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c-uit, pefant & mal-fait. Ce fera pourtant
la même farine, en même quantité,
mais travaillée par deux ouvriers difFér
e n s , l'un habile Se diligent, l'autre
ignorant & pareflèux i ce fera le mêine
pain , l'un qui donnera de l'appetS,
qu'on mangeraavec plaifir & fans craint^
d'en être incommodé ; l'autre qui chargera
l'eftomach , & qui caufera uneindigeftion
dangereufe. La délicateife de
la mouife n'empêche point du tout que
l e chocolat ne foit très-nourriiTant, fa
legereté ne diminue point fafubftancej
les gens [qui s'y connoiflent, & qui en
ufent ordinairement, fe mettent peu en
peine que la liqueur foit épaiilè & folideprefquecommeune
bouillici pourv
û qu'ils y trouvent de la délicateiTc,
de la legereté & du bon g o û t , ils font
feurs de prendre le plus agréable, le
mieux faifant, & le plus nourriflàntde
tous les alimens, & lailTent fans peine
aux gourmands & aux ignorans leur chocolat
épais & pefant, plus propre à
charger l'eilomach, qu'à y produire un
bon fuc, & une nourriture agréable &
de facile digellion.
L a liqueur la plus ordinaire & la plus
naturelle pour diiToudrele chocolat eit
Teau.
Il y a des gens qui mettent du lait au
lieu d'eau. Lorfque le lait eft feul, il
rend le chocolat trop épais, trop nourriffant
& d'une plus difficile digeilion.
J'en ai pris quelquefois de cette maniéré,
& j'ai toûjours éprouvé qu'il me
chargeoit l'eftomach. Il n'en eft pas de
même, lorfqu'onlefaitavec un tiers de
lait 6c deux tiers ou trois quarts d'eau}
C e peu de lait aide à le faire moufler &
a le rendre d'une très-grande délicateife.
Les Anglois des Ifles le font fouvent
avec du vin de Madère: j'en ai goûté
une fois de cette façon par pure curiofitc,
& j'en ai été fi content que l'en-
A G E S A U X ISLES
vie ne m'eft jamais revenue d'en faire
une féconde épreuve.
E n parlant des boiifons des Anglois dans
ma premiere partie, j'en ai oublié une
gui eft aifez fingulierc : ils remplilTent
à moitié unejattedevin demaderedans
lequel ils mettent du fucre, delà cane
le, & du gerofle en poudre, & ils ^»^/oi/i
achèvent de remplir le vailTeau
tirant dclfus du lait d'une vache. Ce '
lait fait mouifer toute l'autre liqueur
comme de la c rème fouettée ; ils la boivent
toute chaude, Se à les entendre
rien n'eft plus agréable, plus fain, plus
peétoral. En fera l'épreuve qui voudra,
il me fuffit d'en avoir donné la recepte.
Je n'ai connu dans les Ifles Françoifes
qu'une feule perfonne qui ufa journellement
de chocolat au vin de Majores
c'étoit un Capucinappellé le Pere***
qui étoit curé à la Martinique au quartier
des Ances Darlet. Tout le monde
s'étonna pendant long-tems qu'il ne fai- c w
foit qu'un repas par jour, & cela le
foir Se même aflez tard, n'aiant pris en
toute la journée qu'une tafle de chocol
a t ; maisl'étonnemcnt ce/Ta, quand on
fçut à la fin que cette taife étoit une
écuelle de bonne grandeur, dans laquelle
il prenoit quatre onces de chocolat,
avec fix onces de fucre, & trois oeufs
diiTous dans une bonne chopine de vin
de Madere. Je fuis feur que tout autre
qu'unCapucinauroitpû demeurer vingtquatre
heures fans rien prendre, après
une pareille taife de chocolat.
Voici une autre maniéré de préparer
le chocolat, dont je ne confeille à perfonne
de fefervir, à moins qu'on n'ait
des raifons très-fortes de déloger promp- 4-At-V-knMt- __ 1 -W-lll» ^ . — ^
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tcment de ce monde. Elle fut mife en
pratique à Rome en l'année 1706. par chc,.
un homme venerable par fon âge, fes l'tÀla:
vertus, fon fçavoir Se les charges qu'il
avoit exercéj 8c il fe plaignit à fon mcdccin
D E L ' AME R I Q U E . J7 5
Mais comme ce n'eft pas aiTer de dire
du bien d'une chofe, fans donner les
moïens de la mettre en pratique : voici
comment nous faifons le chocolat aux:
I f l e s , Se comment il feroit à fouhaiter
qu'on le fit pas tout le monde.
O n fe fouviendra que j'ai dit que Mamen
nous ne mettons point de fucre, ni defairt
d'épiceries dans la pâte de Cacao, cc
qui fait que cette pâte devient très-dure, p!rfû.
de forte qu'on eft obligé de la rapper tion.
ou avec une rappe ordinaire de fer blanc,
ou avec un couteau. Il eft plus expédient
de n'en rapper que la quantité
F R A N C O I S E S
decin d'une grande foibleiTed'eftomach,
Si. d'une froideur qui l'empêchoit de
digérer, ce qui ne devoit pas paroître
fort extraordinaire en un homme de
foixante Se quatorze ans , d'ailleurs
caifé par l'étude Se beaucoup d'autres
travaux. Ce charlatan lui ordonna de
jrendre fon chocolat à l'eau de vie,
'aiTurant que rien ne feroit plus propre
à rétablir la chaleur naturelle qui
ui manquoit, Se à aider ladigeftion
des alimens. L'ignorance avoit peutêtre
plus de part dans cette ordonnance
que a malice} peut-être auiïï étoit-ce
quelque experience qu'il vouloit faire, qu'on en veut emploier à chaque fois ,
dont ce venerable vieillard fut bientôt parce qu'il fe conferve mieux en pain,
la duppe, puifque ce chocolat lui caufa Se fe feche bien moins que quand il eft
en peu dejours une inflammation de poi- en poudre.
trine accompagnée d'une fièvre terrible Suppofédonc qu'on veiiille faire huit
qui l'emportèrent en un lieu oii il n'y taiTes de chocolat d'une grandeur raia
ni medecins, ni expériences à crain- fonnable, on met une chopine d'eau fur
dre. - r- , . ..
J'ai pourtant appris d'une perfonne
également recommandable par fa pieté
ôc fon fçavoir, qu'un certain Gouverneur
de * * * * * avoit vécu un bon
nombre d'années en prenant fon chocolat
avec de la meilleure eau de vie de
C o g n a c , fans que cela lui caufa la moindre
incommodité; peut-être qu'il s'y
étoit accoûtumé de bonne heure, ou que
fa complexion étoit aflez forte pour
réfifter à tant de chaleur; peut-être
auiîi étoit-il du fentiment des medecins
Efpagnols, Se qu'il croïoit que le Cacao
étoit un poifon fi froid, qu'il falloit
le mêler avec tout ce qu'on pouvoit
trouver de plus chaud pour le corriger.
Sides perfonncs curieufes veulent faire
des expériences réitérées de cette recepte,
6c me les communiquer , j'aurai
foin d'en avertir le public qui leur en
le feu dans un vaifleau tel qu'il puiiîe
ên-e, afin de la faire boiii lir. Se on
met dans la chocolatière deux onces de
pâte de Cacao rappé en poudre, avec
trois onces de fucre, Se jufqu' à quatre
onces lorfque la pâte eft récente & par
confequent plushuileufe Se plus amére;
on y joint un oeuf frais blanc Se jaune.
Se tant foit peu d'eau froide ou chaude,
cela eft indifférent j on y met de la canelle
en poudre paifée au tamis de foie
autant qu'il en peut tenir fur un liard.
Se fi l'on veut que la canelle ait un
goût plus piquant Se plus rélevé, on
pile douze clouds de gerofle dans deux
onces de canelle, pour compofer la
coudre dont je viens de parler. Ondéaïe
autant qu'il eft poffible la pâte, le
fucre Se la canelle avec l'oeuf Se le peu
d'eau qu'on y a j o int ; 8c lorfque l'eau
eft bouillante on la verfe peu à peu
dans la chocolatière, 8c on agite fortcaura
obligation, auffi-bienque les mar- ment la matiereavec le moulinet, non
chands d'eau de vie. feulement pour bien feparcr Se diiTouitom.
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