rendre publique; mais elle étoit à peine
fous prefie, que le Baron de Boinebourg
lui écrivit que l’Eleéteur de Mayence
fon Maître i’invitoit à venir à fa Cour,
pour y recevoir des marques de fon
eftime. Notre Philofophe fe rendit à cette
invitation: il fut accueilli par l’Eleéteur
de la maniéré la plus obligeante. Extrêmement
fenlîble aux bontés de ce Prince,
il voulut lui manifester fa reconnoilfance
par l’hommage de fon livre. Il le lui dédia
; & dans la vue de rendre fon hommage
plus conlidérable, il joignit à fa
Nouvelle Méthode un projet d’un nouveau
Corps de D ro it , qu’il intitula, Corporis
Juris reconcinnandi ratio.
Ces deux écrits furent reçus avec
Beaucoup d’applaudiffemens. Il propofe
dans le premier d’introduire dans les
Ecoles de Jurifprudence ; i° . des partitions
du Droit; 2 ° . un abrégé du Droit
réduit en art; 30. un nouveau Corps de
Droit; 40.de nouvelles Inftitutes; p°. de .
nouvelles réglés de D ro it; 6°. un abrégé
des Traités de Menochius8c de Màfcardus
fur les preuves. & les préemptions ; 7 0.
un Traité des. Lo ix ; & (8°.) enfin une
foiftoire des changemens arrivés dans la
Jurifprudence Romaine. E t dans le projet
d’un nouveau Corps de Dro it, il réduit
le Corps entier de Droit à. ces neuf chefs :
le premier, aux principes généraux du
droit & des. aétions : le fécond, au droit
des perfonnes : le troiîièjne , aux juge--
mens : le quatrième , aux droits réels: le
cinquième, aux contrats:.le llxième, aux
fucceflïons: le feptième, aux crimes : le
huitième, audroit public : & le neuvième,
au droit fâcré. L ’érudition extrêmement
variée qui règne dans ces deux
ouvrages , 8c les réflexions nouvelles 8c
.tngénieufes qu’on y trouve, furent d’autant
plus admirées par les Savans, que
l’Auteur n’avoi't encore que vingt-deux
ans. Des critiques remarquèrent cependant
quelques taches dans cès productions;
& u n Jurifconfulte caché fous le
nom de Verïdïcus à J'ujîiniano, découvrit
phifteurs fautes qu’il expofa dans une brochure
qui parut fous ce titre : Ratio cor-
porrsjuris reconcinnandi ad obrujjam exa£la}
auüiûrt VmdicQ à Jujliniancu.
I l neTulfit point d’avoir beaucoup cfe
génie pour s’ériger en Légiflateur : il
faut encore connoître les hommes, &
cette connoiftance dépend d'un grand
ufage du monde. C ’efl auflîce que comprit
L e i b n i t z . Il vit bien qu’il n’étoit
pas poflible qu’un jeune hommede vingt-
deux ans pût avoir faifï tous les rapports
qui lient les hommes dans, la fociété.
Àufliabandonna-t’ilcette étude;& comme
fon génie faififtoit ayec facilité tous les
objets que fon imagination lui préfentoit,
il compofa un Traité des eombinaifons,
qui, quoique plein de chofes curieufes,
ne fut pas digne de fon approbation jj„
lorfqu’il eut acquis plus de connoiffances
fur cette matière. Cet ouvrage parut à
Leipfick en 1668 fous ce titre : G. G*
Leibnitiï ars combinatoria.
Dans le temps que notre Philofophe
fui voit fés nouvelles idées furie calcul ,y
le Baron de Boinebourg le pria de vouloir
bien employer fa plume pour fôutenir
les prétentions du Prince de Neubourg
à la Couronne de Pologne, que Jean
Cafimir venoit d’abdiquer. Sans, fe permettre
aucune forte de traniïtion, L e i b n
i t z pafla de l’étude des Mathématiques;
a celle de la Politique. I l compofa un
ouvrage qui auroit eu l’effet qu’il fe pro-
pofoit, fi on fûivoit dans les. éleétions les
règles de l’équité 8c de la raifon. Son
livre eft fait avec un art infini ; 8c quoique
l ’objet n’intéreffe plus aujourd’hui ,
on le lit cependant encore avec plaifir,,
tant il a fu y répandre d’intérêt par desréflexions
morales extrêmement judi-
cieufes.. 11 fut imprimé' à Francfort en
i6f>p , fous le titre de Specimen demonj-
trationum politïcarum pr.o eligendo Regei
Polonorum, 8cc. Authore Georgio Illico-
vico Lithuano, qui eft le nom que prit
L e i b n i t z ., pour qu’on ne cherchât pas-
à le deviner.
Quoique cet écrit n’opérât rien en
faveur du Prince de Neubourg, ce
Prince n’en rendit pas moins juftice au> •
travail de fon Auteur. Il lui fit des offres
très-avantageufes : mais le Baron dh
Boinebourg lui procura dans, le même
temps la charge de, Confeiiler de la
Chambre de révifion de Chancellerie à
la Cour de Mayence , qu’il accepta.
Cependant, quelque précaution que
notre Philofophe eût prife pour n’être
pas connu dans fon effai fur les i;aifons
qui dévoient déterminer l’éleétion d’un
Roi de Pologne, tous les connoiffeurs,
qui avoient déjà lu fes ouvrages fur la
Jurifprudence, le lui attribuèrent ouvertement.
L ’éloge qu’ils en firent donna
du corps à fa réputation naiffante; & tous
ceux qui afpiroient au fuffrage du Public
par leurs produétions, le prièrent de les
aider de fes avis. M. Blumius, Chancelier
8c Préfîdent de la Cour de l’Eleéteur
Palatin, lui en demanda fur la manière
d’écrire l’Hiftoire du Droit Canon. Aufli-
tôt L e i b n i t z lui fit une réponfe fort
fuccinte , dans laquelle il lui confeilloit
de divifer cette Hiftoire en deux parties ;
Paine deftinée à l’expofition des raifons
qui ont donné lieu à la colleétion des
Canons 8c des autres livres de Jurifprudence
, qui compofent le Corps de la
Jurifprudence Eocléfiaftique moderne-;
8c l’autre à une Hiftoire particulière de
chaque article de la Difçipline Ecclé-
fiaftique. ( Cette lettre a été imprimée
fous ce titre : Epijîola ad Blumium de
Hijloriâ Juris Canonici firibendâ ).
Rien n’enflamme plus l’émulation que
la juftice qu’on rend au mérite. Flatté
des éloges qu’il recevoir de toutes parts,
£bn génie s’éleva 8c porta les vues fur
toutes les connoiffances humaines, &
fur les moyens de les réduire en fyf-
teme. Un Ecrivain infatigable, nommé
Aljledius, avoit fait imprimer en 16 20
une Encyclopédie en trois volumes in-
folio. L ’idée de cet ouvrage le frappa ;
8c comme il vit que l’exécution ne
répondoit point au projet , il réfolut
de le revoir. 8c de le perfeétionner :
mais il s’apperçut bientôt que ce projet
étoit plus beau dans la fpéculation
que dans la pratique , 8c l’abandonna
pour paffer à une étude plus folide 8c
moins gigantefque. Ce fut d’examiner
le rapport qu’il pouvoit y avoir entre
la Rhilofophie d’Ariflote, 8c celle de
Defcartes.Cet examen ne fut pas heureux.
L a Philofopbie de Defcartes eft très-profonde
& très-fùbtiie j 8c L e ibn it z^,
qui n’avoit encore, que vingt-quatre à
vingt-cinq ans, l’apprécia un peu trop
cavalièrement. I l gliflà un peu fur la
Géométrie ; & le blâma hardiment fur
fes loix du mouvement, fur fes fentimens
touchant la matière, l ’étendue, la force
des corps, les caufes finales, &c. En
oonfequence de ce jugement peu avantageux
, notre Philofophe mettoit Arif-
tote fort au deffus de Defcartes, E t parce
qu’il regardoit ce defnier comme ua
grand génie, il forma le projet dé le
réconcilier avec l’autre; projet qui prouve
bien la précipitation avec laquelle, il
avoit lu fes ouvrages. I l propofa fes idées
à fon premier Profeffeur M. Thomajius,
dans une lettre qu’il lui écrivit. C e n’é toit
point s’annoncer avantageufemênt
dans le monde Payant, que de fe déclarer
difciple A’Arifiou. Audi regarda-t-on
L eibnitz, comme prévenu aveuglément
en faveur de cet-ancien Philofophe. I l
fut fenfitle à cette imputation ; pour
fe juftifier, il publia une,nouvelle éditioa
d’un livre jffpntre les Ariftotéliciens ,
écrit par Mario N ifo li, à la tête duquel
il fit imprimer fa lettre à M. Dhomafius ,
& qu’iî dédia à fon bienfaiteur le Baron
de Boinebourg. I l chercha enfuite a appuyer
fon fentiment fur la Phiiofophie
de Defcartes. I l examina, d’abord fa
théorie du mouvement, qu’i l n’approuva
pas ; & pour en fubftituer une autre, il pu?,
blia deuxpetits Traités fur cette matière,
fous ce titre : Nova hypothejà Phyfica quâ
phenomenorum naturce, plenorumque caufæ,
ab unîco quodam univerfaii motu, in globa
nojlro fuppqfito repetuntur ,fiu theoriamotûs
abftraSi, & theoria motûs concreti. I l s’a git
dans le premier Traité du mouvement
en général ; 8c il applique dans le fécond
la théorie qui y eft établie, à tcius les
phénomènes. Son intention étoit d’é r ,
tablir par-là les fondemens d’une Phyfi-
que générale & complette. Ces deux ouvrages
firent beaucoup de bruit. La théorie
du mouvement abftraît parut fous
les aufpices de l’Académie des Sciences
de Paris, 8c celle du mouvement con-
D ij