a 6 N I C
là livré à une profondé folitude , il ne
s’occupa plus que de l’ étude de l’Ecriture
Sainte, de celle des Pères de l’Eglife, &
de l’Hiftoire Eccléfiaftique.
Quoiqu’abfolument exilé du monde, le
mérite de notre Philofophe étoit connu
des Savans. Particulièrement le fameux
M. Arnaud en faifoit un cas infini. I l con-
noiiïoit la rare facilité que N i c o l e
avoit d’écrire purement & facilement en
Latin. Engagé comme il étoit dans des
controverses Théologiques, il crut qu’il
lui feroit avantageux de l ’avoir pour adjoint.
I l alla le trouver à P ort-Roya l, &
lui communiqua fon deflem. N i c o l e
étoit un homme modefte ; mais il ne fai?
foit point miftère de ce qu’il favoit.
Auflî communiqua - t-il fans réferve fes
fentimens 8c fes penfées à M. Arnaud.
I l fit plus dans la fuite. Non-feulement il
formoit avec lui le plan des ouvrages que
ce Dofteur vouloir, publier : il écrivoit
encore fur fes cahiers fes propres réflexions
, ébauchant ce que M. Arnaud
finilfoit, ou finiflant ce qu’il n’avoit fait
qu’ébaucher. C ’eft ainfî qu’il le fecourut de
fes avis & de fa plume dans les affaires qui
lui furent fufcitées. Pour être même plus à
portée de lui être u tile , il vint a Paris à
la fin de l’année i Ôf f . D è s - lo r s il ne
s’occupa plus qu’à écrire. Non-feulement
il donna fes avis pour la compofition de
prefque tous les Ecrits qui parurent en ce
temps-là pour la défenfe de M. Arnaud :
il en publia même plufieurs , tant en
François qu’en Latin.
C e fut encore par une fuite de ce zèle
pour ce Doâreur, qu’il participa à la com-
pofîtion des Lettres Provinciales de M.
Pafcal ; qu’il revit & corrigea la 6e , la
7 e, la 8e , la 13e & la 1 4e , & qu’il
donna le plan de la p e8c de la 12 e. Je dis
que ce fut en faveur de M. Arnaud ; car on
doit favoir queladifpute que ce Dofteur
eut en Sorbonne , y donna lieu. I l les
traduifiten Latin dans les mêmes vue s , 8c
les publia fous le nom de IVendrokius.
Cette controverfe dans laquelle il étoit
entré , l’engagea dans des travaux qui
furent prefque toujours polémiques ; 8c
fa traduction lui caufa quelque chagrin ?
O L E .
qu’il partagea avec M. Pafcal.
C ’étoit toujours de concert avec M.
Arnaud , que N i c o l e travailloit. I l
demeuroit avec lui incognito dans la rue
S te A v o y e , chez M. Angran, & il le faifoit
appeller M. de Rofny. En 1664. ces
deux amis fe retirèrent chez M. Vanet,
à Châtillon, près de Paris , oh ils vécurent
dans la retraite. Trois perfonnes feulement
favoient le lieu de leur demeure
& venoient les voir quelquefois. C ’eft-là
que N i c o l e travailla avec M. Arnaud
au Livre de la Perpétuité de la Foi fur U Eu-
charijlie ; qu’il compofa en particulier la
Petite Perpétuité , les Lettres intitulées ,
les Vifîonnaires les Imaginaires ,* qu’il fit
V Apologie des Religieujes de Port-Roy a l, 8c
qu’il écrivit un Mémoire en faveur de quatre
Evêques.Tous ces ouvrages devinrent
des fujets de controverfe. Ses Lettres des
Vifîonnaires furent attaquées par M.
Defmarets de Saint-Sorlin, de l’Académie
Françoife , qui étoit le Héros de ces
Vifîonnaires. C ’étoit même à fon fujet
que N i c o l e les avoitcompofées. 11 le
tournoi t en ridicule comme Théologien,
& il lui faifoit un crime d’avoir travaillé
pour le Théâtre. C e reproche indifpofa Mi
Racine, qui couroit la carrière du Théâtre.
Jeune encore, & tout glorieux de fes heureux
talens, il ne put fouffrir les traits que
l ’Auteur des Lettres Vifîonnaires ( dont il
ignoroit le nom ) lançoit contre les Spectacles.
8c fes Admirateurs. Pour les re-
pouffer 8c venger en quelque, forte fes confrères
, il publia unie Lettre contre cet
Auteur. I l parut deux réponfes à cette
Lettre, que N i c o L E n’a point avouées.
M. Racine voulut répliquer par une fécondé
Lettre à ces réponfes : mais ayant
montré cette réplique à M. Boileau Des-
préaux., avant que de les communiquer au
Public ,. ce Poète qui cojinoifToit l’Auteur
des Lettres , lui dit : » Votre Lettre^
a» eft bien écrite ; mais en vérité vous-
3» prenez un mauvais parti, 8c vous atta-
3> quez les plus honnêtes gens qui foient
3> au monde «. Eh bien, reprit M. Racine,
celle-ci ne verra jamais le jour.
Les talens fupérieurs de N i c o l e ^ 8c les Ouvrages que je viens de nommer,
N I C O L E . h.?
lui fufeitèrent des ennemis redoutables,
qui fe liguèrent pour l’inquiéter. Madame
la Ducheffe de Longueville, qui l’eftimoit,
voulut le mettre à l’abri de leurs perfé-
cutions. E lle l’engagea à accepter un
appartement à fon H ô te l, rue Saint T h o mas
du Louvre ; 8c lorfqu’elle eut acheté
l ’H ôtel d’Epernon , elle lui donna pour
compagnie MM. Arnaud 8c Lalane. I l
s’occupa avec ces Meilleurs , 8c fous les
aufpices de Madame de Longueville , à
compofer & publier divers Ecrits fur les
difputes qui troubloient l’Eglife. Dans ce
temps-là, le Pape Alexandre V I Imourut,
& ces difputes fe rallentirent : elles furent
enfin terminées par la paix que donna à l’E glife
Clément I X , fucceffeur d3 Alexandre.
Notre Philofophe dégagé ainfî 8c des
foins 8c des embarras dans lefquels ces
troubles l’avoient jetté , ne fongea plus
qu’à fatisfaire fon goût pour la retraite. I l
fe retira au commencement de 1 669 à
Troy es en Champagne, & forma le projet
d’établir des petites Ecoles peur l’é ducation
des jeunes Filles. I l vouloir faire
cet établiffement à fes dépens , 8c il avoit
pris pour cela quelques arrangemens né-
cefiaires, lorfqu’ il trouva des oppofitions
qui l’empêchèrent d’aller plus loin. Ce ne
fut que dix ans après, qu’il put confom-
mer cette entreprife.
C e delïein ayant avorté , N i c o l e
quitta Troyes après quelques mois de fé-
jour , 8c partit pour l’Abbaye de Haute-
Fontaine , où il logea chez M. l’Abbé
Leroi. Il y rut témoin d’un furieux orage
qui s’éleva le 18 du mois d’Août aiïez
fubitement, 8c qui renverfa onze grands
clochers dans le voifînage de cette A b baye
8c de Vitry-le-François ; ébranla
plufieurs maifons ; dépouilla la plupart
des toits , & obligea les Habitans à fe renfermer,
pour n’être pas expo fés en for tant à
une mort certaine.Cet événement lui parut
fi extraordinaire, qu’il crut devoir en con-
ferver le récit à,la poftérité. Il en fit,à cette
fin , imprimer une relation fous le titre de
Relation de l'Ouragan de Champagne. I l
travailla auflî dans cette Abbaye à la continuation
de fon grand ouvrage de la perpétuité
de la Foi. I l revint à Paris lorfqu’il
l’eut achevé, pouf y mettre la dernière
main, avec M. Arnaud , au jugement
duquel il crut devoir le Soumettre.
I l alla dans ce deffein demeurer chez lui
rue des Poftes.
C e Livre parut enfin, 8c il fut reçu
avec les plus grands applaudifTemens^
Vingt-fept Prélats, tant Evêques qu’A r -
chevêques , s’emprefsèrent à lui donner
leur approbation : 8c , ce qui eft encore-
une preuve plus convaincante de fon mérite
, il convertit plufieurs Miniftres P ro-
teftans. M. dè Turenne le trouva fi lumineux
& fi folide, qu’il abjura auflî le Pro-
teftantifme, pour embrafler la Religion
Chrétienne. Cela devoit faire un honneur
infini à N i c o L E , & l e combler de
gloire : mais fon amour du bien public 8c la
modeftie étoient au-deflus de cette exquife
fatisfaétion. I l favoit que ce n’eft point
allez qu’un ouvrage foit excellent ; il faut
encore que les qualités de l’Auteur annoncent
fa capacité dans le genre qui en
eft l’objet. C ’eft ce qui le porta à engager
M. Arnaud à palfer pour l’Auteur du L ivre
de la Perpétuité de la F o i , quoiqu’il
n’eût d’autre part à ce Livre que les avis
qu’il avoit donnés à N 1 c o l e . Vous êtes
Prêtre Gr DoEleur, dit - il à fon ami , Gr
moi je ne fuis que Clerc. Il ejl convenable
qu’on n’envifage que vous dans un travail où.
il faut parler au nom de VEglife, Gr défendre
fa foi dans des pointsfi important.
Ce Livre efliiya plufieurs critiques de
la part de quelques Théologiens, tant
Catholiques que Proteftans. L e Miniftre
Claude fur-tout l’attaqua très-fortement;
& N i c o L E d e concert avec M. Arnaud,
répondit à fes critiques. On croit qu’il demeuroit
alors à Saint-Denis : mais Madame
la Ducheflè de Longueville ayant eu
un procès avec Madame de Nemours , il
vint loger quelque temps chez elle avec M.
Arnaud, pour travailler enfemble aux Facturas
de cette Princelfe. Ce travail fini, il
ne penfa plus qu’à fe retirer dans quelque
Monaftère où il fût peu connu. I l jetta
les yeux fur l’Abbay e de Saint - Denis
près de Paris; & ayant obtenu de M. le
Cardinal de Rets un logement dans la Mai-
fon Abbatiale, avec la permiflïon d’y de-
D i j