Eccléfiaftiques & des canons, parce
qu’ils avoient tout cela dans leur
bourfe.
La fuperftition, fille de l’ignorance,
jouoit aufli fon rôle. On s’i-
maginoit que la validité du ferment
dépendoit des reliques,fur lefquel-
les on le faifoit ; de forte que le Roi
Robert, pour prévenir les faux fer-
mens fi communs alors, prit la précaution
dé faire faire un reliquaire
de criftal orné d’o r, mais fans reliques
; & un autre d’argent, où l’on
mit un oeuf de Grifon. Sur le premier
il faifoit jurer les Seigneurs ,
■ & fur l’autre les gens du commun.
Enfin l’aveuglement étoit te l, que
les Evêques s’attribuoient le pouvoir
de faire venir des lettres du
Ciel, & on les en croyoit {a). •
Il y avoit pourtant encore dans
un coin de la Terre des hommes
qui favoient penfer. C’étoient les
Sârrafins. Ces peuples cultivoient
1 ; Philofophie, & confervoient avec
foin les ouvrages des anciens Phi-
lofophes. Ils en faifoient un cas infini
: ils n’oublioient rien pour les
recueillir. Dans leurs traités avec
les Empereurs Grecs, ils en deman-
doient toujours des copies par des
articles particuliers. Le Calife A l-
maimon ayant défait Michel leBegue,
Empereur de Conftantinople, mit
dans une des conditions de la paix
qu’il fit avec lui, qu’il lui enverrait
une certaine quantité de livres des
Philofophes Grecs. Ce Calife faî-
foit traduire ces livres, & excitoit
tous fes fujets à s’en rendre la lecture
familière. Toutes les Sciences
lui étoient précieufes ; mais l’Aftro-
nomie avoit des droits particuliers
fur lui. Aufli s’attachait-il à laper-
_ feêtiônner. Il fit élever dans fes Etats
un grand nombre d’Obfervatoires
qu’il pourvut d’inftrumens d’une
grandeur prodigieufe. Il calcula lui-
même des Tables Aftronomiques ,
& fit mefurer pour la première fois
un dégré du cercle de la Terre. Les
autres Califes, ceux de Syrie, d’E gypte
& de Perfe , fui virent cet
exemple, & paflerent eux-mêmes
pour de grands Aftronomes, ou en
eurent toujours avec eux.
Ces peuples embraflerent dans
lg fuite un plus grand nombre de
Sciences, & prirent Ariftote pour
guide. Ils étudièrent avec attention
les Ouvrages de ce Philofophe, &
ce fut avec des tranfports d’admiration.
Un de leurs Savans, nommé
Alfarade, fe vantoit d’avoir lu quarante
fois fes Livres de Phyfique.
Un autre ( Avicenne ) avoit appris
par coeurfaMétaphyfique. Averroès
trouvoit tout excellent dans cet Auteur.
Il foutenoit même que la nature
n’avoit été perfeâionnée qu’a-
près fa naiflance. Malgré cette haute
eftime, cet Arabe ofa établir des
principes de Phyfique dîfférens des
liens : l’un, que toutes les parties de
[a] Hijloire littéraire delà France , Tom. IV. pag. 7.
l’Univers correfpondent les unes
aux autres, & qu’elles participent à
la même ame : l’autre,que cette ame
fubfifte toujours-, mais divifée en
un nombre infini de parties attribuées
à chaque être, lefquelles rentrent
dans la malle générale lorf-
qu’elle fe décompofe.
A l’étude de la Métaphyfique &
de laPhyfique, les Arabes joignirent
celle de la Médecine & de la Chy-
mie. Hyppocrate fut l’Auteur qu’ils
fuivirent pour l’étude de la première
dé ces Sciences. Ils y firent aufli des
découvertes eux-mêmes , & nous
•leur devons la connoiflance de la
Cafle, de la Rhubarbe & desTama-
rins. Quant à la Chymie, ils la
créèrent en quelque forte. Le principe
d’après lequel ils travail-
loient, étoit que dans tous les corps
Amples ou compofés, il y a toujours
un phlogiftique, c’eft-à-dire,
quelque chofe de fulphureux &
d’inflammable, qui unit & confirme
en quelque forte la nature de ces
corps. Enfin ces peuples cultivoient
prefque toutes les Sciences, dans le
temps que les autres Nations crou-
piflbient dans l’ignorance la plus
profonde. Deux hommes feuls Envoient
leurs travaux, & , entrete-
noient un commerce avec eux :
c’étoient Raimond huile, de l’Ifle
de Maïorque, & Arnaud de Ville-
neuve. Ces bons Citoyens, inftruits
fur-tout de leurs connoiflances en
Chymie, dont ils avoient fait une
étude particulière, les répandirent
dans la France, dans l’Italie & dahs
l’Allemagne. Le premier ne fe borna
pas là. Il follicita Philippe le Bel,
Roi de France, à introduire dans
fon Royaume l’étude des Langues
Hébraïques, Arabes & Chaldéen-
nes : mais il ne fut pas écouté. On
étoit trop ignorant alors à la Cour
de ce R o i, pour fe rendre à des rai-
fons. L ’autorité feule faifoit agir les
hommes, & celle d’un Savant n’é-
toit d’aucune confidération.
Ce projet tranfpira. Le Clergé
s’en occupa particulièrement; de
forte que Clément V ayant convoqué
un Concile à Vienne en 13 11 ,
auquel il préfida, il fut examiné &
adopté. Le Concile ordonna donc
qu’à Rome & dans les Univerfités
de Paris, d’Oxford , de Boulogne
& Salamanque, on établirait des
Maîtres pour enfeigner l’Hébreu,
l’Arabe & le Chaldéen, qui feraient
entretenus à Rome par le Pape , à
Paris par le R o i, & dans les autres
Villes par les Prélats, les Monafte-
res & les Chapitres. Quelque fage
& relpeûable que fût cette Ordonnance
, elle n’eut point d’exécution.
Toute l’Europe étoit enveloppée
dans des ténèbres fi épaifles,que fes
Habitans ne voyoient abfolument
rien. Us exiftoient prefque fans mouvement'.
Une langueur & un affaif-
fement inconcevables engourdif-
foient toutes leurs facultés. En vain
les Univerfités firent. les plus
grands efforts pour réveiller en eux
l’amour de la vie, laquelle ne con