C O L L I N S .
niéïit dans un Ecrit intitulé : Apologie de
VEglife Anglicane, contre les calomnies d’un
Libelleintitulé: la Friponnerie Ecclefiajlique,
& c . Notre Philofophe répondit ; & abandonna
cette querelle pour s’occuper d’une
autre matière qui i’affeéta beaucoup.
L ’Archevêque de Dublin ayant foute-
nu dans un Sermon, que la prédeftination
& prefcience divine étoient d’accord avec
la liberté de l’homme , C o L L i N s fut
frappé de cette propofition. I l en fît le fu-
iet dune Brochure qui donna lieu à deux
Ouvrages fameux, & d’une métaphyfique
très - fubtile ; l’un îur la liberté de penfer,
& l’autre fur la liberté de l’homme. C e fut
en 17 11 qu’il en conçut le projet. En examinant
ces deux fujets, il en fentit toute
la difficulté & l’ importance. Les embarras
fe multiplioient même fous fa plume.
Dans cette perplexité, il crut devoir con-
fulter les Savans fur cette matière. Après
avoir vu à Londres ceux dont il pouvoit
recevoir des lumières, il partit pour la
Hollande, afîn de communiquer fes idées
aux Philosophes de ce Pays. Les uns ne
les approuvèrent pas ; & on ignore ce que
les autres en pensèrent.
I l révint à Londres à la fin de la même
année ; & ce ne fut qu’en 1713 (lüe Parut
fon Ouvrage fur la liberté de penfer. C e
n’étoit qu’une Brochure, mais fi pleine de
chofés , «5c de chofes fi repréhenfibles ,
qu’elle fut dénoncée au Gouvernement
comme impie. Véritablement l’Auteur y
avoit fait un abus étrange de fon efprit.
I l ofoit attaquer fans pudeur l’authenticité
des Livres faints ; & par une fuite de cette
haine qu’il avoit pour les mauvais Prêtres,
il faifoitun portrait odieux duClergé. Cela
étoit tourné généralement & d’une manière
à faire croire qu’il en vouloit plutôt à l’idolâtrie
payenne, <3c à ce qu’on appelle en
Angleterre la fuperftition du Pagahifme ,
qu’au Chriftianifme même &c aux Livres fa-
crés. C et artifice rendoit le mal encore plus
dangereux. M. JViJlhon fut le premier qui
le dévoila. Il repouffa avec force les rai-
f o n nemens d e C p L L i N s ; & f o n exenv-
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pie lui fufcita plufîeurs adverfaîres, qui publièrent
coup fur coup une foule de Brochures
où les injures ne font point épargnées.
Notre Philofophe avoit gardé l’anonyme
: mais fon Imprimeur l’ayant découvert
, il ne fe crut point en fureté à
Londres. I l fe fauva en Hollande, & delà
il paffa en Flandres. Son delfein étoit
de venir à Paris : il avoit même donné des
ordres aux Domeftiques qu’il avoit laides
chez lu i, de venir le trouver à Calais :
mais la mort d’un proche parent qui étoit
auffi fon ami, l’obligea de retourner à
Londres. I l y trouva les affaires pacifiées .,
& y vécut affez tranquille. Pour mettre
cette tranquillité à profit , il travailla
à fon Ouvrage fur la liberté dé
l ’homme. Cet Ouvrage parut en i n i e
fous ce titre : Recherches Philofoptiiques fur
la liberté de l’homme ; & il eut le fort de
toutes les produ&ions hardies , il fut ad*
miré & fortement cenfuré *.
Des affaires convenables à fon état occupèrent
C o l l i n s pendant quelques
années. I l exerça la Charge de Juge
de Paix & de Lieutenant de Province
dans le Comté d’Edex pendant trois ans;
I le n fut enfuitenomméTréforier :c e qui
fit grand plaidr aux Créanciers de ce
Comté. Car notre Philofophe ne padoit
pas feulement pour homme de génie : il
étoit encore eftimé par les qualités du
coeur. Extrêmement fenfible & compatif*
fant aux malheurs d’autrui, il mettoit tout
en ufage pour les adoucir. On le favoit, 6c c’e ll ce qui caufoit cette grande joie.
En effet,quoique ce Comté dût des fom-
mescônfidérables, C o l l i n s arrangea
fi bien les affaires, qu’il les acquitta dans
l’efpace de quatre ans. I l commença d’abord
à payer les pauvres de fa propre
bourfe : il promit aux riches de payer l’intérêt
de leur argent, jufqu’à ce qu’il pût
rembourfer le capital.
A peine C o l l i n s venoit de termi*
ner cette bonne oeuvre , qu’il perdit fou
fils. Ses entrailles s’émeurent, & cette
perte lui rappella encore avec plus de vi~
N ij
Voyez l’Hiftoire de Clttrke.