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312 NOUVEAUX VOY
Le Pere Imbert revint de la Martinique
le 10 Août , il amena avec lui un
Religieux Flamand appelle Gregoire
BouiTemaer, dont j'aurai occafion de
parler. Je lui rendis compte de l'état
de la Maifon, & je me dilpofai à pro-
£ter de la premiere occafion quife prefenteroit,
pour pailer à la Martinique,
où mon bon ami le Pere Gi raudet , qui
vcnoit d'y être établi Supérieur , me
preiToit de me rendre, pour donner la
dernierc main au Convent que j'avois
fliit commencer quelques années auparavant.
J e partis de la Guadeloupe le Lundy
I f Août fur le foir, 8c j'arrivai le lendemain
fur les neuf heures du foir au
mouillage de la Martinique,
LePere CabaiTon nôtre Supericurgeneral
s'étoit mis en tête de couvrir la plate
forme de nôtre Bâtiment avec des plaques
de plomb, pofées fimplement fur
des madriers d'x'Vcajou, au lieu de la
carreler comme il avoit été refolu d'abord.
Je m'étois oppofé de toutes mes
forces à cette refolution feulement par
laraifon que les chambres feroient inhabitables
à caufe de la grande chaleur
que ce plomb y entretiendroit pendant
le jour £c la nuit, quand il auroit été
une fois échauffé par le Soleil, fans prévoir
les autres inconveniens que je découvris
depuis. Mais on avoit paiTé pardeiTus
mes raifons, & on étoit convenu
avec un Marchand du Fort S. Pierre,
nommé Banchereau, pour nous fournir
des tables de plomb à raifon de vingt-cinq
livres le cent , & des madriers d'Acajou
de trois pouces à treize fols le pied réduit.
Cette dépenfe excedoit de beaucoup
celle de tout le B â t ime n t , & m'obligea
de propofer à nos Peres de le couvrir
en Manfarde, & de leur offrir delà
faire pour la moitié de ce que le plomb
& les madriers devoient coûter. Je n'en
A G E S AUX ISLES
pus venir à bout. Ce fut donc pour cette
belle couverture qu'on m'obligeade
venir de la Guadeloupe.
J e ne manquai pas dès le lendemain
de mon arrivée d'aller au Fort Royal
avec le Pere Giraudet, pourfaluerM.le
General. Il avoit une confideration toute
particulière pourlemeritedece Religieux.
Nous en fûmes reçûs avec tout
'agrément poffible. Je lui prefentai le
Mémoire de ce qui étoit neceiTaire pour
le For t , & les Batteries de la Guadeloupe}
il le lût, Se me promit qu'avant
mon dépar t, il le feroit remplir entièrement.
Sa promeiTe fut cependantfans eff
e t , parce que peu de jours après, il fut
attaqué du maldeSiam, qui l'emporta
le quatrième jour, au grand regret de
tous les gens de bien , qui efperoient
beaucoup de fa bonne conduite, de fa
fermeté, defafageiTe, dcfonzèle, de fa
Religion, £c de fa droiture.
Il y avoit environ trois ans, que nos
Peres avoient acheté une maifon, 6c un
petit terrain à côté de celui que nous
avions au moiiillage, afin de profiter
d'une fource d'eau qui y étoit. Cette
maifon avoit appartenu à M. deChambly
ci-devant Gouverneur de la Martinique.
Ils furent trompez dans cet achat:
car il fe trouva que ce terrain n'étoic
pas joint au nôtre, & qu'il y avoit une
langue de terre entre les deux, fur laquelle
nous ne pouvions pas faire paflér
la fontaine, que nous prétendions faire
venir chez nous, fans dédommager le
Propriétaire de ce terrain, & comme ce
dédommagement auroit été plus confiderableque
l'utilité que nous en aurions
pû tirer, je confeillai à nos Peres d'acheter
tout le terrain, ce qu'ils firent,
Êc ainfi nôtre place fe trouva de deux
cent pas de large, au lieu de cent qu'elle
avoit avant cette acquifition. Je fis travailler
enfuite à ramaller l'eau de cette
fource.
1701,
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F R A N C O I S E S DE
1701 fource, avec quelques autres petits rameaux
que le ficurBraguez nôtre voifin
nous donna, dontje fis près d'un pouce
Se demi d'eau, quejeconduifis chez nous
avec des tuyaux de plomb.
Ces fources, & toutes celles qu'on
trouve danslevoifinage, viennent d'un
morne très élevé, au pied duquel eft le
terrain oià le Bourg eft fitué. Ce ne font
que des eaux de pluies, comme toutes les
autres fontaines, qui filtrent lentement
au travers des pores delà terre. Il faut que
celle que je fis conduire chez nous, pailè
par quelque minière} carellea uaepetite
pointe de iel ou d'amertume, qu'on
ne fent point quand ony eftaccoûtumé,
mais quife fait d'abord connoîtreàceux
qui en ufent toute pure les premiers jours.
Je ne fus point du tout content de la
maniéré dont on avoit conduit le Bâtiment
en monabfence, malgré les Devis.
& les Mémoires que j'avois laiffe. On
avoit efpacé les poutres d'une maniéré à
faire manquer tous les planchere. Jefus
obligé de faire tout changer ^ après quoi
je travaillai à la couverture. Je fis embonneter
les madriers avec des languettes
poftiches du même bois , & après
qu'ils eûrent été fortement cloûezfur les
folivauxjje les fis couvrir avec des plaques
de plomb que l'on avoit achetées pour cet
'cmir- effet. Iln'yenavoit p s la moitié en platm
dt ce, que je m'apperçûs que le Soleil pen-
}limh. dantfa grande chaleur attiroit le plomb,
& faifoit crever la foudure, quoique les
tables chevauchaiTent l'une fur l'autre en
replis, & qu'elles fuiTent parfaitement
bienfoudées. Je crus remedier à cet in-
L ' A M E R i a U E .
convenient, en faifant cloiier les tables 1701-
avec les madriers de fix en fix pouces,
tout le long des coutures, & je fis continuer
de cette maniéré le refte de la plate
forme. Cela réiiiîît pendant la faifon de
pluïesj mais dès qu'e le fut finie, il arriva
encore pis. On m'écrivit à laGuadeloupeoii
j'étois retourné, que le Soleil attiroit
le plomb comme il faifoi: au commencement,&
que ne pouvant rompre la
foudure, nifeparer les tables les unes des
autres, parce qu'elles écoient trop bien
clouées, il lesfendoit dans leur milieu
dans toute leur longueur. J'eus d'abord F-ptprc',
de la peine à croire un effet il prodigieux;
mais commec'étoit un fait, j'en cherchai
la raifon.,8c je crus que cela venoit des ma- tenaffe
driers d'acajou,qui étoient fous le plomb, dephml':
parce que ce bois étant affez tendre, fe
rempliffoitaifémentd'humidité pendant
la nui t , ce qu'il ne pouvoir faire fans fe
gonfler, & faire en même-temsélever le
plomb qui étoit deiTus} après quoi le
Soleil venant à darder fes raïons confommoit
l'humidité, & le bois diminué de
volume ne pou voit plus fo&tenir le plomb
qui fe calToit, en retombant par fa propre
pefanteur dans la place où il étoic
auparavant. Cependant cette raifon ne
m'a jamais paru convainquante, & j'ai
vûle même effet à Paris, furuneplatc
formede plomb, bien plus petitequela;
nôtre, où le plomb pofé fur un plancher
de maçonnerie ne laiflbit pas de fe crevaffer
par l'ardeur du Soleil. Je laiffe
ce fait à examiner à des gens plus habiles,
& à en trouver la raifon, s'ils le peuvent.
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C H A P I T R E XI X .
Des arbres appeliez Balatas é" Pain d'Epices ^ & de la maniéré
de fcier le Gommier.
'E partis de la Martinique le i i N o - pe le 15". Onm' y attendoit depuisquelvembre,
&j'arrivai àlaGuadelou- quesjours, maisj'avoi^étéobligédere-
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