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WO L L A S T O N.*
RI E N n’eft plus important en morale
, que de favoir juger des Religions
qui font établies dans le monde ,
de pouvoir fixer fon jugement touchant
les matières problématiques , 6c d’être
en état de fe déterminer fur le parti qu’il
convient de prendre pour mener une vie
tranquille. I l faut pour cela connoître la
Religion naturelle, qui forme la bafe des
autres Religions. Mais y a-t-il véritablement
une Religion naturelle f Et qu’eft-
ce que cette Religion ? Deux grandes
guettions , auxquelles il eft très-difficile
de répondre. Quelle chaîne de principes
en effet pour bâtir un fyftême, qui renferme
le culte que l’homme doit à l’Etre
fuprême ! Remonter à l’exiftence d’un
Créateur ; faire voir combien l ’intelligence
de cet Etre eft fupérieure à
celle des hommes ; déduire de-là l’in-
duftrie que ce même Etre leur a donné
pour vivre fans incommodité, en formant
des fociétés qui fe procurent les fe-
cours néceffaires à leur confervation ;
continuer ainfi jufqu’à leur faire découvrir
tout ce qui eft utile , d’abord à chaque
famille , enfuite aux fociétés, 6c enfin
fceller l’union des unes 6c des autres
d’un £ceau qui foit refpeétable à tout le
monde, celui delà Divinité : voilà l’idée
du plan de la Religion naturelle. I l n’y
avoit fans doute qu’un puiflant génie qui
pût la concevoir 6c fa mettre à exécution.
T e l étoit celui du Philofophe nommé
Guillaume W o l l a s T o n , né le
2.6 Mars iopp à Coton-Oauford, dans
le Comté de Stafford , d’ une famille très-
ancienné 6c très-diftinguée. Son pere n’en
étoit pas pour cela plus riche. Sa fortune
étoit même fort bornée. L ’éducation du
jeune W o l l a s t o n fe reffentît de
cette médiocrité. C e ne fut qu’à l’âge de
dix ans que fes parens fongerent férieu-
fement à le faire étudier. Ils l’envoye-
rent à une école qu’on venoit de fonder
à Shenton, petit endroit où ils faifoient
leur réfidence.
Le Maître de cette école lui apprit
dans l’efpace de deux ans tout ce qu’il
fa voit. Notre écolier alla enfuite au C ollège
de Lichfield ( c’eft une Ville du
Comté de Stafford ) où il trouva un Pro-
feffeur véritablement doéte. Auffi avoit-
il beaucoup d’écoliers , parmi lefquels il
y en avoït plufîeurs qui lui étoient fin-
cérement attachés. L e jeune W o l l a s -
t o n fut bientôt de ce nombre. Cet attachement
devint même fi intime , que
ce Profefteur ayant été expulfé par les
Magiftrats , à caufe d’une grande querelle
qu’il y eut au Collège , il ne voulut
point l ’abandonner. I l le fuivit dans le
lieu où il fe retira. Prefque tous fes camarades
fuivirent ce généreux exemple.
W o l l a s t o n refta avec lui pendant
trois ans que dura fa retraite. C e fpeéta-
cle touchant de l’amitié fi confiante d’un
enfant envers fon M aîtrecontribua beaucoup
à infpirer aux Magiftrats d’autres
fentimens que ceux qu’ils avoîent eus
jufques là à fon égard. I ls le rappelle-
rent, & fon zélé difciple le fuivit au C ollège.
I l y continua fes études , qui finirent
en 1674. > c’eft-à-dire, un an après
le rappel du Profefteur.
L e 18 Juin delà même année , notre
jeune Philofophe fe fit immatriculer dans
le Colfége de Lidney à Cambridge. Ce
ne fut pas fans difficulté qu’il y parvint.
I l fortoit d’une école de campagne, & il
* Préfacé de la '"même édition Angloife de l’E-
kau ehe (le la Religion naturelle. Bibliothèque Britannique
Tom, II. Mémoires pour fervir a l ’Hißoire des Hommes
Illuflres .par fe P. Niceron, Tom. 41. ' Dictionnaire
hiftorique & critique de M. Chaufferie art. WOLLAS»
TON. Et fes Ouvrages»