N O U V E A U X VOY
1701. rcsjefuites, pour diffiper les ombrages,
que cet a£le de jurifdiction pourroit
leur donner. Ces Peres prirent avec fageile
les précautions neceiTaires pour
que cette affaire ne tirât point à confequencc,
& demeurerent d'accord de
concourir à l'execution du Mandement
& de r ini lruft ion, que le Pere Giraudct
avoit dreiTez pour la Publication du
Jubilé.
Les Peres Capucins qui font les Curez
du Fort Royal, 8c des Quartiers de
rOueft , au lieu d'imiter la prudente
condefcendance des Jefuites, le roidirent
mal-à-propos, & écrivirent au
Pere Giraudet, & à l'Intendant, des
lettres fi peu fenfées, que eelui-ci jugea
à propos defe fervir de l'autorité Roíale,
pour les contraindre à fuivre ce dont on
étoit convenu, & ne pas priver par leur
refiftance opiniâtre, & hors de faifon,
les Peuples de leurs Paroiiîès de la grâce
du Jubilé. Il ordonna donc au Greffier
du Confeil reiîdent au Fort Royal, d'aller
fignifier la Bulle & le Mandement
aux Capucins, avec commandement de
la part du Roi de les publier dans leurs
Prônes, & de s'y conformer en toutes
chofes, fous peine de défobéïlTance. Il
fallut obéir. La Bulle Scie Mandement
furent lûs & publiez au Prône , & enfuite
affichiz à la porte de l'Eglife du
Fort Roïal.
Il y a bien des gens, qui faute deconnoître
les Ifles, s'imaginent qu'on y vit
encore comme on faifoit il y a foixante
ou quatre vingt ans. C'eft pour les détromper,
queje vais écrireici une petite
Relation de la ceremonie qui fe iit en
nôtre Eglife duMoiiillage delaMartinique,
à l'ouverture du Jubilé le premier
Dimanche d'Oétobreconfacré à la
dévotion du Rofaire de la Très-Sainte
Vierge.
n'sTJ' Nôtre Eglife magnifiquement ornée fe
jubilé.
A G E S AUX ISLES
trouva remplie de tant de perfonnes de
diftmaion, que le Peuple n'y pouvant
trouver de place étoit répandu dans le
Cimetiere, & les rues voifines en fi grande
quantité, que quand on fit la Proceffion,
le Clergé étoit arrivé à l'Eglife
Saint Pierre, éloignée de la nôtre de
près d'une demie lieiie, avant que le
Peuple fût forti de nôtre Cimetiere.
On avoit raflemblé les huit meilleurs
Chantres qui fuiTent dans l'Ifle. Après
qu'on eût chanté les Vêpres folemnellement.
Le Pere Giraudet Vice-Prefet
monta en Chaire, tenans en fa main
l'Original de la Bulle du Jubilé. Il en
fit la lecture en François, auffi bien que
de fon Mandement ou Inilruétion, qui
avoit déjà été publié au Prône, qu'il
eft inutile de rapporter ici. Après quoi
il fit un excellent difcours fur ces paroles
duvingt-troifiéme Chapitre du Levitique.
l^ocahitis hune cliem celeberrimum
atque fanEîijfimum. Tous ceux qui entendirent
cette piece convinrent qu'on ne
pouvoir rien dire déplus fçavant, de
plus vif, déplus touchant, de plus pathétique.
Le difcours fini, il entra dans la Sa»
criftie avec tous les Ecclefiaftiques, qui
compofoient le Clergé, pour donner le
loifir aux Officiers defe revêtir des ornemens
facrez. Ils en fortirent deux à
deux. Les huit Chantres en Chapes, les
premiers, fuivis de fix Religieux de la
Charité, de huit de nos Peres, & de
douze Peres Jefuites, & Prêtres Séculiers,
tous en Surplis, le cierge à la
main. Le Pere Giraudet venoitenfuite
revêtu d'une Chape de damas blanc,
accom.pagné d'un Diacre 8c d'un Soudiacre.
Après que tout le Clergé fe fut
proikrné devant l'Autel, les Chantres
entonnèrent l'Hymne, Veni Greater
Spiritus^ pendant lequelle Clergé & le
Peuple demeurerent à genoux. L'Officiant
J7ÛÎ.
F R A N C O I S E S DE L »AMERi aUE. 517
ciant di tàl a fin l'Oraifon ordinaire, & quatre autres Chantres^en Chape, qui
nuis s ^ ant profterné avec le Clergé & précedoient l'Offic.ant & fes deux AfwutlePeup
e, les Chantres chanterent fiftans, qui marchoient lur une même
lePfeaume, , en faux bourdon, ligne.
à h fin duquel l'Officiant ayant dit les Apres eux on voyoïtle Gouverneur,
Oraifons convenables, ils'approcha du l'Intendant, quatre L.eutenans de Roi ,
Balulire, & s'étant tourné vers le Peu- k Major, l'Ayde Major, les Capitaiple
^ il l'exhorta à la modeilie, 8c à la nés des Troupes du Roi. Les Confe.ldevotion
pendant la Proceffion qu'on alloit
fiire, & à bien entrer dans l'efprit
de l'Eglife, dans une aftion oîà il s'agiflbit
de fléchir lajuftice de Dieu irritée
fi juftement contre nous.
La Proceffion commença enfuite en
cet ordre. .n- • ^ 1
La Bannière du Rofaire paroifioita la
tête. Elle étoit portéepar un jeune homme
revêtu d'une Sotanne violette avec
un Surplis. Après elle on voyoit quatre-
170Î.
1ers du Confeil Souverain , la Juftice
Rûïale, les Officiers de Milice, £cpuis
les Dames.
Un gros détachement de Soldats marchait
enfuite, pour empêcher la foule
du Peuple. Tous ces Meffieurs, 6c Dames
marchoient deux à deux, le cierge
à la main, avec une modeftie, 6c une
dévotion toute édifiante.
Ce fut en cet ordre qu'on fit la premiere
Station à l'Egliie Paroiffiale de
vingt filles, depuisl'âgedefeptansjul- Saint Pierre deiTervie par les Peres Jequ'à
douze, toutes vêtues de blanc, le fuites. LeCureen Surplis,8cen Etoile,
cierge à la main, marchant deux à deux accompagné de fes Officiers, fe trouva
dans des diftances égales, ayant d'efpace à la porte de l'Eglife, pour prefenter de
en e f p a c e des perfonnes de leur fexe plus l'eau-benite a ceux aufquels il en deâséequ'elles
vêtues de noir, pour les voit prefenter. On chanta les Litames
conduire, les empêcher de rompre leurs de la Sainte Vierge avec les Pfeaumes,
rangs 8c les diriger dans ce qu'elles de- Répons ,8c Oraifons convenables. Après
v o i e n t chanter. Qiatre filles plus âgées quoi on commença les Litanies des
vêtues de Taffetas blanc, marchoient au Saint, que l'on chanta en allant à la
milieu de cette file, portant l'Image de feconde Station, qui fut à l'Eglife des
k Sainte Vierge fous un dais magnifi- Religicufes Urfulines, 8c la troifiéme
à celle des Religieux de la Charité. On
La Croix de la Paroiffe venoit en- finit cette devote Proceffion à nôtre
fuite, accompagnéede deux Acolytes, Eglife, où le Saint Sacrement fut expoêc
fuivie de plus de cent jeunes garçonsj fè, 8c dont on donna la Bcnediftion au
8c bruit de plus decent volées de Canon,
les plus jeunes en Sotannes rouges,
les autres en Sotannes noires tous en
6c de trois décharges de centboëtes chacune.
Surplis 8c Bonnet quarré, avec le cierge
à la main. On avoit placé quatre Chan- __
très en Chapes au milieu d'eux, pour les une fi grande abondance de pluie, mêdiriger
11 étoit tombé pendant les Vêpres
dans ce qu'on chantoit. LesRe- lée d'éclairs, 8c de coups de tonnerre ,
lioieux de la Charité venoient enfuite, que l'on defefperoit de pouvoir faire la
puis nos Peres, après eux les Prêtres Proceffion; mais elle cefia pendant la
S é c u l i e r s Scies Jefuites tous en Surplis, Predication, 8c fembloit n'être venue
le cierge à la main. On voyoit enfin que pour rafraîchir l'air. Le beau terns
, Tt i dura