que l’efprit humain ne
peut connoître la vérité par le recours
de la raifon, avec une entière
certitude ; queftion que Loke ôc
Bayle ont favamment réfolue. Il y,
a pourtant dans ce Livre un feiiti-;
ment particulier qui mérite d’être
remarqué : c’eft que toutes nos idées,
viennent des fens. Voici comment
l’expofe M. Huet. »L’entendement
» eft de telle nature, dit-il, qu’il eft
a. fort aifé à ébranler , lorfque les
» fens étant frappés par les objets
» extérieurs 8c les fibres des nerfs ,
» 8c les efprits étant émus , le cer-
» veau en reçoit l’impreiïion. . . .
» L ’entendement étant averti par
» cette impreflion du cerveau de ce
«,qui fe paffe au-dehors , il agite à
» fon tour les efprits ; ôc faifant une
».revue fur les traits délicats qui
=• font tracés dans le cerveau, répara
rant ce qui eft affemblé, ôc eom-
».parant enfemble les chofes qui
» ont du rapport, il confidère ce qui
» eft préfent, ôc voit ce qui le pré-
cède ôc qui le fuit : d’où dépend la
» conduite de la vie ôc l’enchaîne-
» ment des Sciences .(«), ,
. Je pourrois citer d’autres Auteurs
célèbres qui ont écrit fur la
Métaphyfique ; mais je ne tirerois
rien de leurs Ouvrages , qui n’ait
été mieux dit par les Métaphyfi-
tiens qui çompofent ce Volume,'
Je dois pourtant excepter ces grands
(a) Traité Philofophique de la foibleflide l ’Efprit humain, pag. t ÿ i .
hommes
hommes k qui toutes les Sciences
font redevables, ôc qui ont embelli
toutes les matières auxquelles ils
ont heureufement touché. Ce font
ces Philofophes rares à qui rien n’a
été caché , ces génies tranfçendans
qui ne peuvent entrer dans aucune
claffe particulière, parce qu’ils brillent
également dans toutes. - Tels
font GaJJendi, le Chancelier Bacon,
Defcartes, Leibnitz, Newton, INolff,
Ôcc. On trouvera donc dans leur
claffe d’autres idées métaphyfiques
qui compléteront cette forte de
cours que forment les fyftêmes compris
dans ce Volume. Je dis quelles
le compléteront, quoiqu’il ne
foit queftion ici que des Métaphy-
ficiens modernes ; car les anciens
ont dit fi peu de chofe fur la Métaphyfique
, ôc l’ont dit fi mal -,
qu’on peut dater l’origine de cette
Science du temps de la renaiffance
des Lettres. Voici en effet à quoi
fe réduit ce que les Philofophes de
l’antiquité penfoient fur la nature
de l’efprit humain.
Pythagore, Tymée, Socrate j Plat on,
Proclus, prétendoient que l’homme
apportoit en naiffant des idées , ôc
ils prouvoient çette prétention par
ces deux raifonnçmens. Si nous n’avions
pas des idées innées , nous
ne pourrions ramaffer ôc concevoir
cette variété innombrable de çon-
noiffances dans un temps aufli borné
qu’eft celui de notre vie , étant
enveloppés ôc voilés par la maffe de
notre corps. D’où il fuit que nous
n’apprenons pas çé qu’on nous en-
feigne : nous ne faifons que nous
en reffouvenir. On attribue ce rai-
fonnement à Socrate, ôc le fuivant
a Proclus. Il n’eft pas polïible que
toutes nos idées viennent des fens,
parce que tout ce qui part des fens
eft fujet au changement ; ôc l’homme
a des idées ou des efpèces imprimées
dans fon cerveau, qui font
éternelles Ôc immuables, telles que
les idées des figures, des nombre?
ôc d.es mouvemens, ôc qui par con-
féquent ne peuvent être venues dess
fens. Car fi des idées fi fixes ôc fi
confiantes provenoient des fens ,
qui font fi foibles ôc fi fujets à l’erreur
, l’effet feroit plus puiffant que
fa caufe.
Démocrite , Epicure ôc Ariftote ,
rejettent au contraire les idées innées,
ôc foutiennent qu’il n’y a rien
dans l’entendement qui ne vienne
des fens, Ce fentiment, ainfi que
celui de Socrate ôc de Proclus, font
fi développés dans le fyftême de
Loke , que je ne crois pas devoir
m’y arrêter. Mais pour faire voir
comment les anciens écrivoient
fur la Métaphyfique , je vais rapporter
la doiftrjne de Parmenidc
là-deffus, qui a été très-eftimée ,
ôc par laquelle on jugera de leur
capacité en cette Science.
Les idées, dit ce Philofophe
ont une exiftence réelle ôc indépendante
de notre volonté..Elles
exiftent dans nous ôc hors de nous.
.Les unes font dgs appréhendons