jour après l ’autre équinoxe.
A u milieu de Tes études géométriques,
Bernoulli penlaqu’il étoit temps qu’il
prît un état. I l choifit celui de Médecin ;
& pour en acquérir le titre, il foutint à
Bâle,à la fin de l’année 16^3 , une Thèfe
fur la Logique, dans laquelle il réduit cette
fcience à peu de préceptes, qu’il appuiepar
des exemples tirés de laGéométrie.'Peu de
temps après, afin de parvenir au Do&orat
en Médecine, il compola une Differta-
tion Phyfico - Anatomique fur le mouvement
des mufcles, qu’il expofa dans un
aftè public & folemnel au mois de Mai
de l’année 16P4. Dans cette Differta-
tio n , notre Philofophe .applique la mécanique
la plus fubtile à Tanatomie la
plus exaéle. I l détermine la courbure
des fibres élaftiques mufculaires enflées
par le fluide qui les remplit, & expofe
dans une table .la force néceflàire à un
mufcle pour foutenir un poids donné.
Dans ce temps-là , Leibnitz commen-
çoit à être inquiété par les Anglois fur
l ’invention du calcul différentiel. Notre
Philofophe, qui en partageoit la gloire,
prit fon parti ; 6c Letbnit\ , qui auroit fort
déliré dans cette occafîon être fon voifin,
pour former avec lui une liaifon plus
intime, lui offrit de la part du Duc de
Brunfwick une chaire de Mathématiques
à Wolfembutel. Cette offre avoit beaucoup
d’attraits pour lui ; mais ceux d’une
Demoifelle aimable qui avoit fu le toucher
étoientencoreplus puiffans..Elle étoit
fille de M. Falkner, Confeiller & Scho-
larque de Bâle. Notre Philofophe la jugea
digne de partager fa fortune 6c fa gloire.
I l la demanda à fon père , l’obtint &
l ’époufa. L ’étude reprit enfuite tous fes
droits fur lui. Les Mathématiciens atten-
doient toujours de là part quelques nouvelles
découvertes. De fon côté il ne les
perdoit point de vue ; 6c pour leur Taire
voir que fes études en Médecine, & fes
noces ne Pavoient point diftrait des Mathématiques
, il leur propofa la folution
de ce problème : Trouver une courbe
dont la propriété foit telle, qu’un corps
pefantdefcendant le long de fa concavité,
mette moins .de temps à la parcourir.
qii’il n’en emploîroît à parcourir toute
autre ligne droite ou* courbe. Il femble
que la ligne droite devroit être celle
qu’.un mobile devroit parcourir le plus
promptement , puilque c’eft la ligne
la plus courte ; mais un corps qui fe
meut dans un fens vertical , accélère
fon mouvement ; & pour qu’il aille
d’un point à un autre dans une fituation
oblique, la ligne droite n’ëft pas la ligne
où il fe meut le plus verticalement. Il
s’agit donc de trouver une courbe qui (oit
en même-temps & la plus courte & la plus
verticale qu’il foitpoflîble. Ce fut dans les
AftesdeLeipfickqueBERNOüLLifitcette
proportion. M .Jacques Bernoulli, M. le
Marquis.de Lhoj>ital, Leibnitz 6c Newton ,
c’eft-a-dire tous les Géomètres qui pof-
fédoient le nouveau calcul de l ’infini,
refolurent le problème. Newton envoya
fa folution fans nom d’Auteur ; mais
notre Philofophe ne s’y méprit point.
E x ungue leonem , à l ’ongle on connoît
le l i o n d i t - i l . I l lui donna les éloges
qu’ il méritoit, en fe plaignant néanmoins
de la fupprelïion qu’il avoit faite de la
méthode qui l’avoit conduit à la découverte
de la courbe de la plus vite defcente.
C ’eft ainfi qu’on appeloit la courbe cherchée.
Quant à lu i , plus généreux , il ne
le contenta pas de publier une folution
pleine 6c entière de ce problème , & de
démontrer que la cycloïde étoit la courbe
cherchée : il fit voir encore que cette
courbe étoit auflï celle que décrit un
corpufcule de lumière , en traverfant un
fluide, dont les couches font d’une den-
fite variable. I l eft vrai que dans cette
derniere folution, il fuppofa qu’un corpufcule
de lumière qui traverfe un
fluide , doit le traverfer en moins de
temps qu’il eft poffible. Ce principe a
été contefté par plufieurs grands Mathématiciens
: mais la démonftration de
Bernoulli n’en eft pas moins exaéte.
Pendant le cours de ces travaux ,
l’Univerfité de Groningue le demanda
pour remplir une chaire de Profeffeur de
Mathématique. I l s’y rendit, 6c y travailla
avec une nouvelle ardeur, afin de fe
montrer digne du choix de l’Univerfité.
I l
II n y avoit en Europe que fon frère
qui courût la même carrière avec autant
de fupériorité ; 6c comme ce frère
avoit été fon Maître de Mathématiques ,
il confervoit à fon égard un ton avanta
g eu x qui ne lui étoit point agréable.
Notre Philofophe ne vouloit plus
être traité en difciple : il tâchoit de le
lui faire connoître en le défiant en quelque
' forte au combat ; car les propo-
fitions qu’il publioit en forme de quef-
tions dans les A êtes de Leipfick, étoient
des attaques indire&es contre lui. M.
Jacques Bernoulli le comprit ; 6c fe croyant
affez provoqué pour en venir à un coup
d’ éclat, il propofa publiquement à fon
frère , en manière de défi, de réfoudre
ce problème : Parmi les courbes de même
lo ngueur , qui paffent par deux points
donnés , trouver celle qui renferme
avec la ligne droite , tirée entre ces deux
points , le plus grand efpace poffible. I l
lui promit en même - temps une récom-
penfe dë deux cens écus, s’il donnoit une
folution complette de ce problème dans
l’efpace de trois mois. M. Bernoulli ne
croyoit pas que la chofe fût aifée. Son
frère en jugea autrement. I l écrivit à'
l ’Auteur de YHiftoire des ouvrages des Sa-
vans , que quelque difficile que ce problème
parût , il n’avoit employé que
trois minutes de temps pour tenter, commencer
6c achever d’approfondir tout le tnyf-
tère. E t pour foutenir ce ton un peu cavalier
, il ajouta J ’aurois honte de prendre
de l’argent pour une chofe qui m’a donné Ji
peu de peine, qui ne m’a point fait perdre
de temps, f i ce n’efi: celui que j ’emploie à écrire
ceci. Ces expreffions déplurent beaucoup
à Jacques Bernoulli. Il examina avec attention
le réfultat de la folution de fon
frè re , & trouva ou crut trouver que cette
folution ne pouvoit être vraie. Charmé
de pouvoir fe venger de la manière dont
notre Philofophe avoit déprifé fon problème
, il fit imprimer dans le Journal
des Sdvans du mois de Février 165)8 ,
un avis important capable de déconcerter
le plus habile Mathématicien ; car il
s?ehgageoit à trois chofes : 1 ? , à déterminer
au jufte l’analyfe qui avQit conduit
fon frère à fa folution ; 2 0. à y faire
voir des paralogifmes, quelleque fût cette
analyfe ; 30. à donner la véritable folution
du problème dans toutes fes parties.
Et pour que rien ne manquât à un
engagement fi fier 6c fi hardi, il déclara
que s’il fe trouvoit quelqu’un qui s’in-
térefsât affez à l’avancement des Sciences,’
pour mettre un prix à chacun de ces articles
, il confentoit de perdre autant,
s’il ne s’àcquittoit pas du premier ; à
perdre le double, s’il ne rempliffoit pas'
le fécond; & le triple, s’il manquoit au
troifiéme,.
B ernoulli ne vit point fans émotion
, 6c même fans crainte, le fafte de cet
écrit. I l y répondit en convenant qu’il
pouvoit bien s’être gliffé des fautes dans
fa folution ; mais qu’elles ne venoient
que de fa précipitation à le réfoudre, &
de l’étendue qu’il avoit donnée au problème
des ifopérimètres : c’eft le nom du problème
dont il s’agit. Afin de ne pas relier
court fur les promelïès de fon frè re , il
lui marqua qu’il avoit deviné fa penfée ,
6c lui confeilla fraternellement de ré-
traéler la gageure propofée dans le premier
article de fon a v is , parce qu’il per-
droit infailliblement. Quant au troifiéme
article, il y fatisfit en s’engageant à perdre
le quadruple de fa promefte, fi avant
la fin de l’année Ion frère réfolvoit ce
problème : Déterminer la nature d’une
demi-ellipfe le long de laquelle un corps*
le meuve en moins de temps qu’il eft
poffible.
Cette réponfe n’intimida nullement
fon frère. Il l’eut à peine lue, qu’il envoya
au Journal des Savans un fécond
avis , par lequel il prioit notre Philofophe
de repaffer de nouveau fa folution,
en lui déclarant qu’après qu’il auroit publié
la fienne , les prétextes de précipitation
ne feroient plus écoutés. B e r -
n o u L L i méprifa cet avis. I l crut que
fon frère craignoitde perdre cequ’il avoit
propofé de parier pour la folution de
fon nouveau problème ; 6c ne confervant
plus aucun ménagement , il le fomma
d’accepter fon défi , à peine de pàffer
pour pufill anime. L e feu prit à la que