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S P iN 0 s A ofa méprifer hautement toutes & finirent par des voies de fait. Un Juif
les menaces. Il encourut fans s’émouvoir l’attendit à la fortie de la Synagogue, Tuiles
foudres de la Synagogue ; & comme il vant C o l e r u s , 6c de la Comédie. fi l’on en
étoit expofé a un plus grand châtiment,
il quitta les Juifs & fe réfugia chez les
Chrétiens.
Son premier foin , lorfqu’il fe crut en
fureté, fut de fe concilier la bienveillance
des Savans de cette Religion, afin de s’af-
furer un afile. Il réulfit. Les Savans lui
confeillèrent d’étudier le Grec & le Latin.
S P i N o s A faifit cet avis avec empreffe-
ment ; & après avoir appris les premiers
élémens de la Langue Latine d’un Allemand
, il étudia la Langue Grecque fous
F r a n ç o i s v a n d en E n d e , qui les profefioit à
Amfterdam. Ce Profeffeur avoit une fille
fi favante en cette Langue , qu’elle en
donnoit des leçons , & S p in o s a en
prenoit volontiers d’elle.
Suffifamment Latinifte & Grecifte, notre
Philofophe étudia la Théologie. Il
voulut enfuite s’appliquer à la Phyfîque.
Dans ce deffein, il chercha quelque Auteur
qui pût lui fervir de guide ; 6c les
Ouvrages de D e fc a r t e s lui tombèrent ainfî
entre les mains. La leCture qu’il en fit l’af-
feéla tellement, qu’il adopta les principes
de ce grand Homme. Il fut fur-tout charmé
de celui-ci, de ne rien admettre que
d’évident.
Mais quoique Spinosa fût à Amfter-
dam chez les Chrétiens, il étoit aullï parmi
les J uifs, avec lefquels il aflfe&oit de ne
pas fe trouver. Il évitoit auffi de ne point
pafier devant leur Synagogue. Les Juifs
remarquèrent cette affeàation : ils la prirent
en mauvaife part ; 6c comme ils fai-
foient cas de Ion mérite , ils voulurent
l’engager à rentrer dans leur Religion. Ils
lui offrirent une penfion de mille florins,
a condition qu’il reprendroit la fuite de
fon travail fur les écrits des Juifs , qu’il
avoit commencé. S p in o s a refufa ces
offres, parce qu’il ne crut pas devoir em-
braffer une Religion par intérêt. Ce refus
leur déplut, 6c ils le témoignèrent. Ce
fut un avertifTement pour notre Philofophe
de fe tenir en garde contre leurs fol-
licitations. Les Juifs ne fe rebutèrent
point. Ils employèrent d’abord l’adreffe,
croit B a y l e , 6c lui donna un coup de couteau.
La bleffure fut légère , quoiqu’on
eût fans doute intention de l’affaflîner*
S p i n o s a comprit qu’il étoit temps
d^abandonner les Juifs & leur Religion
, & d’embraffer le Chriftianif-
me, dans lequel il étoit comme initié.
Cette démarche alluma tellement la colère
de ceux-ci, qu’ils lancèrent publiquement
contre lui les foudres de leur excommunication.
Il courut même un bruit qu’on
vouloit le faire arrêter. Notre Philofophe,
pour fe mettre en fureté , fe réfugia chez
fon Profeffeur M. v a n d en E n d e ; 6c il difïî-
pa fes inquiétudes en fe livrant à l’étude
des Mathématiques. Il s’attacha particulièrement
à l’Optique : il travailla à
polir des verres pour les Inflrumens qui
ont rapport à cette Science. Il réuflït fi
bien à ce travail, qu’on venoit lui acheter
des verres de toutes parts ; de forte qu’il
fe procura ainfi un modique revenu.
Cependant les Juifs ne le perdoient pas
de vue. Ils étoient toujours acharnés à fa
perte. Ils ne cellbient de le calomnier, 6c
ils lui donnoient les noms les plus odieux.
Enfin ils firent tant, qu’ils perfuadèrent
que c étoit un impie 6c un blafphêmateur.
En conféquence ils le déférèrent comme
tel aux Magiftrats d’Amfterdam , 6c de^
mandèrent qu’il fût chafle de la Ville : ce
qu’ils obtinrent d’autant plus aifément,
que notre Philofophe abforbé dans l’étude,
ne fongeoit qu’à perfectionner l’Optique
, 6c nullement à fe défendre.
S p in o s a fe réfugia d’abord dans la
maifon de campagne d’un de fes amis |
mais comme il ne s’y crut pas en fureté, il
fe retira à Rhenorburge, Ville d’Hollande
, fituee proche Leyde. Il-y vécut dans
une profonde lolitude. Seulement il rece-
voit de temps en temps la vifite de quelques
amis, lefquels étoient prefque tous
Çartéfiens, 6c qui faifant une eftime particulière
du mérite de notre Philofophe ,
venoient lui propofer leurs doutes fur la
doftrine de leur Maître.
SpuîOsa avoit un principe métaphyfi