crioient, ne paroiffoit point comparable
à lui, & cela formoit un fort
préjugé en fa faveur. Il falloit quil
parut encore un homme plus grand
qu’Ariflote, pour qu’on l’écoutât,
C ’eft ce que la France a la gloire
d’avoir produit à la fin du XV Ie fié-
cle. Defcartes ( c’eft le nom de ce
grand homme) ne s’amufa pas à décrier
Ariflote ; mais il commença à
apprendre aux hommes l’art de pen-
fe r , & de fairë ufage de fa raifon.
Il établît un doute méthodique ; ramena
la connoiffance de la vérité à
l’évidence ; forma un plan d’étude ;
créa ■ une nouvelle Phyfique , &
appliqua les Mathématiques à la
Philofophie Naturelle. Il r4 pandit
ainfi une lumière vive fur tous les
objets, & deflilla prefque tous les
yeux.
Tous les Ariftotéliciens ne fe
convertirent pourtant point. Les
plus puiflans qui étoient à la tête de
l’.Univerfité de Paris, furent les plus
entêtés. Au défaut de raifons contre
la doêtrine de Defcartes, ils employèrent
la force. Ils préfenterent
une Requête au Parlement de Paris,
pour défendre qu’on enfeignât cette
doârine. Quoique Pafcal, qui eft le
cinquième Reftaurateur des.Scien-
ces, eût fait plufieurs découvertes
qui la confirmoient, & qui rui-
noient la Philofophie d’Ariflote ;
quoique plufieurs Savans du premier
ordrel’euffentadoptée,&qu’on
découvrît tous les jours des erreurs
dans l’autre; cependant le crédit de
l’Univerfité étoit figrànd, que cetttt
Gour étoit prête à donner un Arrêt
comme elle le fouhaitoit, lorfqu’urt
Poëte Satyrique ( M. Boileau Def-
preaux ) compofa une Requête & un
Arrêt burlefques qui couvrirent les
Péripatéticiens de honte, & qui empêchèrent
que le Parlement ne rendît
un Arrêt véritable. Ce font deux
pièces très-piquantes, & qui. doivent
figurer dans l ’Hiftoire de la
Renailfance de la Philofophie. La
Requête eft adrelfée à NoJfeignéurs
du Mont-Parnajfe, & conçue en ces
termes :
» Supplient humblement les Maî-
» tres-ès-Arts, Profeffeurs-Régens
» de l’Univerfité de Paris ; Difant
» qu’il eft de notoriété publiq ue que
» c ’eft le fublime & incomparable
» Ariflote qui 'eft fans contefte le
» premier fondateur de?quatre pre-
»miers élémens, le Feu, l’A ir,'
» l’Eau & la Terre ; qu’il leur a ac-
» cordé par grâce fpéciale la lïm-
» plicité qui ne leur appartenoit pas
» de droit naturel ; qu’il a donné aux
» uns la pefanteur, & aux autres la
» légéreté, afin de fe pouvoir main-
» tenir dans les lieux & places qu’il
» leur avoit affignés pour y être en
»repos; qu’il a ajouté à la nature
» de chaque corps particulier une
» horreur fi confidérable de leur en-
» nemi commun le vuide, qu’il n’y
»en a pas un qui ne fouffre plus vo-
» lontiers fa propre deftruêtion, que
» de permettre qu’il occupe la moin-
» dre place dans le monde, étant
» tous fort bien inftruits, par ce
» qu’il en a écrit, que fi cet affreux
»> vuide fe pouvoit infinuer en quel-
•i que part, il empêcheroit les in-
» fluences des Aftres d’y defcendre,
» êt cauferoit par ce moyen la def-
» traction de toute la nature ; qu’il
b a de plus réglé par des loix non
» invariables tous les mouvemens
» des Cieux & des Aftres ; & de peur
» qu’ils ne fe perdiffent & s’égaraf-
b fent dans les routes fi contraires
b qu’ils font obligés, pour fuivre fes
« ordres, de tenir en même temps,
® il leur a , par une prévoyance ad-
b mirable, deftiné autant de créatu-
» res fpirituelles , c’eft-à-dire, au-
» tant d’Anges qui les guident & les
» conduifent avec tant de jufteffe ,
» qu’ils ne tournent jamais ni plus
»vite, ni plus lentement; qu’il a
b enfin établi une fi belle fubordi-
b nation entre toutes les chofes na-
» turelles, qu’i l a mérité tout feul
» d’être reconnu pour le Génie de la
« Nature,lePrince des Philofoph.es,
» & l’Oracle de l’Univerfité ; & quoi-
» que pendant plufieurs fiécles il ait
» été maintenu d un commun con-
» lentement dans une paifible pof-
» fellion de tous fes droits, & qu’il
» y ait lieu de prefcription contre
» tous les prétendans au contraire,
» néanmoins depuis quelques an-
» nées en-çà, deux Particulières,
» nommées la Raifon & l’Expérien-
“ c e , fe font liguées enfemble pour
» lui difputer le rang qui lui appar-
» rient avec tant de juftice, & ont
» tâché de s’ériger un trône fur les
» ruines de fon autorité ; & pour
»parvenir plus adroitement à leurs
» fins , ont excité certains efprits
» factieux, qui fous les noms de Car-
» tifies & de GaJJendiJles, ont com-
» mencé à feçouer le joug du Sei-
»gneur Ariflote ; & méprifant fan
»autorité avec une témérité fans
» exemple, lui ont voulu difputer le
»droit qu’il s’étoit acquis, de pou-
»voir faire paffer la vérité pour
»fauffe, & la faufleté pour vérita-
» ble ; .......... & parce que l’auto-
»rité à' Ariflote s eQ. acquife un droit
»de prefcription contre ladite Rai-
»fon & l’Expérience, & qu’il n’y a
»point de meilleur moyen pour les
»combattre que de ne les point en-
» tendre, & de les renvoyer aux fins
» de non-recevoir........ Ce confidire
» Nofleigneurs, il vous plaife ordon-
» ner . , * . . . Que le Soleil fe débar-
,» bouillera bien le vifage, & ne pa-
»roîtra plus en public avec fes vi-
» laines taches , qui font des lignes
» de corruption, & qui vont à la
» deftrutrion de la quinteffen>.a cé-
» lefte d'Ariflote. . . . Que Moniteur
» Denis (favantCartéfien) fera tenu
» & obligé de faire réparer inceflam-
»ment à fes frais & dépens toutes
» les brèches & crevalfes qu’il a fai-
»tes à la voûte des Cieux, pour y
» donner palfage aux dernieres Co-
»mètës qui parurent en i 66^ &C
» 1 66$ ; & que les fleurs Petit,.Au-
*>zout, CaJJini, qui les virent alors
» de leurs guérites fe promener nui-
c ij