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il6 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
1701. plus confiderable de toute la partie Françoife.
C 'ef t le premier lieu dont lesFrançois
fefont emparer dans l'Ifle de S. Domingue,
après s'être établis dans celle de
la T o r t u e , commeje l'ai dit dans la Préface
de ma premiere Partie. C'étoi t auffila
demeure du Gouverneur avant que le
Fort eût été abandonné, & le Bourg
ruiné pendant la Guerre de i6§8.
CePort n'eft qu'une grande Ance en
forme de Croi f lant, couverts du côté du
Nord par l'Ifle de la T o r t u e , qui en eft
éloignée d'environ deux lieiies. L'encrag
e y eft aflez bon. On dit que la paiTe
de rOuef tef t dangereufe, quand le vent
vient du Nord ou duNord-Oueft.
'Ißt de la, L'Ifle de la T o r tue étoit entièrement
jertué. déferte. Tous les Habitans qui y étoient
autrefois font paiTez depuis long-tems à
laGrandeTerre, c'eft ainfi qu'on nomme
S.Domingue par rapport à la Tortue,
qui autant que j ' en ay pû juger àlavûë,
n'a pas plus de cinq à fix lieues de longueur,
fur deux à trois lieiies de large.
J'avois fort envie d'y aller, pourvoir les
reftes du Fort de la R o c h e , dont le Pere
du Ter t r e a parlé dans fcn Hiftoire, &
dont on a donné une defcription dans
celle des Boucaniers: mais il étoit défendu
d'y palTer fous quelque prétexte que
ce pût être, de peur qu'on ne detruißt les
bêtes qu'onyavoi î mis pour multiplier,
Scdonton vouloit fefervir pour la nouriture
des Ouvriers, lorfqu'on feroit
travailler à rétablir le Fort.
Nous nous logeâmes dans un Cabaret
à trente fols par repas , aimant mieux
fbûtenir cette dépenfe pendant que nôtre
Vaiifeau feroit fon Comme r c e , que d'être
à charge à quelques Habitans qui
nous avoient offert leurs maifons de fort
bonne grace , qui d'ailleurs étoient éloignez
de la mer.
Bourg d» Autant que j'en pus juger par les maÇaix.
zures, ôc par les folages des maifons qui
avoient été brûlées pendant la Guerre, 1792;
ce Bourg avoit été confiderable 8c bien
bâti. Il n'étoit point encore rétabli. Il
n'y avoit pas plus de vingt maifons fur
pied, toutes de fourches en terre, & couvertes
de taches. L'Eglife étoit de charpente
paliifadée de planche, couverte
d'afientes, 8c infiniment plus propre que
celle du Cap. C'étoit un Prêtre Seculier
qui la deifervoit, quoiqu'elle fût de la
Jurifdiftion des Capucins. Mais comme
ils manquoient de Rel igieux, onprenoit
desEcc efiaftiques tels qu'on les pouvoit
trouver i 8c cela n'empêchoit pas qu'il
n'y eût encore bien des Paroiifes vacantes,
à caufe que le mauvais air, le mal de
Siam, 8c les fièvres pourprées 8c malignes
n'épargnoient pas plus lesPafteurs
que les autres : ce même Ecclefiaftique
deflervoit encore une Paroifle à trois
lieiies de là, appellée S. Loiiis.
L e Marguillier l'envoïa avertir que
nous dirions la Melfe au Bourg, afin qu'il
ne fe donnât pas la peine de revenir de iî
loin pour la dire, ce qu'il ne pouvoir faire
fans s'incommoder beaucoup,parce qu'il
faifoit ordinairement tout ce chemin à
pied.
Il nous vint voir leLundy matin, 8c
nous fit beaucoup de remercimens du
foin que nous avions eu de fa Paroifle,
le jour précèdent. J'avois chanté laMeff
e , fait le P rône , 8c l'expofition de l 'Evangile.
Nous avions chanté Vepres, 8c
j'avois fait le Catechifme aux enfans 8c
aux Negres. C e bon Prêtre étoitBafque, Préiri
fort homme de bien. Il s'étoit mis en
tête de fe faire une Habitation pourfe re- p^rf
tirer quand lesCapucins auroient desRe- Paix.
Itgieux pour remplir leursParoiflès.Mais
il avoit fi malchoifi fon terrain, que j e
croi qu'il avoit pris le plus mauvais qui
fût dans tout le(^artier.Il s'étoit aflbcié
avec un pauvre gar çon, qui étoit déjà à
moitié hydropique, 8c ils travailloient
tous
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE. ZIJ
¡701. tousdeuxàl'envi à fe creufer unefofle,
plutôt qu'àfe faire un établiflèment. Les
Habitans me prièrent de lui en parlerjj
j'allai pour cet effet voir ce venerable défriché,
qui étoit environ à cinq quarts
de lieiies du B o u r g , dans des ravinages
oii il n'y avoit de bon que beaucoup d'eau
8c de bigaille, c'eft-à-dire, demouftiques
8c de maringouins, 8c de quoi planter
des Bananiers. Je lui en dis ma penfée,
mais fort inutilement. Riennefut
capable de le perfuader de prendre un
autre terrain, de forte que je fus obligé
de le laifler en repos, ne doutant pas que
les deux Ouvriers ne fuflènt bien-tôc la
proye de leur travail.
Nous ne manquâmes pas de lui aller
dti curé rendre fa vifite. Sa mailbn étoit fur le
àt P"'I-hovà du ruifleau, qui pafle derrière le
Bourg, placé â merveille pour être mang
é des maringouins, la plus fimple, 8c la
plusmauvaife qui fûtje croi à dix lieues
aux environs. E le étoit partagée en deux
chambres par une clôture deRofeaux,
une Chevre, 8c fesdeux enfans, avec fon
aflbciéoccupoientla premiere, qui fervoitencoredecuifine^
8c il occupoit la
fécondé, qu'il pouvoir librementlaiffer
ouverte fans craindre les voleurs, car il
n'y avoit que fon hamac qu'il emportoit
apparemment avec lui, quand il alloit
travailler âfondéfrîchéjun méchant coffre,
8c une planche fur laquelle étoit fon
Bréviaire, avecquelques pots de terre, 8c
des coiiis. Je n'ai jamais vû une pauvreté
femblablej tous les Habitans en étoient
dans l'étonnement, 8c ne pouvoient
comprendre qu'un homme qui n'étoit
point du tout débauché, ni au v in, ni
au j e u , ni à aucune autre chofe, qui n'avoit
point de pauvres à entretenir, Scqui
joûiflbitdeplusdefept cent ecus de revenu
pour les deux Paroifl^es qu'il deifervoit,
fût fi mal a c commodé, ôc toûjours
de l'avant de fa penfion.
Nous paiTâraes le tems que nous fûmes i-jaii
obligez de demeurer au Port-Paix à faire
des vifites, 8c à en recevoir. Un Officier
de Milice du Quartier me conduifit au
F o r t j il étoit alors fans Officiers 8c fans
Garnifon.
I l e f t f i t u é f u r u n e hauteur, qui peut ^fz-i dd.
avoir environ quatre cent cinquante pas
de long,fur cent cinquante à deux cent pas
de large. Le côté du Nord regarde la
mer qui bat au pied de fon efcarpe, qui
naturellement eft inacceflîble de ce côtélà.
La pointe de l 'Ef t regarde le Bourg}
elle eft couverte d'un Baftion 8c d'un
demiBaftion, avec un foifé, 8c un chemin
couvert palifllidé. Le côté du Sud a
des redans 8c des plateformes aufll-bien
que le côté,ou la pointe del 'Oueft.L'angle
qui joint ces deux côtez étoit couvert
d'un Baftion, que les Batteries des ^
ennemis avoient éboulé. Ce Fort eft élevé
de quinze à dix-huit toifes au deflus
du terrain oîi le Bourg eft bâti, 8c tout
le côté du Sud 8c de l 'Oueft jufqu'à la
mer, eft environné d'unefavanne de cinq
à fix cent pas de large, qui fe termine à
une côte de la même hauteur à peu près
que celle oti le For t eft fitué. De l'autre
côté du B o u r g , 8c fur la pointe de l 'Eft
qui forme l 'Ance ou le P o r t , il y a une
hauteur qui commande le F o r t , mais qui
en eft éloignée de plus de huit à neuf cent
pas.
Toute l'enceinte du Fort eft de bonne
maçonnerie, ôc fort entiere, n'yaïant
de ruiné que le Baftion du Sud-Oueft,
8c la maifon du Gouverneur. C'étoit un
Ouvrage de M . de Cuf ly , qu'on peut regarder
comme le pere, & le fondateur
de la Colonie Françoife de S. Domingue,
quoiqu'il n'ait pas été le premier
qui ait porté le titre de Gouverneur.
Cette maifon étoit fituée à la gauche de
l'entrée de la FortereiTe, dans une trèsbelle
fituation. Elle étoit en plate-forme.
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