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•Î7C0. ils rempliflbicnt le lieti où rls cônîuli
toient leurs Divmitezi,' Se dont il^ hutnoient
une fi grande quantité, qu'ils en
tomboient comme yvres aux pieds des
Autels, où après avoir demeuré ùn certaîn
efpacè de tems,ils le relevoient remplis
d'un entaufîafme' divin-,• & .Tèn'
. , dçiientdes répoîifes bonnesou-mauvaifeà
• mais toûjours obfcures 6c ambiguës à
ceux qui les avoient confultez. Il n'y
w o i t pasjufqu'aux Médecins, qui ne
décidoient rien fur le fort de, leurs ma-
Tades, qu'après s'être amplemeti't par-
•fumez de tabac. ' - •
Il étoitinoiii qu'on eût jamais decide
àiicune affaire d'Etat, que tous les Confeillers
n'euiîent été au moins à demi
cnyvrez de la fumée du tabac ; coûtume
qui felon quelques voïageurs modernes
s'obferve encore aujourd'hui chez les Indiensdel'Ifthme
deDaricn, où dès que
les anciens font aiîemblez pour quelque
caufe que ce puiffe être, avant de traiter
aucune afïiiire, un jeune garçon fe prefente
avec un gros bout de tabac à la
bouche, dont rl fouffle la fumée furie
vifage des affiftans les uns après lès autres,
qui reçoivent ce parfum avec tant
de-plaiiîr, que pour n'en perdre que le
-inoins qu'il eft poffible, ils font de leurs
mains une efpece d'entonnoir, pour conduire
cette fumée dans leurs narines. •
Jenefiniroispoint, fi je voulois rapporter
tout ce qu'on difoit à la loiiange
de cette ftimée. Elle réjoiiiiloitl'efprit,
éÎle diffipoit le chagrin, & comme elle
agiflbit bien plus puiflamment fur le
corps, que quand on prenoit le tabac de
quelqu'une des autres maniérés qu^ j'ai
rapportée ci-devant,on prétendoit cjû'elle
procuroit les'mêmes avantages bien
plus promptement, & bien plusfûrement.
-
On aiîuroit que l'eau de tabac mife
dans les yeux aiguifoic la vûë , la cOn^'
fervoit, la fortifioic, & qu'elle effaçoit
les rouiîèurs Sc autres taches du vifage.
.
Qu'étant prife par la bouche, elle
guénUbit la courte haleine, l'afthme, la
phtifie, les fièvres tierces & quartes, les
rhumatifmès, l'hidropifiey les douleurs
du foye. - Qu'elle arrêtoit le fang qui
s'extravafoit'du poul'raon , qu'elle faci^
litoit l'aecouchement. Qu'étant appliqué
fur l'extrémité des doigts dépoiiillez
de leurs ongles, elle,les faifoit promptement
revenir. ••
Si on s'en fervoit en ftaméritaition,^ elle
guériiToit la foibleiîè dés nerfs Se les
douleurs caufées par des luxations, & des
catharres frois.
; L'huile de tabac mife dans les oreilles
guériffoit lafurdité. .Appliquée fur ie
vifage, elle en ôtoit les bourjons & les
dartres. Si on en oignoit les parties affligées
dégoûté, oudefciatique, elle appaifoit
la douleur, refolvoit l'humeur
âcre qui en eft la caufe, ouvroitlespores,
faifoit tranfpirer, fortifioit merveilléufement
les nerfs. Elle étoitencore
éxcellentépour les piqueures, Ôcguériffoit
toutes fortes de playes promptement,
& fans fupuration. En un mot, c'étoit
la Medecine univerfelle , & c'étoit-là
juftement ce qui décrioit le tabac chez
les gens qui n'étoient point préoccupez.
Car on ne pou voit pas'nier, que le tabac
ne fût bbnàbien des chofes, mais qu'il
fut propre à tout, c'étoit le détruire au
lieu de e faire valoir. Pour moi, je fuis
>erfuadé que c'cft un purgatif excelent,
& très-prompt, Scce quim'cna
convaincu, cft l'hiftoitc que je vàis rap'
porter.
Un^des plus confiderables Habitans
delaCabefterre de la Martinique, de là
ParoiiTede la BaiTe-Pointe, mariant une
de fes filles à un homme de condition,
crut que fon Cuiûnier N'egt'e ne pquf-
• foit
170c.
F R A N C Ô I S E S DE L»'A M E R 1 Q^U E. 16},
ro'it pas conduire les repas qui dcvoient remède, parce que l'excès qu>n en feaccompagner
un mariage de cette con- roit, pourroit avou" des; luîtes, iaçheuf
e q u e n c e , il fit venir le meilleur Trai- fes , • , , , ^
teurqui fût au Fort S. Pierre, qu'il Cependant malgré les avantages. U,
chargea del'appareil de tous cesfeftins.- confiderables qu'o,i^ préteodoit. ayoïr
LeNegreCuifinicrnepûtfouffrirletort trouvez dans le tabac, il nelaiffapasd e--
qu'il prétendoit que fon Maître lui fai- tre attaqué par de très-puiflans adverfoit
en cette occafion ; & pour s'en ven- faires. Ceux quin'aimoient pas les nouger,
il refolut de troubler toute la fête, veautez , ne pouvoient fouffnr qu'on
Il gliiTa pour cet effet deux morceaux de déplaçât, & qu'on rejettât comme mutifabac'dans
deux Coqs d'Inde, que le les tous les medicamens anciens, pour
Traiteur mettoit eti d'aube pouf être ne fé plus fervir que dccette plante. Ik
fervis' froids à déjeûné". ' On les fèrvit en revoquoient en doute c e qu'on en difoit
effet, ils furent trouvez excellens, pref- de meilleur, & ils ne manquoient pas de
que tout le monde en voulut goûter,
mais il ne fe puffa pas un quart d^heure,
^ e le Negre vit la réiiffite dé fôii projet.
Les conviez les uns après les autres
Cornmencerent à fe trouver mal j ceux
qui avoient pris une doze un peu trop
forte de cette nouvelle Medecine- vo-
170e.
raifons pour perfuader que lesguérifons
qu'on lui attribuoit avoient d'autres
caufes.-- • • '
• Avec toQt cela Pufage de cette plante
nfe -laîÎTa pas de s'établir . plus promptement
qu'on ^n'auroit ofé fe l'imaginer.
De l'ATnerique il fe repandit jufqu'au
ce qu'ilsfuffentdébouchez. En un mot,- que, l'A-fie Mineure, la G r e c e , laHonla
fête fut'troublée, on crut tout le grié, la Pologne, toute l'Allemagne,
monde empoifonné. Le Chirurgien de la les Royaumes du Nord. Jamais chofe .
maifon envoya chercher en diligence ne fut reçûë fi univerfelletaent, quoitous
fes Confreres aux environS j qui fai- qu'elle trouvât par tout des contrafantl'anatomiè
des viandes, qui avoient diftions., des empêchemens, &desopété
fetvies fur la table, trouvèrent enfin pôfitions, qui fembloient la devoir étoufles
deux bouts de ta^bacs: ce qui-décou- for dans fon-berceau. Car il ne faut pas
vrit tout le miftere. On fe hâta d'aider croire, qu'il n'y eût que des écrivains qui
par des lavemens, ceux qui n'avoient la combattirent avec la plume; les plus
que des tranchées, & par des cordiaux, PuiiTans Monarques fc declarerent conceux
qui faifoientde trop grandes évacu- tr'elle. -
ation's; les moins malades furent fur pied Le Grand Duc de Mofcovie Michel
au ¡bout de douze ou quinze hclàresj Fedcrovits, voïant que la-Capitale de
quelques autres en ^rderént lé litpén-s fes Etats, avoit été prefqueentièrement
dant deux jours. Après cela qu'on dife confonimée par lefeu deux ou trois fois,
qu'il y a au monde un purgatif comme par l'imprudencedes fumeurs, quis'enk
tabac. Ceux qui voudront iaire des dormoientla pipe à la bouche, & met-
Coqs d'Inde purgatifs en ont ici la re- toient le feu à desmaifons, qui n'étant
l»îrg»iif. J^ F^^ 'ftulement de- fe fouve- que de bois, 6c fort preflees, ex pofoient
' hir qu'il faut ufer avec modération de c« tout fon peuple. à une ruine entiere, il
X z déf.
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