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4® NOUVEAUX VOY
paiement la nuit, pour chercher quelque
proyej s'ils rencontrent quelqu'un, Se
qu'ils fecroyent les plus forts, ils fe jettent
deflus, le prenne, lui lient les mains
derriere le dos, Se lui mettent un bâillon
à la bouche, fi c'efl: un homme ou
une femme, pour l'empêcher de crier j
fi ce font des enfans, ils les mettent dans
un fac ; Se lorfque la nuit eft venue, ils
conduifent les uns 6c portent les autres
aux Comptoirs des Européens, qui les
étampent auffi-tôt, Se les font tranfporter
dans leurs Vaifleaux, s'ils les ont
en rade, ou les gardent bien enferrez
ufqu'à la premiere occafion de les emîarquer.
Ce m étier de voleur de Negres
nelaiilepas d'être dangereux : car outre
qu'il eft permis à tout le monde de fe
deffendre. Se même de les tuer, quand
ceux qu'ils vouloient enlever fe trouvent
les plus forts, on peut les vendre euxmêmes,
fi on peut s'en faifir, Sc leur
faire a niî fouffrir la peine du talion:
il eft vrai qu'il faut éviter que le Prince
en ait connoifl'ince : car il feroit vendre à
fon profit, le Marchand voleur, fans rien
donner à ceux qui s'en leroient faifis.
J'achetai un jeune Ncgre de qui j'appris
dans la fuite qu'il avoi t été enlevé de
cette maniéré avec un fien frere, leur
pere qui étoit Capitaine les avoit envoyez
¡chercher quelque chofe hors du
Village, ils furent rencontrez par des
Marchands qui les mirent chacun dans
un fac, 8c les portèrent aux Comptoirs
de la Compagnie, qui les fit paiîer aux Ifles:
ce defordre eft tellement commun,
qu'on ne voit autre chofe que des Habitans
qui fe derobent Sc fe vendent les
uns les autres.
On a propofé en Sorbonneles cas fuivans.
I. Si les Marchands qui vont en
fo^nfciL- pour acheter des efclaves, ou les
ceprapo- Commis qui demeurent danslesCompfez.
C
A G E S AUX ISLES
toirs, peuvent achetter des getis qu'ils
fçavent avoir été derobez, attendu que refdus
ce qui nous paroît un defordre. Se une
coutume reçûëchez ces peuples, Se autorifée
par leurs Rois.
2. Si les Habitans de l'Amerique à
qui ces Marchands les apportent, peuvent
achetter indifféremment tous les
Negres qu'on leur prefente, fans s'informer,
s'ils ont été volés, où s'ils ont
été vendus pour une raifon legitime.
3. A qu'elle reparation les uns Seles
autres font obligez, quand ils connoiffent
avoir achetté des Negres qui ont
été derobez.
La decifion qu'un de nos Religieux
apporta fur ces trois articles n'a pas été
reçue aux liles, on y a trouvé des difficultés
infurmontables, Se nos Habitans
difoient que les Dodeurs qu'on
avoit confultez n'avoient ni Habitation
aux Ifles ni intérêt dans les Compagnies,
Se qu'ils auroient décidé tout autrement,
s'ils euflènt été dans l'un decesdeux cas.
L e prix des efclaves en Afrique fe regle
felon la quantité que ksPrinces où
les Particuliers en ont à vendre, le nombre
des Ache t teurs,Se les befoins des Ven- ^^Jf
deurs, on les paye en barresdeièr, fu- en^f'ifils,
poudre, balles, toiles, papier,?««,
étoffes legeres, Se autres marchandifes,
& fur tout en bouges, qui font des coquilles
que l'on apporte des Ifles Maldives
, qui fervent de monnoye courante
dans toute la côte.
Un de nos Religieux , appelle le Pere
Braguez étancàjuda avec le Chevalier
Damon qui commandoit un navire de _ . ^
la Compagnie de Guinée, fe trouvant//¿r*
un jour avec le Roi de Juda, il lui dit Ro'de
qu'il s'étonnoit de ce qu'il recevoir des
coquilles pour le prix de fes Efclaves,
Se de lès autres marchandifes, au lieu
de donner cours dans fon Royaumeauijt
efpeces-d'or Se d'argent, ce Pririce lui
répon-
F ^ A N C O I S E S
D E L'AMERIQ^UE. ' 41
un Raifeau fur les épaules de quelques
répondit que n'ayant pas chez lui ce qui
étoit neceiTaire pour faire de la Monnoye,
il feroit fans ceflê trompépar les efpeces
fauiTes qu'on lui apporteroit) qui à
fa fin lui deyiendfoient inutiks,& ruïftcroient
ib» Commei'Ge j au lieu qu'il rie
çourpit point ce rifqueen fe fe-rvântdes
6o«g£»,qu'illésrecevoit, & lesdonîiôit
en payem€nt,qiu'ilne pouvdit être trom*
péquefurkpoids, ce qui nepouvôit pas
être confiderable , Sc qu'aii pis aller plus
les étrangers en apporteroieiilit chez lui ,>
îlus il fe trouveroit riçhe^; puifqu'ek.
; es lui tenoieot lieii, & lui proeuroient
les mêmes commoditez qtic l'or Sel'argent
raonnoyé procurent aux autres.
On voil par-là, que ceë Negres entendent,
affez.biea.leuFS intérêts, Se qu'ils
OHtplus d'efprÏE , & pks de bon fci»^
qu>e nous ne nousrimigiHons. Cd que jd
vais dire r en fÊra.un€ nouvelle preuve Sé
plus fort-e.
LgÇh-e valiieF Damon étoit àjuda dans
letemsqueces Peuplesfaifoient la gran-
^^^ ^^ de Fête pour G,G«fulfeFle ferpeoï. Il fut
serfeot. invi^ pai le Rof de s'y trouver avec fes
OfiÎGiers-. L'enditoit où fe devoit faire
ï^/t
pour
COilfulter
te
eette cercratonie étoit éloigné de trois à
quaere lieuesdsiBourg.^ Ville-y ou Village
où le Roi fait fa refi4encé ordinaire.
C'étoitunvafte champ j autour du»
quel on avoit bâti des eafes couvertes de
feiiilïesde palme pour le Roi & poor fa
fuite. L'eipace qui étoit au milieia étoic
renferm€;par une barriefe.
L a Maifon4u Roi partit fur le midy^
& on peut dire phyfiquement fa Maifon.
'Marche a,r Icstemme^quileifervenÉ fc charge-'
du Roi rent de tous fcs'meubles', &'de routes fes-
¿Si«- raarGha.H!difes fans rien laiiî'er que les mti-
.railles. Elles, alloienc ainfi deux à deux
efcortees des Gardes du Roi. Ses enfans
veno.ent enfuitc j les femmes favorites
fuivo.ent lesenfans<,,ScleRQiportéàm^
Negres terminoit cette longue filé. Le
Chevalier Damon, le Pere Braguez Sc
les Officiers du Vaiflèati Sc du Comptoir
portez comme le R o i , fuivöient Sa MajeftéjSe
étoientefcortez du reftedes Gardesarmezdefagayes.
Se de quelquesfuiils.
On arriva ailez tard au lieu de la cérémonie.
Onnefongea toutle lendemain
Sc ies jours fuivans, qu'à faire bonne
chere^ Se à fe divertir. Enfin, le jour
étant arrivé, on fit placer le Chevalier
Damon Sc fa Compagnie auprès de k
barriere.Le Peuple à genoux,Se en fileflce
étoit fort éloigné de-là: le Roi feul
avec lePrêtre du pais entrerènt dans l'en- uameri
cemte, où après beaucoup deprôfterria- 'í'"»-
tions, deprieres, Scdecerertioñies, It ^^T'*
Prêtre s'approcha d'un troiï où l'on fuppofoit
qu'il y avoit un ièfpent. Il lui p^Ia
delà part du R o i S e lui fit les qüeftioná
aecoûtumées fur le nombre déS Vaiffeaux
qui viendroient l'annéd fuivânté ,
fur k Guerre , la Moiflbn , ^'autres ého-i
fes. A mefurequeleferpént rcpóridbit I
une demande,le Prêtre pof fôit la répdtife
au Roi , qui étoit un pe-u éÍoígri,ádü
trou, ù genoux, Se en poftûfê de fup- !
pliant. Ce manege s'étànt fait pluficurï
foisyon publia enfin, que l'anriée f&if ante
feroit heureufe, qu'il y avoit béaücoiitv
detraite, Se qu'on prendroit bietídés Efv
claves. Le Peuple en témoigné fà joytf
par de grands cris, par dés daâfés, Se par
des feftins. ^
Le Pere Braguex s'éïâWtffoôvé auprès
du Prêtre dans lé ftftínqií^teRoifitau
Chevalier Damon Se à fa- Cómfágtíié Couveraprès
lacere-moniise, fia c^&ttvérTariôn avec
lui.C'étôit uïî hommé'd'énvi'ron foixa'n'- Î"
te ans,. fort bi^wiait^ d^unè phifionomiéiagé
& fpiïitûfelte. Èntre àuïiës queft'ionS P'-^"-'
que lePerefeagije^Mfit , il lui
mandk^ pisoi^cusmvils- âeèhoi^îoiéhi pa^ If,
^ plutôt