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146 NOUVEAUX V O Y
1700. n'eft bornée que par le fommet desjnontagnes,
qui feparent la Bafleterre de la
Cabefterre; £c comme cet endroit E l l
ou Oueft eft un des plus larges de l'Jfle,
nôtre Habitation eft d'une grandeur
confiderable. Je trouvai un Carbet de
Caraïbes qui s'y étoient venus nicher ,
& je fçûs qu'il y en avoit beaucoup
d'autres qu'on fouiFroit à laCabefterre,
30ur quelque petit avantage que la Co-
^ onie en retire : il me femble pourtant
que cette politique eft très-mauvaife :
car qui empêchera ces gens-là de fe révolter
contre les François, & de recom--
• mencer leurs anciens maiTacres quand on
voudra les faire décamper des lieux qu'ils
occupent? Ils font plus en état de nous
tenir téce qu'ils ne l'étoient autrefois,
nôtre Colonie eft plus foible, & ils peuvent
recevoir de puiiTans fecours des
Negres fugitifs qui fe font établis avec
les Sauvages de l'Ifle Saint Vincent,
qui multipliant beaucoup feront un jour
obligez de chercher de nouvelles terres
pour fublîfter.
Outre ce Carbet, je trouvai trois
autres maifonsde François, quiavoient
défriché quelques morceaux de nôtre
terrain. Ils m'offrirent de fe retirer dès
que nous voudriens nous y placer comme
ils croyoient que nous allions faire.
Je n'eus garde de les détromper, je fis
au contraire tout ce qu'il falloit faire
pour le leur perfuaderj jeviiicai le terrain,
je marquai l'endroit pour bâtir la
Sucrerie, & y faire un Moulin à eauj
je parlai à des Ouvriers, pour me préparer
les bois, en un mot,je pris toutes
les mefures neceiTaires pour conferver
nôtre terre dans fon entier, empêcher
qu'on n'empiétât fur nous, & engager
doucement ceux qui s'y étoient logez à
chercher une autre demeure, ce qui n'étoit
pas difScile, dans un pais auffi vafte,
& auffi mal peuplé que celui-là. Je couchai
chez mi de ces Habiuns, qui me fît
|t 11 util
A G E S AUX ISLES
bonne chere en gibier} & en poiflbn,
callave fraîche, oiiicou 6c eau-de-vie,
bien entendu que c'étoit de celle que
j'avois fait apporter avec quelques bouteilles
de vindeMadere. La riviere qui
paiTe prefque au milieu de nôtre terrain
porte e même nom} elle eft aflez grande,
& fort poiflbnneufe : elle abonde fur
tout en anguilles, en mulets, & en écrevilTes.
Je chaflai le Mardy toute la matinée
en me promenant, & en examinant
nôtre terrain. Les perdrix, lesramiers>
les ortolans, les grives, les perroquets.
Se les periques y font en abondancej
marque certaine qu'il n'y a pas grand
monde dans le païs. En attendant j e
profitai de l'occafion.Nous tuâmes deux
Tatous ou Armadilles,&: unAgouti.C'eft
une fottife que j'avois entendu débiter
plus d'une fois que les écailles des tatous
refiftent au plomb dont on fe fert pour
le ramier,je fuis convaincu d» contraire:
carj'entiraiund'aiTez loin, Scjene
laiiTai pas de luibriferune épaule. J'aurois
bien voulu voir un manitou ou opaffom,
qui eft un animal aflez extraordinaire,
par une efpece de poche, ou de
double ventre, où il porte fes petits, mais
nous n'en trouvâmes point. Je pourrois
en dire ici ce que j'en ay appris des Habitans
delà Grenade, ou ce que j'en ay
lû, mais je n'aime pas à copier le autres.
Je partis du Fond du Grand Pauvre fur
les quatre heures du foir, &j'arrivaiau
Fort fur les fept heures II eft certain,
que ce païs eft très-bon, & produiroit
beaucoup s'il étoit peuplé, èc cultivéj
la terre eft bonne, arrofée de beaucoup
de rivierei on la trouve plus unie, &
plus belle à mefure qu'on s'éloigne du
Fort. Les chemins étoient payables, Sc
feroient très-bons & très-commodes
pour toutes fortes de voitures dès qu'on
fera en état d'y travailler un peu. On
trouvera encore moins de peine à en faire
à la Cabeftcrre, qu'on dit être un païs
plus
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ.UE. 147
Î700. plus uni, & plus commode. Je n'y ay
point été.
Le Mccredy z i . je ne fortis de la
Forterefle, que pour aller dirclaMeflc
à la Paroifle, j'étois fatigue des deux
jours precedens. Je me difpenferai de
faire une defcription exaéte de cette
Eglife i ce quej'en puis dire, c'eft qu'elle
n'étoit ni grande, ni belle, ni bien bâtie,
ni propre, voilàfon portrait enracourcL
Je fus le Jeudy voir une petite place
que nous avons au-deflîis de l'ancien
Bourg. On en a donné la joiiiflance à un
Habitant qui me reçut très-bien, me
donna des avis pour l'établiflement
qu'on croyoit que nous alUons faire au
Fond du Grand Pauvre, 6c m'aflïïra
qu'il ne tiendroit qu'à nous d'avoir la
Paroifle que les Capucins deflervoient. Il
me d i t , que les Habitans ôc le Gouverneur
n'en étoient pas contens, & que
pour peu que nous vouluflîonsnous remuer,
tous les Habitans s'uniròient pour
demander nôtre rappel. Je le remerciai
de fes bons avis, & je le priai de nous
ménager des amis, & je lui offris tout ce
qui dépendoit de nôtre Miiïïon.
L e Maître de la Barque me vint
avertir le foir qu'il étoit prêt de mettre
à la voile. Il avoit chargé de l'indigo ,
du tabac, du coton, & des legumes, ôc
avoit déchargé ce qu'il avoit pour le
Gouverneur, & quelques particuliers.
L e Gouverneur qui n'avoit pas achevé
fes dépêches, l'arrêta, & fut caufe que je
couchai encore à terre.
Ï1Q9.
C H A P I T R E X X L
L^ Auteur part de la Grenade, des Ißes àeBequia, S. Vincent, ér S. Aloufie.
E Vendredy25. Septembre je
m'embarquai fur les fept heul'es
du matin , Ôc auiïï-tôt
nous mîmes à la voile. J'étois
content d'avoir aflêz bien executé
macommiiîîon, 8c encore plus de m'en
retourner. Il faut pourtant avoiier que la
mvnt Grenade feroit un féjour agréable, fi elle
^^^ étoit peuplée, ôc cultivée; c'eftàcefeul
Grtnade j^f^ut qu'on doit attribuer certaines
fièvres qui portent le nom de l'Ifle,-qui
font opiniâtres, ôc qui dégenerent quelquefois
en hydropifie : car les eaux font
excellentes, la viande très-bonne, les
volailles graiTes, tendres, ôc délicates,
le gibier en quantité, les Tortuës,les Lamentins,
8c generalement toutes les efpeces
de poifTons qu'on peut s'imaginer
y font en abondance ; ôc lorfqu'il manque
quelque chofe dans l'Ifle, elle eft
environnée de quantité d'Jflets, qui font
comme autant de refervoirs , oîientouc
tems on eft für de trouver tout ce qu'on
cherche i en un mot , la vie y eft délicieufe.
Nous vîmes une bonne partie de ces
Iflets, qu'on appelle les Grenadins nous
les rangeâmes d'aflèz près, mais nous n'y
moiiillâmes point, ôc ne mîmes point
à terre, parce que nous n'y avions que
faire. Celui qu'on appelle Cariacou, a
un Port excellent à ce qu'on dit. Leplus
grand de tous à qui on donne douze
lieiies de circonférence, eft le plus au
Nord, ôc le plus voifin de Saint Vincent,
on le nomme Bequia. On l'appelle uartiaufli
la petite Martinique, à caufe, »¿^w.
qu'aufll-bien que cette Ifle, il nourrit
quantité de viperestrês-dangereufes.On
auroit dû le nommer également la petite
Sainte Aloufie , puifqu'il lui reflemble
auffi par le même mauvais endroit. Car
nous ne connoiflbns dans toutes les Antifles
que ces trois endroits où il y ait
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