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ililiii, ;. ÍMÜS l.lBffiliii : .;»•
i o 8 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
1700. avoir cette intention, ils fe fervent dc
I'occaiion qu'ils ont en les tenant entre
leurs mains, pour les devorer. J'ai des
preuves du contraire plus claires que le
jour.
Indiens II eft Vrai que j'ai entendu dire à pluèraves.
fieurs dc nos Flibuftiers que vers l'Ifthme
de Darien, Bocca del T o r o , l'Ifle
d ' o r , & quelques autres endroits de la
c ô t e , il y a des nations errantes, que
les Efpagnols appellent Indiens braves,
qui n'ont jamais voulu avoir commerce
avec perfonne, qui mangent fans mife-
• ricorde tous ceux qui tombent entre leurs
mains. Cela peut-être vrai& peut-être
auffi faux; car s'ils n'ont point de commerce
avec perfonne, comment le peuto
n fçavoir? Et quand cela feroit vrai,
qu'eit-ce quecelaprouveroit par rapport
à nos Caraïbes des Ifles fi éloignez de
ceux-là, &par la dillance des l ieux, &
parleur maniéré de vivre. Pourquoi fe
reiFembleroient-ils plutôt en ce point
que dans les autres ?
J e fçai que le Marquis de Maintenon
d'Angennes, qui commandoit k
Frégate du Roi laSorciereen 16... pertenon
dit ia Chaloupe avec dix-huit ou vingt
jlvanture
du
Marquis.
d'An- hommes qui étoient dedans, qui furent
S'"""- enlevez par ces Indiens, en voulant prendre
de Teau dans une riviere; & on peut
conjeâurer qu'enlevant comme ils fir
e n t , les hommes morts 5c les vivans,
c'étoit pour fe railafier de leur chair,
comme certains Negres de k côt e d'Afrique
qui en tiennent boucherie ouvert
e , du moins à ce que difent quelques
Hiftoriens.
J e fçai encore, & il eft très-vrai que
dans les commencemens que les Fran-
^ çois & les Anglois s'établirent aux liles
il y eut plufieurs perfonnes des deus
Nations qui furent tuées,. boucannées
& mangées par les Caraïbes; mais c'étoit
• ~ une a ^ n toute. e:sci-aoïdinaire chez.
-cesPeuples : c'étoit la rage qui leur faifoit
commettre cet excès, parce qu'ils
ne pouvoient fe venger pleinement de
rinjuftice que les Européens leur farfoientde
les chaffer de leurs terres, qu'en
-les faifant périr, quand ils les prenoient,
"avec des cruautez qui ne leur font pas
"ordinaires ni naturelles; car ii cela étoit
dans ce tems-là, il le feroit encore
aujourd'hui ; & c'eft pourtant ce
qu'on ne voit pas qu'ils pratiquent, ni
fur les Anglois avec lefquels ils font prefque
toujours en guerre, ni même avec
leurs plus grands ennemis les Allouages
qui font des Indiens de Terre ferme du
côté de la riviere d'Orenoque, avec
lefquels ils font continuellement en
guerre.
Il eft vrai que quand ils tuent quel- Com^
q u ' u n , ils font boiicanner fes membres,
& rempliflent des calebaffes de fa graif- f ^ î
f e , qu'ils emportent chez eux; mais/iMrp
c'eft comme un trophée 6cune marque/""'
de leur viétaire & de leur valeur, à peu
près de même que les Sauvages de Canada
emportent les chevelures de leurs
ennemis quand ils les ont tuez, & de
leurs prifonniers, après qu'ils les ont
fait mourir avec des cruautez inoiiies.
Nos Sauvages font plus humains :,
quand ils prennent des femmes , de
quelque couleur ou Nation qu'elles
puiffent être , bien loin de leur faire
du mal, il eft certain qu'il les traitent
avec douceur, & que fi elles veulent,
ils les époufent & les regardent comme
fi elles étoient de leur nation. Quand
ce font des enfans, ils les élevent parmi
eux fans fonger à les tuer , 6c le pis
qui leur peut arriver , c'eft d'être vendus
aux Européens» A l'égard des hommes
faits qu'ils ont trouvez 6c pris lesarmes
à la main , il eft certain qu'ils
les tuent dans la chaleur du combat,
iàns s'smbaraflcr dc les faire prifonnter&,
comme
1700.
F R A N C O I S E S DE L^A M E R I Q . U E. 109
comme font les I roquois, pour les fa- mi eux ce que c'eft que pardon, ou ac-
'Muniert
dont ils
¡e défont
de leurs
mnemis.
crifier enfuite à loifir à leur rage 6c à
leur cruauté. Je le répété donc encore
une fois, s'ils boucannent quelques
membres de ceux qu'ils ont tuez, ce
n'eft que pour conferver plus longtemps
la mémoire de leurs combats 6c de leurs
viétoires, 6c s'animer à la vengeance,
6c à la déftruftion de leurs ennemis, 6c
jamais pour s'en raffafier.
Il eft rare qu'il fe paffe aucun de ces
Vins, fans qu'il s'y commette quelque
homicide:,celaie fait.fans beaucoup de
ceremonie. Il fuffit qu'un des conviez,
échauffé par k boiiîbn fe fouvienne
qu'un des aflîftans a tué un de fes parens,
ou qu'il lui a doinné quelque fujet
de chagrin, pour le porter à la vengeance;
il n'en faut pas davantage. life
leve fans f a çon, il s'approche par derrière
defon ennemi , lui fend la tête d'un
coup de boutou , ou le poignarde à
coup de couteau , fans que pas un de
ceux qui font prefens fe mette en devoir
de l'empêcher , ou de l'arrêter après
qu'il a fait le coup.
Si par hazard celui qui vient d'être
affaffmé a des enfans , des freres, ou
des neveux dans l'Affemblée, ils fe j e t -
tent quelquefois fur l'ailaffm , 6c le
tuent; mais il eft rare que cela arrive,
car celui qui veut faire un coup en cette
nature, obferve foigneufement qu'il
n'y ait perfonne en état de lui rendre
la pareille. Il attend qu'ilsfoient ivres,
endormis, ou abfens. Si ceux qui ont
intereft au défunt font prefens, 6c qu'ils
craignent que l'affaiîin ne foit foûtenu,
6c qu'il y ait trop de rifque pour eux,
de fe venger fur le champ , ilsdiiîimulent
leur reiîèntiment, 6c remettent à
une autre occafion à rendre la pareille
au meurtrier, à moins qu'il ne change
de Païs : heureux encore, s'il en eft
q/iitte pour celaj,. car on ne. fçait gariV.
oâ,
' • k M ' '
, M I i
commodement ; 6c fouvent quand ils
ne peuvent fe venger fur la peribnne,
ils e font fur quelqu'un qui ui appartient.
Voilà ce qui rend leurs querelles
,6c leurs divifions éternelles, 6c qui fait
.que leur Païs n'eft pas peuplé la dixième
partie autant qu'if le devroit être,
vû k quantité de femmes qu'ils ont, 6c
la propriété qu'ils ont de multiplier
beaucoup.
Telle eft la fin ordinaire de leurs
Vins ou Feftins, dont ils ne fe retirent
que quand il n'y a plus rien à manger
ou à boire chez celui qui les a invitez.
Après cela chacun s'en retourne chez
foi. Lorfque le Vin eft fait pour un voïage
de guerre, ceux qui y ont confenti,
& qui ont paru les plus ardens à l'entreprendre,
ne s'en fouviennent plus, 6c
ne penfenc nullement à fe rendre au jour
qu'on a pris pour s 'embarquer , à moins
que le caprice ne leur faffe faire dans
le moment ; car qu'ils le faffent, oune
le faffent pas, il n'y a perfoiHie qui y
puiffe trouver à redire. Ils font tous
égaux; 6c quoiqu'on foit Capitaine, on
n'en eft pas plus rcfpeété , ni mieux
obéi.
Il n'y a que les femmes qui foient S Z -
obligees a 1 obeiflance , 6c dont les mes fur
hommes foient abfolument les maîtres.
Ils portent cette fuper iorkéjufqu' à l'excès,
& les tuent pour des fujets trèslegers.
Un foupçon d'infidélité bienou
mal fondé fuffit fans autre formalité
)our les mettre en droit de leur caffer
a tête. Cela eft un peu fauvage à la
vérité;, mais c'eft un frein bien propre
pour retenir les femmes dans leur de>
voir. Ce font pour l'ordinaire les vieilles
qui font caufe de tous les défordres
qui arrivent dans les ménages : pour
peu. qu'elles ayent de chagrin contre
une jeune femme,, elles trouvent bien-
P î ta s
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f i ' n i l
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