dont on ne fauroit nier l ’exiftence ? C ’eft
la première & la plus (impie de toutes nos
idées, une idée à laquelle il n’eft pas pof-
fible de nous fouftraire , fans renoncer
tout-à-fait à 1a faculté de penfer;c’eft-à-
dire l’idée d’un être très-fîmple , éternel y
original , indépendant 3c infini« Ces trois
premiers attributs découlent né.ceffaire-
ment de l’exiftence d’un être. A l’égard
de celui de l’infini, on conçoit qu’il lui
eft auflî effentiel que les autres , quand
après avoir fait tous nos efforts pour nous
perfuader que rien d’éternel & d’infini
n’exifte, nous nepouvônsnous empêcher
d’imaginer je ne fai quel néant éternel & infini.
A infi nous fournies réduits à direle oui
& le non 5 à affirmer qu’il y a quelque cho-
fe de réel -dans les idées de l’éternité &
de l’immenfité, & a nier en même temps
qu’ il y ait de la réalité dans ces idées.
Donc l’idée d’immenfité 3c d’infini eft une
idée néceffaire qu’il n’eft pas poffible de
bannir de notre efprit.
Cependant nous ne pouvons nous former
l’idée de l’effence de cet être, & cette
effence eft lune cfiofeincompréhenfible;
Mais il eft évident que cet être qui exifte
par lui-même, eftnécelîairement éternel.
Car exifterpar foi-même, c’eft exifter d’une
néceflité abfolue , d’une neceftite de
nature. O r cette néceflité ne dépendant
d’aucune caufe extérieure, il eft évident
qu’elle doit être toujours la m ême, & que
rien ri’eft capable de la changer, tout ce
qui eft fujet au changement ne l ’étant que
par lfimpreflion qui lui vient de la part de
quelque agent extérieur. I l eft donc mani-
fefte qu’un être qui exifte par lui-même,
doit nécelîairement avoir exifté de toute-
éternité, n’avoir point eu de commence--
roent ,i& continuer à exifter fans qu’il y
ait jamais de fin à fon exiftence.
p. Cet être qui exifte néceffairement,
eft donc un être original, indépendant,
infini & éternel. I l eft auflî unique, & cela
découle naturellement de ces attributs,
comme on le démontre par ce raifonnement.
.
L a néceflité abfolue eft fimple .& uniforme
: elle ne reconnoîtni différence ni
variété j car toute différente ou variété
d’exiftence procède néceffairement dé
quelque caufe extérieure dont elle dépend.
O r il y a une contradiâion ma-
nifefte à fuppofer deux ou plufieurs natures
différentes exiftantes par elles-mêmes
néceffairement 3c indépendamment;
En effet chacune de ces natures étant indépendante
de l’autre, on peut fuppofeiï
que chacune d’elles exifte toute feule j
& i l n’y aura point dans cette fuppofition ,
de contradiétion à imaginer que l’autre
n’exifte pas : d’oit il s’enfuivra que ni l’une
ni l’autre n’exifteront néceffairement.
I l n’y a donc que l’effence fimple &
unique de l’être exiftant par lui-même ,
qui exifte néceffairement ; & tout ce qui
eft différent de cette effence ne fauroit
néceffairement exifter, puifque la nécef-
fité abfolue ne connoît ni différence ni
diverfitê d’exiftence. L ’ unité de Dieu ejl
donc une unité de nature Gr d’ejfence. _ 6. Mais quels peuvent être les attributs
particuliers delà Divinité? Premièrement
cette Divinité doit être intelligente, puif-
qu’elle eft la caufe de toutes les chofes différentes
dont l’univers eft compofé, & que
ces chofes-ont des qualités diverfes, foit
en beauté, foit en perfeétion. O r il eft dans
l’ordre naturel des chofes, que la caufe doit
être plus excellente que l’effet. Donc Dieu
ou l’être exiftant par lui-même , pofsède
dans le plus haut degré toutes les perfections
de tous les autres êtres; Cette vérité
fe démontre ainfi.
. I l eft impoflible que l ’effet foit revêtu
d’aucune perfeétion, qui ne fe trouve auflî
dans la caufe. Sans cela , il faudroit que-
cette perfeâion eût été produite par rien:
ce qui eft contrad'ufeoire. Or il eft évident
qu’un ; être qui n’ eft -pas : intelligent y ne
pofsède ipas toutes les perfeftioris de tous
les êtres,qui font dans l’univers, puifque
l ’intelligence eft une de ces perfeétions.
Donc toutes chofes n’ont pu tirer leur origine
d’un être fans intelligence; & par con-
féquent l’être qui exifte par lui-même , &
à qui toutes chofes doivent leur origine,
doit néceffairement être intelligent. _ ^ >
7 . De-là il fuit que cet être doit être
auflî libre ; car une intelligence fans liberté
n’eft pas, à proprement parler ,une
intelligence.
intelligence. Otez la liberté à un être,
vous lui ôtez le pouvoir d’agir. I l ne peut
être la caufe de rien. I l n’y a en lui rien
d’aélif : tout y eft purement paflïf j car agir
néceffairement n’eft point agir du tout :
c’eft être patient 8c non agent.
8. I l eft également évident que ce
même être exiftant par lui-même pofsède
une puijftmce infinie. En effet, puif-
qu’ il n’y a que lui qui exifte par lui-
même ; puifque tout ce qui exifte dans l’univers
a été fait par lui, & dépend abfolu-
ment de lui ; & puifqu’enfin tout ce qu’il
y à de puiffance dans le monde vient de
lu i, & lui eft parfaitement Ibumife & fu-
bordonnée , comme on l’a fùffifamment
démontré, il eft évident que rien ne doit
s’oppofer à fa -volonté. I l a donc une puiffance
fans bornes, 8c le pouvoir de faire
ce qu’il lui plaît avec la plus grande facilité,
& de la manière la plus parfaite
qu’il foit pofîible de concevoir.
p ; C ’eft encore une conféquence néceffaire
de tout ce qui a été établi, que le
Ïout-Puiffant pofsède une fagejfe infinie. I l
eft en effet de la dernière évidence, qu’un
être qui eft infini:, p r é fe n t par-tout , 3c
fouverainement intelligent, doit parfaitement
concoure toutes chofes. Lui qui eft
feul éternel & exiftant par lui-même, quï
eft la caufe unique 3c l’auteur de tout ce
qui exifte, de qui feu lcom m e de (à four-
c e , dérive tout ce que les êtres ont de
faculté 8c de puiflànce , doit néceflàire-
ment connoître toutes, les conféquences
dont il eft lui-même l’auteur, c’eft-à-dire
toutes les poflibilités des chofes futures.
I l doit (avoir ce qui s’accorde le mieux
avec les règles de fa bonté & de fa fageffe.
Revêtu d’ailleurs d’une puiffance infinie,■
qu’eft-ce qui peut s’oppofer à fa volonté ,
& empêcher qu’il ne faffe ce qu’il connoît
être le meilleur & le plus (âge ? D ’oit
il fuit mariifeftement que tout ce que le
Tôut-Puillànt a fait ne peut qu’être infiniment
fage.
t o . Enfin un être infiniment fage, &
qui fait toujours ce qu’il connoît être le
meilleur , doit fans ceffe agir conformément
aux règles les plus févères de la
bonté, de la vérité , de la juftice, & des
autres perfeélions morales. E t par confé-
quent il pofsède une bonté, une juftice &■
une vérité infinies, 3c toutes les autres per-
feétions qui conviennent au fouverain
Gouverneur & au fouverain Juge du
monde.
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