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Tices.
Î 7 4 NOUVÎÎA0X VOY
petits bâtons des Chinois.
L'Aumônier avoità fon côté gauche
une grande pile d'affiettes d'argénc, aiTez
larges, peu creufes, & prefqueaufli nôtres
que fi on les eût retirées à l'inftant du
fond de la mer , après y avoir demeuré
un couple defiecles.
On fcrvit d'abord le fruit en cinq
plats. Celui du milieu étoit de confitures
feches, très-belles, 8c èntr'autresdc
certaines oranges entieres, remplies d'une
marmelade cxcellcntejdt còuleur bru'
Be,CDmpoféedeplufieurs fruits, avec le
mufcfic l'ambre. Les autres plats étoient
remplis de bananes, de figues, d'abricots,
& autres fruits du païs, avec des
oranges douces, dont ils font grand cas,
au lieu que nous n'eftimons dans nos
ïiles, que celles de la Chine. L'Aumônier
mit de ces fruits fur deux affiettes
qu'on porta au Gouverneur. Il m'en prefenta
de même façon, & enfuiteàtoutc
la compagnie. On leviaces plats, &on
mit àlcur.s pkces un grand plat de faucilles,
& d'andoiiillette? de Còchon.
Cela mefurprit un peu, car c'étoit le
Samedy Saint. L'Aumônier qui s'en ap^
perçût me dit, qu'on faifoit en mer
comme on pouvoir, & que d'ailleurs,
ilsavoient la Bulle de laCroifade, qui
leur donnoit ce privilege, dont je devois
joiiirme trouvant avec eux. J e fuis
naturellement fort accommodant, atnii
je mangeai de grand appétit ce qu'il m'avoit
prefenté, & ce qu'il continua de
faire de tous les plats qui vinrent fur la
table les uns après les autresi car excepté
le f rui t , on ne fervit jamais deux
plats à la fois. Ce plat fut'relevé par un
autre où il yavoittrois groiTes volailles
bouillies. On fervit enfuite un ragoût de
Cochon avec force faffran, puis un plat
de Cochon rôti, enfuite un autre de
Ramiers & de Poulets rôtis, & enfin un
grand plat de Patates boiiillies, qui
A G E S A U X Î S L ' È S
ctoientenfevelies dansun bouillon épais, 170;
qui auroit pu paifer pour une purée.
Après tout cela, on apporta lechocorai:.
J e trouvai d'abord un peu étrange,
que prefque tous ceux qui étoient à table
matìgercnt plûtôfdé là câiFave que
du bifcuit, quoiqu'il fût fbr t blanc, fort
léger, & fort bien-fait; maisjelefu$
encore davantage de ne les point voir
boire.J'attcndoistoûjourequequelgu'un
rommen^ât; à ia fin je'm'impatientai^
& j'en demandai :• ckrj"'avois^togëdesi
faucilles qui m'avoierit |èxç'it!é une foif
tcrrible.Un Domeiiiqiiè fe'apporta aùf-i
fi- tôt un vafed'une efpeceile terrefigjlléè
quipouvoittenirune chopine mefuredc
Paris, mais ce n'étoit que de l'eau. Je
dis à l'Aumônier qu'on ne dotinoit de
l'eau da;ns moh païs qu'aux malades ¿C
aux poules, & que )Ȏtois-froinme;& erf
très-bonne fanté. H parla, & on m'apporta
mi grand verre de vin fur une foucoupe.
Ce fut un autre embaiTas j je
h'étois pas accoûtumc a boii'e de l'eau
toute pure, ni du vin. fans eau. 11 fallut
appeller nion Negre, qui rôdoit
dans e Vaiffeaii^ polir découvrir quelque
chofe de nôtre pillage, il vint, ôc
me fervit à ma maniere; & ces Meilleurs
parurent furpris à leur tour ; de me voir
)oire l'eau avec le vin, après m'avoirvû
refùfer de boire, l'eau pure, & le v'in
pur, leur coûtume étant toiitecontraire.
Ils bûrenttrès-pcu pendant le repas,
& quand ils bûrent, ce ne fut que de
l'eau. Quand un avoi tbû, fonvoifinne
faifoit point de difficulté de boire fon
relie.
Le pauvre M.des Portes n'avoit prefque
pas le tenis de manger; parce qu'il
nous fervoit d'interprete, excepté quand
laconverfation étoit entre l'Aumônier,
le Pilote, &moi. A la fin du repas on
apporta deux foucoupes, avec autant de
verres de vin que n'eus étions de perfonnes
Hj
F R A N C O I S E S DE L'A M E R I Q.U E..
nés à table; cbacun prit le fien, & on marque de Catholicité fit un fort bon 1701.
falua le Gouverneur, quibûtauffi àma eiFet,& comme nous faifionsexadtement
fanté. Après cela on deilèrvit, & on nosprieres foir Scmatinà borddenotre
t S s apporta le chocolat. On ne fait pour Barque, avec toute la modeftie, & la re-
^ • l'ordinaire qu'un repas, la plûpartne verence poffible, les Efpagaols nous en
prennent le foir que des confitures & du témoignoient plus d'amitié , & nous .
chocolat, Maisron fervit tout le tems étions afiurez d'avoir pour Ipeftateurs la
que nous Fûmes arrêtez, un foûper fort plûpartdes Efpagnols de l'Armade. .
honnête pour M. des'Portes Se pour J'ai oublié e nom, du Vaifleau qui
moi, où 'Aumônier nous tenoit com- portoitlepavillondeVice-Admiral.il
pagnie avec quelques-uns des Officiers étoit de quarante Canons , & portoit
plutôt pour caiifer, & par pure honné- fon pavillon quarré au mât de mifene.
teté que pour manger. Le vin que nous Letroifiéme Vailfeaude cette Efcadre,.
bûmes étoit très-bon. Il y en avoit du étoit encore à la Villede Saint Domin-
Perou, d'Efpagne, &deCanarie.Nous. gue. On l'appelloit le Navire deRe-Navir,
fûmes coucher à nôtre Barque, ou j'eus gift're, parce-que c'étoic lui qui étoit J«»-
alTez de peine à dormir, parce qu'il vint .chargé des marchandifesdetraite,qu'on ^^
plufieurs Efpagnols, pour traiter en juge neceffaires dans les lieux où l'Arcachette
les marchandifes que nous madille fait fa tournée. Ce Vaifleau eft
avions.-
en partie caufe que je n'ai point vû la
Le lendemain 27. jour de Pâques,
Vil e de Saint Domingue. D'ailleurs
nous allâmes abord de l'Admirai, pour
nous vendîmes le relie de la Cargaifon,
entendre la Meilè. On nous d i t , qu'on
qui étoit dans la Barque aux deuxVaiffeaux,
ne la difoit qu'à terre, où on ne jugea
avec lefquels nous étions. Je ne
pas à propos que nous miffions le pied.
Nous prîmes le chocolat en attendant ^
le dîner, qui fut à peu près comme celui achetoient, fur tout de plufieurs caifles
du jour precedent. de fil, qui étoit prefque pourri, qu'ils
pouvois concevoir ce que ces gens-là
pourroient faire des marchandifes qu'ils
L e Lundy je priai l'Aumônier de me ne laiiTerent pas de nous payer en bonîmts
PJ'êter fa Chapelle, pour dire la Mefle nés piallres mexicanes toutes neuves, fur
fims à bord de nôtre Barque, & faire faire chacune defquelles on pouvoir rogner
les Pâques à nos gens. Nous chantâmes pour huit 6c dix fols d'argent. Ils firent
la , Mefle, c'eft-à-dire, tout ce qu'on ce qu'ils purent pour m'objiger à vendre
peut chanter fans livres, comme le
Kyriel le, Gloria^ le Credo, XeSm^us,
VJgnus Dei, i^VExaudiat. Je prêchai:
& je communiai nos gens, qui s'acquitterent
de ce devoir avec beaucoup de
)ieté. Plufieurs Efpagnols qui étoient à
mon Negre. J e m'en excufai, parce qu'il
étoit de nôtre Habitation, où il avoit
toute fa famille ; ils m'en offi irent trois
cent piallres, 8c auroient été plus loin.
J e remarquai en me promenant dans
le Vaifl^eau, qu'il y avoit la figure d'un
)0!d, & un grand'nombre'qui étoient • Saint attachée au mât de mifene, avec
à l'arriéré du VailTeau Admirai, auquel ; une lampe d'argent devant lui, plufieurs
nous étions amarrez, furent fort édifiez,. bouquets,, petits tableaux, & autres baôc
me dirent,, qu'ils ne croyoient .pas, bioles, comme les enfans en mettent à
que les François fufient fi bons Catho- leurs petites chapelles , fans oublier un
liques, car la plupart nous font l'hon-, tronc pour recevoir les aumônes. J'y mis.
ncur de nçus croire fans Religion, Cette ; une reale, pour ne pas paroître moins.
dévot