d’agir, & foutenoit que le repos ab-
folu eft impoffible, & que le mouvement
ou une forte de tendance
eft effentiel à toutes les fubftan-
ces" matérielles (a). Enfin ce grand
homme vouloit que le fyftême du
monde foit une machine abfolu-
ment parfaite, qui ne peut jamais
être dérangée, ou avoir befoin d’êt
tre rétablie. Croire que Dieu le
gouverne , c’eft , difoit-il, diminuer
la fcience de l’Auteur 6t la’
perfe&ion de fon Ouvrage.
Newton penfoit au Contraire que
la ftruQure de l’Univers s’altéroit,
& qu’il falloit à la fuite du temps,
que la même main qui l’avoit formé
, le rétablît. Et ces deux ffibli-'
mes génies, quoique fouvent oppo-
fés de fentimens, créoient une nou-
veileMétaphyfique,&foumettoient
la conftruâion du monde àdesloix.
Dans tout ce travail, ils faifoient un
ufage de la Géométrie de Defcartes
& de celle de Pafcal, & lesperfec-
tionnoient. L ’analyfe de ces Philofophes
âvoit pour objet des quantités
finies : mais Newton & Leibnitz
pouffèrent cette analyfe aux quantités
infinies. .Ils déterminèrent par
ce moyen la nature & la propriété
de toutes fortes de courbes, tant
géométriques que méchaniques ,
leurs points d’inflexion, de rebrouf-
fement, leur dévelopée, &c. & résolurent
toutes les- queftions où il
s’agit de trouvèr les plus grands &-
les moindres effets, c’eft-à-dire
pour parler le langage des Géomètres
, les maxima & les minima.
Ces deux grands hommes firent
tant de découvertes, & dans laMé-
taphyfique, & dans les Mathématiques
, & dans la Phyfique, qu’ils formèrent
un nouveau Corps de Sciences,
que trois de leurs difciples ontin-
finiment étendus. Ce font IP'olf, Bernoulli
& Halleÿi'Le premier a totalement
remaniétêr refondu les fyftê-
mes métaphyfiques de Leibnitz, &
fe les eft rendus propres par les additions
confidëraSles qu’il y a faites.’*
[à] Cette penfëe mérite plus d’attention qu’on
ne lui en a fait jufqu’ici, Si le repos abfolu eft
impoffible, & que le mouvement îoit effentiel à
toutes les lubftances , il eft certain que ce mouvement
ou cette tendance eft la caufe de la pe-
fanteur des corps , & il ne faut plus la chercher
ailleurs. Si au contraire le repos abfolu eft pof-
fible, & qu’on puiffe le concevoir, il faut pour
qu’un corps foit dans cet état, qu’il foit doué
d’une certaine vertu par laquelle il perlïfte dans
le lieu où il eft. Et qu’eft-ce que cette vertu ?
Quelle qu’elle puilfe être, il eft'toujours évident
qu une force quelconque ne peut faire
palier un corps de l’état de repos à celui de mouvement
, fans qu’elle éprouve une réfiftance proportionnelle
à la malle de ce corps. Car il eft
impoffible qu’une même caufe produife le même
effet fur des corps de différentes groffeurs ; ou ce
qui revient au même, qu’une force déterminée
communique le même mouvement à un petit
corps comme à un corps infiniment grand. La
caufe de la pefanteur doit donc dépendre de l’état
propre des corps.
J’ofe le dire , puifque l’occafion fe préfente.
Un grand défaut qui règne dans Ia.Phyfique, c’eft
qu’on n’y donne point toujours des notions bien
claires des chofes qu’on établit. Il faudroit, pour
le corriger , joindre la Métaphyfique à la Phyfi-
que : car la Métaphyfique eft la fcience des idées ;
& fans cette fcience, toute étude, n’eft qu’un tâtonnement
, Une pratique aveugle, fans principes
& fans raifonnement.
Jeun Bernoulli a développé la Géométrie
des infiniment petits, & lui
a donné la forme qu’elle a aujourd’hui.
Car entre les mains de leurs
Auteurs cette Géométrie n’étoif pas
feulement ébauchée, & il falloit un
génie du premier ordre, qui vînt à
leur fecours, pour en bien faifir les
principes. Jean Bernoulli en vit la fécondité.
Il les développa, les rédui-
fit àun jufte nombre, en ajouta d’autres
néceffaires ; & après un effai de:
fes travaux,il appliqua cette Géométrie
de l’infini aux Mathématiques &
à la Phyfique avec tant de fagacité,’
qu’il a prefqueperfeéHonné toute la
théorie de ces deux Sciences. Enfin
Halley tira du fyftême du monde de
Newton lès plus belles conféquen-
ces , & l’événement ; vérifia les
prédisions que ces conféquences
avaient amenées. Il travailla aulïï
d’après fes propres idées. Il inventa
de nouveaux fyftêmes de Phyfique,
donna une infinité de vues, imagina
plufieurs expériences, & fit
des découvertes très-belles & très-
utiles. Il ne mérita guère moins de
l’Aftronomie ; & tous ces travaux
lui ont juftement acquis le titre de
Reftaurateur des Sciences.
On verra dans la fuite de cette
Hiftoire-combien les vues & les travaux
de ces grands hommes ont
fait faire de découvertes. Leurs fyf
têmes , quelque imparfaits qu’ils
foient, ont beaucoup étendu la-
fphère de nos connoiffances-. Ils ont
guidé les Savans dans Fétude de la
xxj
nature ; les ont engagé dans mille
recherches également curieufes &
utiles ; ont foutenu leur ardeur ,
piqué leur émulation, & ont fourni
l’idée d’une infinité d’obfervations
& d’expériences. On a pourtant ou-:
blié dans ces fyftêmes, de remonter
à l’origine des mouvemehs des
corps céleftes, ou du moins à la
caufe des forces auxquelles ils font
en proie.
Je l’ai dit en parlant du fyftême
de Newton ; & comme je crois que
cette omiffion eft très-grave, jevais
terminer ce difeours .par le projet
d’un nouveau fyftême qui fervira à
développer ma penfée.
Avant la création, la matiere.èxif-
toit toute dans un point de 1 efpaceÿ
& formoit ce que Moyfe appelle le
Chaos. Dieu dit, & tout fut.fait.
( Dixït, & fa llu funt ). Mais comment
par un feul a&e de fa volonté,’
l’Etre fuprême forma-t-ill’Univers?
Sufpendons la réponfe à cette queff
tion, pour prévenir que je ne pré-*
tends point donner un fyftême de
la création; que je m’en tiens au
récit du Légiflateur des Juifs, &
que je ne veux que connoître le
principe du mouvement des corps
céleftes, afin d’en déduire les loix.
Je dis donc : 1a matière étoit en repos
: c’eft la matière proprement
dite. Dieul’embrafe en foufflant, ou
en créant dans le centre du chaos
une matière aâive qui la pénétre
de toutes parts. Dès-lors il eft mu .
dans tous les fens, parce que cette