9 (5 D Ë S C
fement dans toutes les parties du foetus
fuivant leur vîteffe 5c leur ténuité. Celles
qui prennent leur cours le moins bas de
toutes & de plus vers le devant de la tête ,
commencent à former les organes de l ’odorat,
de la vue, de l’ouie 5c du goût. L a
plupart de ces organes, comme l’ouie 5c
la vu e , fe forment aifément, parce que ces
parties fe diftribuent 5c s’arrêtent à droite 5c à gauche.
Ainfi les petits filets, dont les parties
folides font compofées, fe détournant, fe
pliant & s’entrelaçant de diverfes façons,
fuivant les divers cours des matières fubti-
les 5c fluides qui les environnent, & félon
la figure des lieux où ils fe rencontrent,
achèvent de former l’enfant. Si on con-
noiffoit bien quelles font toutes les parties
de la femence, on pourroit déduire de
là par des raifons mathématiques toute la
figure & la conformation de chacun de fes
membres : comme aufli réciproquement
en connoiflfant plufieurs particularités de
cette conformation, on pourroit découvrir
les parties de la femence. E t voilà le
fecret du grand myftère de la génération.
Métaphyjîque de D e s c a r t e s , ou de la
nature de U ame de Vexijlence de Dieu.
Le premier foin que doit avoir un homme
qui veut faire un bon ufage de fa raifon,
lorfqu’il eft parvenu à l’âge ou il commence
à la connoître, c’eft de douter fi les
connoiiïànces qu’il a acquifes font véritables,
5c de n’admettre que celles qu’il
reconnoît pour telles. Elles font véritables
lorlqu’il les conçoit clairement 5c dif-
tinétement de la façon qu’il les conçoit.
Ainfi les chofes qu’il conçoit clairement 5c diftin&ement être des fubflances diverfes
, comme l’on conçoit l’efprit & lécorps,
font en effet des fubflances réelles, diftinc-
tes les unes des autres. O r nous ne concevons
aucun corps que comme divifible,
au lieu que l’efprit ou l’ame ne le peut concevoir
que comme indivifible ; car nous
ne faurions concevoir la moitié d’aucune
ame, de même que nous pouvons faire du
plus petit corps. De Ibrte que nous recon-
noilfons par-là que leurs natures ne font
A R T E S.
pas diverfes, mais encore en quelque façon
contraires. ’
Maintenant qu’eft-ce que cette ame?
Um chofi qui penfe. Qu’eil- ce qu’une chofe
qui penfe; c’eft-à-dire une, chofe qui doute,
qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui
me, qui veut > qui ne veut pas, quiima-
^ fent ■ Ce n’eft point cet
aüersblage de membres qu’on appelle le
corps humain.^ C e n’eft point un air délié
oc pénétrant répandu dans tous ces membres.
Ce.n’eft point un vent, unfouffle,
une vapeur, ni rien de tout ce qu’on peut
feindre 5c imaginer. C ’eft une faculté, un
fî ^ont ^ nature eft inconnue, dont
1 exiftence eft très-certaine, 5c qui produit
les aftes fuivans.
Entre lespenfées que l ’efprit a , quelques
unes font comme les images des chofes,
6c on les nomme idées ; comme lorf-
qu on fe reprefente un homme, un arbre ,
un animal, ôcc, D ’autres font des affections
de l’ame ; comme lorfqu’on .v eut,
qu on craint, qu’on affirme ou qu’on nie.
On conçoit bien alors quelque choie, comme
le fujet de l ’aétion de l ’efprit; mais on
ajoute auffi quelqu’autre chofe par cette
aétion à l’idée qu’on a de cette aétion-là;
6c de ce genre de penfées, les unes font
appelées volontés ou affrétions, 6c les autres
jugemens.
Les idées confédérées feulement en elles-
mêmes, 5c fans les rapporter à quelqu’autre
chofe, ne fauroientêtre fauiïes. C a r ,
foit qu’on imagine une chevre ou une chimère,
il n’eft pas moins vrai qu’on imagine
l’une que l’autre.
I l en eft de même de nos affrétions ou
volontés; car quoique nous puiffions délirer
des chofes mauvaifes ou même qui ne
furent jamais, il n’eft pas moins vrai qu’on
les défire.
Quant aux jugemens, ils peuvent être
faux, & il faut être très-attentif pour rie
pas fe tromper. O r la principale erreur & la
plus ordinaire confifte en ce qu’on juge que
les idées qui font en nous, font femblables
aux idées qui font hors de nous. En effet,
fi nous confidérions les idées comme de
certains modes de la penfée,fans vouloir les
rapporter à quelque chofe d’extérieur, à
peine
D E S C A R T E S .
peine poudroient- elles donner occafion
de faillir.
Il y a trois fortes d’idées; les unes fem-
blent être nées avec nous, les autres font
étrangères ôc viennent de dehors, 6c les
troifiémes paroiffent être de notre invention.
Lorfqu’on conçoit, par exemple ,
une chofe quelconque, ou une vérité, ou
une penfée, il fernble qu’on ne tient point
cela d’ailleurs que.de fa nature propre. Si
on éprouve une fènfation, il paroît au contraire
que ce fentiment procédé de quelque
chofe qui exifte hors de nous. E t enfin
nous croyons que les fciences, les h y -
pogriphes, 6c toutes les chimères en gérerai
, font des inventions de notre efprit. -
Mais de toutes les idées qui font en
nous, la plus claire eft celle qui repréfente
nous-mêmes à nous-mêmes. Celles qui re-
préfentent un D ieu, des hommes, des animaux
5c des chofes corporelles 6c inanimées
, découlent en quelque forte de celle-
là. Car decela feul que nous exiftons, l’idée
d’un Etre fouverainement parfait eft en
nous : ce qui démontre évidemment l’exif-
tence de Dieu. En effet, nous ne pouvons
fuppofer un Etre fouverainement parfait
auquel il manque l’exiftence, pui fque l'exif-
tence eft une perfection. Il eft vrai que
la penfée n’împofe aucune néceffité aux
chofes ; 5c quoiqu’on conçoive Dieu comme
exiftant, il femble qu’il ne s’enfuit pas
pour cela que Dieu exifte. E t comme il
ne tient qu’à nous d’imaginer un cheval
aîlé , quoiqu’il n’y en ait point qui ait des
aîles ; ainfiori pourroitpeut-être attribuer
l’exiftence à D ieu , quoiqu’il n’y eût aucun
Dieu qui exiftât. Mais il eft vrai auffi que
de cela feul qu’on ne peut concevoir Dieu
que comme exiftant, fon exiftence eft in-
féparable de lu i, 5c par conféquent il exifte
véritablement. Ic i la néceffité eft en la
chofe même; c’eft-à-dire, la néceffité de
l’exiftence de Dieu détermine à avoir cette
penfée. Car il n’eft point en notre liberté de
concevoir un Dieu fans exiftence, un Etre
fouverainement parfait fans une fouyeraine
perfection, .comme il nous eft libre d’imaginer
un cheval fans ailes o.u avec des ailes.
Après'avoir reconnu qu’il y a un Dieu,
d faut convenir auffi que toutes chofes
97
dépendent de lu i , püifquê fcet Etre eft
fouverainement parfait, 5c fouverainement
puiffant, 5c qu’il eft par conféquent
l’Auteur de tout ce qui exifte. Ce Dieu ne
peut nous tromper par la même raifon ; car
en toute fraude ou tromperie il y a une
forte d’imperfeétion. E t quoiqu’il femble
que pouvoir tromper foit une marque de
fubtilité ou de puiftance, cependant vouloir
tromper décèle toujours de la foiblefle
ou de la malice : ce qui ne peut fe rencontrer
en Dieu. Cela étant, la certitude 5c la
vérité de toute fcience dépendent de la
feule coîïnoiflànce de Dieu. En effet, tout
ce que nous concevons clairement 5c d i t
tinétement ne peut manquer d’être vrai :
autrement Dieu nous tromperoit en nous
préfentant l’évidence comme l’erreur : ce
qui eft impoffible.
Méthode de D e s c er t e s ',
.Voyez le commencement de fa vie.
Morale de D e s c a r t e s.
Elle eft expofée au commencement de
fa vie.
Syjlême de Phyfique de D e sc a r t e s y
ou de la conjlruél.ion du Monde.
Lorfque Dieu voulut faire le monde ÿ
il divifa toute la matière dont il le forma
en particules. Il fit enfui te mouvoir ces
particules. Par ce mouvement elles febri-
ferent, 5c en fe brifant elles fe diviferent en
trois fortes de parties ; en parties fubtiles
( c’eft ce qu’on appelle le Premier Elément);
en parties plus groffieres ( qu’on nomme
Second Elément), 5c en parties informes
ou éclats, qu’on défigne fous le nom de
Troifiéme Elément. Ces dernieres parties
ayant un plus grand mouvement par cela
même qu’elles font plus groffes que les
autres, ont été portées plus loin qu’elles.
Celles-ci fe font rangées en partie dans
les interftices de celles-là pour remplir
tout l’efpace, en forte qu’il n’y ait point
de vuide, 5c s’accumuler en partie vers le
centre du mouvement ou des tourbillons.
Ce font ces amas qui ont formé le foieil
N.