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InfeHe
appelU
Ccchemlle.
14 NOUVEAUX VOY
un lieu fablonneux, chaud 6cfee, plus
ion fruit devient g ros, Se plein de fucSc
de faveur.
On l'appelle pomme de Raquette aux
Mes Françoifes, quoiqu'il n'ait aucune
reflemblance avec les pommes, 6c que le
fruit dont il approchç le plus pour a figure,
6c popr la chair, foit la figue.
L'infede qu'on trouve dans ce f rui t ,
foit qu'il y naillè ou non, car les fentimens
font partagez là-delTus, cil: à peu
près de la taille d'une grofle punaife. Sa
tête ne fe diftingue du relie du corps, que
par deux petits yeux qu'on y remarque,
& une très-petite gueule. Ledeflbus du
ventre eft garni de fix pieds, trois de chaque
côté, ils ont chacun trois articles,
1 s ne font pas plus gros à une extrémité
qu'à l'autre, £c ne paiTent paslagroflèur
d'un cheveu fort délié. Le dos de l'animal
eit couvert de deux aîles , qui ne
font pas étendues comme celles des mouches,
mais qui fans excederla longueur
du corps, en embraiîent & couvrent
exadement toute la rondeur. Elles font
d'une fineife, 6c d'une délicatelle fi gran.
de qu'elles font prefque inutiles à 'anirnal,
qui ne peut s'en fervir pour s'élever
en l'air, mais feulement pour fe foûtenir
quelques momens en l'air, retarder fa
chute, & la rendre moins précipitée,
quand il eft obligé parla violence qu'on
lui fait de quitter les fruits où il fe nourriifoit,
ôc où il prenoic la couleur qui
It fait rechercher 6c eftimer. Les aîles,
les pieds, 6cl'extrêmité de la tête font
fi délicates qu'elles ne peuvent pas fupporter
l'ardeur du Soleil fans être bientôt
confommez Se réduites en pouffiere,
ce qui iait que dès qu'il eft fee, il n'a
plus la figure d'un animal, mais plûtôc
d'une graine d'une mediocre grofleur,
brune, ôc prefque noire, chagrinée, luifante,
ÔC comme argentée, ou du moins
legerement couverte d'une pouffiere
blanche inpalpable, 6c tout à faitadhe-
A G E S AUX ISLES
rente à leur peau. ifiyy.
J'ay élevé deux fois de ces infeâres. VAh-
Lapremierefois, je les trouvai par ha- te^réUzard
dans des pommes de Raquet te, je Zt l l
les y laiflai jufqu'a ce queje vilTequeles nilUs.
fruits commençoient à fe psiTér, pour
lors je les fis tomber fur une ferviette,que
j'avois étendue fous les branches de la
plante, en frapant deflus avecunbâton.
Ces pauvres petits animaux contraints'de
quitter leur demeure, tâchoient de fe
fauver en s'élevant un peu en l'air avec
leurs aîles î mais leur foibleiTe, écl'ardeurdu
Soleil, ne leur permettoit.pas
d'aller bien loin, elles tomboient fur la
ferviette, Se aux environs. Ils étoient
pour lors,c'eft-à-dire,lorfqu'ils vivoient
d'un très-beau rouge , i s devenoient
noirs quelques momens après qu'ils
étoient mor ts, 8c lorfqu'ils étoient fecs,
ilsparoiflbient bruns, & comme argentez,
ainiî que j e l'ay dit ci-deflus. Je
les écrafois, 6c lesreduifois en poudre,
8c je m'en fervois au lieu de carmin pour
laver des plans.
Une autre fois, je vis de petits infedes
de la groiTeur des plus petites puces, qui
couroient fur des pieds d'acacias, qui
étoient environnez de Raquettes. J'en
fis tomber fur une feuille de papier, 6c
j e les mis fur des pommes de Raquettes,
qui commençoient à s'ouvrir. Ils s'y
nourrirent, groffirent, 6c fe trouvèrent
être delà même efpecequeceuxque j'a-'
vois trouvez dans le fruit la premiere fois,^
d'où je conclus, que ces petits infedes
ne prenoient pas naiiîance dans le fruit
des Raquettes: car fi cela étoit, on en
trouveroitdans tous les fruits, 6c c'eft ce
qu'on ne peut pas dire, mais que le tems
dejetterleurfemenceétant venu, ils h'Ongnn
jettent indifféremment fur tous les arbres
oùils fe rencontrent, où étant éclosils /f/" '
fe retirent dans les fruits de Raquettes '
s'il s'en trouve à leur portée, où dans
quelqu'autre forte de fruit que cepuriTe
être
S'oii la
Cochenille
tire
fa
couleur.
Experience
de
fAuteur
fur
la ceuleur
des
Cochenilles,
Comment
il
fe reproduit.
F R A N C O I S E S D
étre,pourvû qu'il leur puifle fournir de
la nourriture. Delà-vient qu'on en trouve
fur les Acajoux, les Goyaves, les
Cerifiers,les Orangers, les Avocats, ôc
autres femblables fruits} mais qu'on ne
recherche poi n t , parce qu'ils n'ont point
cette belle couleur rouge, qui fait tout
leur prix 8c leur valeur. Car il eft certain,
que c'eft le fruit qui nourrit la Cochenille,
qui lui communique en mêmetems
fa couleur, de maniéré que la couleur
de l'infede change, 8c eft plus ou
moins rouge à proportion que le fruit eft
plus ou moins coloré : de forte qu'en
ayant lailTé exprès fur des fruits qui commençoient
à changer de couleur, ôc à
devenir jaunâtres, parce qu'ils étoient
beaucoup au-delà.de leur maturité,ces
infeâres prirent la même couleur} & au
lieu que je les avois vû très-rouges, ils devinrent
enfin de couleur de feuille mort
e , comme le fruit devint lui-même en
fefletriflant, ôc en pourrilTant. ,
Lorfqueeetinfede a atteint un certain
âge, ôc une certaine grofleur, il y a apparence
qu'il acquiert la forcede voler,
où qu'il change de figure comme les vers
à foye, les vers de palmiftes ôc autres
infeétes, Se c'eft pour lors qu'il jette fa
ftmence, ôc qu'il fe reproduit avant de
mourir : car on le trouve toûjours de la
mêmegrolTeur, au Heu que s'il demeuroit
toûjours dans la même figure, il eft
certain,que ceux qui auroient plus d'une
année feroient plus gros, que ceux qu'on
trouve ordinairement deux fois par an, à
peu près dans le tems delà maturité des
fruits qui font extrêmement petits, 6c
comme ne faifant que de naître.
Cet infefte multiplie infiniment : car
on en trouve une quantité prodigieufe
malgré ce que les fourmis, les vers, 6c
les poules qui le recherchent avec avidit
é , en confomment.
La meilleure maniéré de les faire mourir
quand ils font fur le drap,, où on les a.
E L 'AMERi a .UE; if
fait tomber eft de les arroufer d'eau froi- k^çt,
de, après quoi on les fait fecher,8c c'eft en
fechant qu'ils perdent leur pieds,leurs aîles,
8c l'extrémité de leur tête, 6c qu'ils
deviennent comme des graines fans aucune
figure d'animal.
Il eit étonnant que M. Pomct, qui
a fi bien écrit de toutes les Drogues,
femble être demeuré dans le doute au fujet
de la Cochenille, 6c qu'il ait mieux
aimé s'en rapporter au témoignage du
fieur François Roufleau, qu'a celui du
Pere Plumier, ôc de tous ceux qui ont
frequenté l'Amérique, où qui en ont
écrit. S'il a un peu d'égard pour le fieur
Roufleau que j'ay connu affez particulièrement
à la Rochelle en 1708. il doit
retrancher fes Lettres dans la premiere
Edition, qu'il fera de fon Ouvrage rear
aflTu-ement elles ne font point honneur à
celui qui les a écrites: O n voit queje rens
ici juf t iceauPer e Plumier parce qu'il le
m é r i t é q u o i q u e dans bien d'autres endroits
, je me fois cru obligé de reprendre
ce que fa trop grande crédulité lui-a
fait écrire contre la vérité.
Outre l'avantage qu'on peut tirer des
Raquettes pour la nourriture des Cochenilles
, qui feront le fond d'un très- riche
commerce,quidonneroitlieu d'employer
quantité de terres qui font inutiles
, parce qu'elles font maigres, 6c trop
ufées, pour produire des Cannes, du Wlitéi
tabac, de l'indigo, durocou, du manioc
& autres marchandifes, ileftcertain,
que des Habitans qui ont peu de fc,
forces s'y pourroient attacher, 6c devenir
en peu de tems fort à leur aife, 8c en
état de poufler plus vivement cette manufacture
, ou en entreprendre d'autres.
11 y a des Raquettes deplufieursefpe- Cshurt
ces. La meilleure pour la Cochenille eft
celle qui produit les plus gros fruits j on ''
peut laiflèr croître la plante ou tige jufqu'a
la hauteur de fept à huit pieds, ôc
laifler un efpace de cinq à fix pieds entre
cha