N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
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Langue
du Royaume
d'Arda
tydes
environs.
"Religion
desNeîref.
ñne
faut
point
acheter
desMarcha
»ds
on Voleurs
de
pègres.
le à Arda. Elle ell: fort facile. Les verbes
n'ont que trois tems, le preient, le
pafl'é & le futur. Les noms ne fe déclinent
point,il n'y a que l'article qui change.
Elle a beaucoup d'adverbes, & quoiqu'elle
paroiiTe fterile, elle nelaifl'epas
de s'exprimer aflez bien.
Comme une partie de nos Negres du
Fonds Saint Jacques étoient Aradas, &
qu'il m'étoitimportant de fçavoir ce qui
fepaflbit entre-eux. J'en obligeai un de
me donner quelques principes de cette
Langue, 6c en très-peu de tems j'en fçûs
aflez pour comprendre tout ce qu'ils
<3ifoient, & pour leur expliquer mes
penfées.
Preique tous lesNegres font Idolâtres,
Il n'y a que ceux des environs du Cap-
Verd, dont quelques-uns font Mahometans.
Quand on apporte de ceux-ci aux
Ifles, il faut fe garder de s'en charger:
car outre qu'ils n'embraflent jamais la
Religion Chrétienne,ilsfontencorefujets
au peché abominable,qui fit périr les
quatre Villes infames j & ileilde la
derniere coniêquence que ce vice ne s'introduife
pas parmi les Negr e s , ni dans
le^païs.
Il eil encore très dangereux d'acheter
ceux qui ont fait dans leur pais le métier
de Marchand ou de Voleur de Negres.
Il faut s'informer foigneufement de ce
point 5 & pour cela avoir avec foi quelque
Negre qui fçache la langue de ceux
qu'on veut acheter, afin defçavoir qui
i sétoient, &ce qu'ils faiibienc dans leur
païs.Lorfqu'on achete de ces Marchands
deNegres, il faut s'attendre qu'ils feront
une fin malheureufe, parce qu'étant reconnus
par ceux qu'ils ont dérobes &
vendus, ceux-ci cherchent à les tuër, ou
à les empoifonner, & n'y manquent guéres,
& eux s'en défiant, tâchent deles
prévenir, & CCS pertes retombent fur le
Pj-oprietaire, Il vaut donc bien mieux
faire fes diligences pour être bien informé iCy«,
de l'état des Negres qu'on veut acheter,
que de s'expofer à des pertes confiderables
en achetant ces fortes deMarchands. '
Prefque tous les Negres qui fortent de
leur pais en âge d'homme font forciers,
ou du moins ils ont quelque teinturede
magie,de forcelerie, & de poifon.Ce que
j'ai rapporté dans la premiere Partie de
ces Mémoires en doit convaincre les plus
incrédules. Ce que je vais dire paroîtra
plus furprenant, je ne crois pas cependant
qu'on en puiife douter, puifque j'en ai
les certificats entre les mains.
Monfieur le Comte de Gennes Commandant
uneEfcadre de Vaifl'eaux duRoi
ayant pris le Fort deGorée en 1696. fit
charger fur deux de fes Vaiflèaux les Negres
qu'il trouva dans les Magazins des
Anglois, Se les fit partir pour les Mes
Françoifes. Un de ces Vaiflèaux avoit
quelques Negrefles fort habiles dans ces
fciences diaboliques, qui pour s'exempter
de faire le voyage arrêtèrent fi bien Eveng'
e Vaifleau, que le chemin qu'on fait ordinairement^
en deux fois vingt-quatre
heures ne pût être achevé en feptiemai- caufépur
nés, que le Vaifleau reflia comme s'ileût
été cloüé dans le même endroit à quelq
u « lieues de terre, quoique le vent eût
^oûjours ététrés-bon. Un événement fi
extraordinaire fit peur aux Officiers & à
l'Equipage, qui ne pouvant découvrir la
caufe de cet enchantement, ne pou voient
y apporter de remede. Les eaux 8c les vivres
commençant à manquer, la mortalité
fe mit parmi les Negres, ils furent
obligez d'en jetter une partie à la mer.
Quelques-uns fe plaignirent en mourant
-d'une certaine Negrefle qu'ils difoient
être caufe de leur mort, parce que depuis
qu'elle les avoit menacez de leur manger
le coeur , ils n'avoient fait que dépérir,
en fentant de grandes douleurs. Le Capitaine
du Vaifleaa fit ouvrir quelqués-
: FR A N C O I S E S DE -L'A M E R I Q J J E . 47
Mm. uns de ces Negres, & en effet, on leur proche, fôyeziûr que je les aurai mangéz
^ trouva le coeur & le foye auflî fees & aufli avant qu'il foit vingt-quatre heures. Il
accepta le parti, ôc lui montra de loin
quelques melons d'eau, qu'il renferma
uns
vuides qu'un balon, quoique d'ailleurs
ilsparuflent dans leur état naturel.
Après quelques reflexions le Capitaine
fit prendre la Negrefle accufée, la fit
attacher fur un Canon & foiietter trèsrudement,
pour tirer defa bouchel'aveu
des crimes dont on la chargeoit > comme
il fembloit qu'elle ne fentoit pas les coups,
le Chirurgien Major du Vaifleau crut
aufli-tôt darts un coffre, dont il mit la
clef dans fa p o c h e , fans vouloir s'en fier
à iès gens. Le lendemain matin la Negrefle
lui demanda où étoient fes melons j
il ouvrit le coffre où il les avoit renfermez
, & eut beaucoup de joye quand il les
vit tous entiers i mais elle fut courte, 8c
que le Pixvôt ne'la frappoit pas aflêz fe changea dans un étonnement étrange
vivement, il prit un bout de corde, dont lorfqu'il les voulut prendre pour les ui
il lui appliqua quelques coups de toute montrer, les ayant trouvez vuides, n'y
fa force. La Negrefle affeéta encore plus
qu'auparavant de témoigner qu'elle ne
fentoit aucune douleur, & dit au Chirurgien,
quepuifqu'il lamaltraitoit fans
raifon, & fans avoir droit dele faire,
elle l'en feroit repentir, Se lui mangeroit
le coeur. Au bout de deux jours le Chirurgien
mourut avec de très-grandes
douleurs. On le fit ouvrir. Se on lui
reftantquelafimple peau, étendue comme
celle d'u« balon, 6c féche comme dut
parchemin.On fut donc obligé de retourner
à terre, pour faire de l'eau Se des vivres.
Ony laifla cette malheureufe avec
quelques autres de fa compagnie, après
quoi le Vaifleau continua fon voyage le
plus heureufement du monde.
Les Officiers du Fort Se du Comptoir
trouva les parties nobles feches comme Anglois, qui étoient prifonniersdans ce
du parchemin. ^ Vaifleau,. ont iîgné le procès verbal de
Le Capitaine ne fçavoit à quoi fe re- cette avanture : il eil en original entre les
mains de Madame la Comteflè de Gennes,
qui m'en a donné une copie, qu'on
verra a la fin de ces Mémoires.
Quelques envieux du Commerce des cakm^^
qui refteroient defon parti ne fe portaf- François, ont fait courir le bruit parmi niecoa-'
fent aux dernieres extremitez, il prit le les Negr e s , que nous ne les achetions. Se
parti de la traiter doucement, &lui fit ne les traniportions dans nos Colonies^
les plus belles promefles du monde,pour- que pour les manger. Cette calomnie indigne
de gens, qui portent le nom de
Chrétiens, a été caufe que beaucoup de
Negres fe font défefperez pendant le voïa.
ge, Se ont mieux aimé fe jetter dans la
foudre après cequi venoit d'arriver. Il
auroitbien pû faire étrangler cette Negrefle,
oii la jetter à la mer ; mail il eût
peur qu'elle ne f/ût pas feule, Se que ceux
vû qu'elle fitceflerfes makfices. On négocia.
Se on convint qu'on la remettroit à
terre avec deux ou trois autres qu'elle
nomma. Se elle promit de taire partir le
Vaifleau} Se pour faire voir à cet Officier mer, Se fe noyer, que d'aller dansuni'aïsquelque
échantillon de ce qu'elle fçavoit où ils s'imaginoient qu'on les devoit défaire
; elle lui demanda
fruits, ouq
manger. Il
s'il avoit des vorer,. commeils fçavent qu'illèpratiuelqu'autre
chofe qu'on pût que en. quelques lieux de l'Afrique. J'ai
ui d i t , qu'il avoit des melons vû quelquefois arriver des Navires chard'eau.
Montrez-les -moi, lui dit-elle. Se gez de Negres , qui malgré tout ce qu'on
Éins que je les touche, ou que je m'en ap- avoit pû. faire pendant le voyage, pour
kuïi