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N O U V E A U X V O Y A G E S AUX ISLES
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1701. qu'on pût faire un parapet dans les angles
faillans derrière le dernier rang ,
pour pouvoir découvrir par delTus. Car
quoique les feules raquettes ou les citronniers
ne puiiTent pas garantir du
coupdefufil ceux qui feroient derriere,
il eft au moins très-fur qu'ils les empêcheront
d'être forcez, & qu'ils feront le
même eiFet que les mangles, fans caufer
le même inconvenient, fans occuper tant
de terrain , & fens empêcher l'aûion
des .vents.
j áí Les maifons du Bourg étoient la plû-
¡apetite part de fourches en terre, couvertes de
Rtvtere. taches. Il y en avoit quelques-unes de
charpenteàdeux étages,, couvertes d'effentcs
ou de bardeau. Toutes fes maifons
au nombre d'environ foixante étoient occupées
par des Marchands, par quelques
Ouvriers en très-petit nombre , 8c par
beaucoup de Cabarets. Le refte fervoit
de Magafîns où les Habitans mettoient
leurs Sucres, & autres marchandifesj en
attendant la vente ou l'embarquement.
Tel étoit le Bourg de la petite Riviere
au mois de Janvier 1701.
L'EglifeParoiffiale étoit'éloignée du
Bourg d'environ deux.cent pas, iî cotiverte
Sciî cachée dans les hallicrs, que
nous eûmes de là peine à la trouver. Le
Cimetière au mUieu duquel elle étoit^
n'awitni muraille, n i clôture. C'étoit
une Forêt-épaiiTe de toutes fortes de
brouiTailles, où il falloir-faire un nour
veau défriché chaque fois qu'on y der
voit enterrer quelqu'un. Cette Eglife
étoit de fourches enterre, couverte de
tête de Cannes , paliiTadée jufqu'aux
deux tiers- de fa longueur de palmiftes
refendus. Le refte étoit tout ouvert, 8c
par confequent fans porte ni fênetres.
Une clôture (ie palmiftes faifoit unefeparation
qui appuyoitl'Autel, derriere
jequel étoit une cfpecede petite chambre
/uns porte ni fenêtres, qui tenoiclieu de
E¡l¡fí «'e
U petite
Riviere.
Sacriftie. Nous y entrâmes, & n'y trouvâmes
autre chofe qu'une méchante table
, 8c un mauvais coffre de bord, c'eftàrdire,
un de ces coffres, que les Matelots
portent dans les Vaiffeaux, plus large
au fond,qu'un deflus, qui étoit cou^
vert d'un morceau de toile goudronnée;
La clef de ce coffre étoit .attachée avec
une éguillette d'écorce à.un poteau.Nous
l'ouvrîmes, 8c nous y trouvâmes les ornemens
de l'Eglife, qui pouvoient diir
puter le pas à tous les plus fales, les plus
déchirez , 8c les plus indignement traitez
qui fuffcnt au monde.
La parure de l'Autel confîftoit en trois
ou quatre couvertures oi-derant de toile
peinte, moitié attachées, moitié pendantes,
qui fervoient à empêcher le vent
lorfqu'il n'étoit guéres fort. Unelmage
de papier étoit attachée au milieu, à peu
près de cette tenture, Sc.quatre^Chandelierd'étain,
petits, fales, 8c dépareillez,
étoient des deux côtez d'une petite
armoire, qui occupoit le milieu de l'Autel,
8c qui fervoit de Tabernacle audcffus
duquel il y avoit un.petit Crucifix
de leton tout diiloqué.
L e refte de l'Eglife répondoit parfaitement
à ce que je viens dedécrire, tant
pour la pauvreté, que pour la mal propreté.
Je n'ai pas vûl'EtabledeBethléem
où nôtre Sauveur a voulu naître, je fçai
qu'elleétoit pauvre i .maisje doute qu'elle
fût auffi mal propre, & j'ai lieu de
croire, que depuis qu'il en eft forti, il
n'a jamais eudemaifon plus fale 8c .plus
endefordre que celle de lapetiteRiviere
i celle du Cap étoit un exemple de
propreté en comparaifon.
N ous en fûmes fi fort fçandalifez, que
nôtre Supérieur general entra dans une
fainte colere,, 8c commença a faire une
mercuriale très-vive au pauvre Pere Bedarides,
qui étoit venu nous recevoir.
Celui-ci lui répondit, que ce n'étoit pas
£s.
5701.
F R A N Ç O I S E s DE L'AMERIQ.UE. 13 ?
page du moulin, 8c peu s'en fallutqu'ils 1701,
ne vendiiTent auiTi les Efclaves, fous prétextes
qu'ils n'avoient pas de terre pour
faParoiÎTe, qu'il ne s'y trouvoit que par
accident, parce que le Supérieur de la
Miffion, qui en étoit Curé, aïant des
affaires au Quartier qu'il deffervoit, l'avoit
prié de venir tenir fa place pour ce
jour-là. Cette raifon étoit bonne, 8c fatisfît
nôtre Supérieur. Il envoya chercher
des N egr e s , 8cfitnettoyer l'Eghfe
£c les environs autant (jue la folemnité
dujour, 8c du tems le pûrent permettre.
Il nous obligea le PereBedarides 8c moi
de dire la Meffe, fe refervant pour lui
la Meffe Paroiffiale, afin de pouvoir parler
au Peuple fur l'état de leur Eglife.
Nous confommâmes les particules confacrécs,
qui étoient dans le Ciboire, 8c
ilfutrefolu, qu'on n'ygarderoit plus le
S. Sacrement jufqu'à ce que l'Eglife fût
dans un état plus fûr, p us decent, 8c
plus convenable à la grandeur de Dieu
qu'on y adoroit.
Les Habitans s'étant rendus à l'Eglife
àl'heure de la Mefle, furent furpris de
laHarangue que nôtre Supérieur general
leur fit : car il les menaça d'interdire
leur Eglife. Cependant il les tourna fi
bien, 8c fçût les piquer d'honneur fi à
propos, qu'à la fin du fervice, ils promirent
dtfe cottifer pour faire une Eglife
neuve 8c plus décente, 8c qu'en attendant
ils feroient travailler dès le lendemain
à mettre celle-ci dans le meilleur
état qu'il fe pourroit.
L'Habitation que nos Pères avoient
achetée depuis qu'on avoit tranfporté la
Colonie de S. Croix à S. Domingue,
étoit dans cette Paroifle, à côté de certaines
terres, qui étoient affeétées à la •
mailon Curiale. C'étoit-là où l'onavoit
apporté les Negres, 8c tout l'attirail de
la Sucrerie-que nous avions à S; Croix. •
Mais nos Peres avoient été fi mal aviles
occuper, comme fi la terre pouvoit
manquera S. Domingue ou par achat,
ou parconceffion. Ils reconnurent enfin
la faute qu'ils avoient faite, 8c acheterent
le terrain où nous trouvâmes leur
Sucre, dont il fallut que laMifiîon de la
Guadeloupe payât la plus grande partie.
Ils acheterent auffi des chaudieres, 8c
le refte de l'équipage d'une Sucrerie bien
3lus chèrement qu'ils n'avoient vendu
e leur: il y avoit un an 8c demi qu'ils
avoient commencé à taire du Sucre fur
cette nouvelleHabitation, qui étoit éloignée
du Bourg 8c de l'Eglife d'environ
fix à fept cent pas.
L e Supérieur de nôtre Mifiîon de S. p^^f^^if
Domingue étoit un Religieux du Con- du Supcvent
de Limoges, nommé le PereNavie- riew de
res. C'étoit un homme de trente-huit à
quarante ans, fort agiiTant, Se qui avoit
un talent extraordinaire pour fe fatiguer
beaucoup, fans rien avancer; excellent
Religieux pour demeurer dansunCloître,
mais le plus inepte pour les chofes
du dehors, le plus grand diffipateur de
biens, 8c. d u plus mauvais ordre dans fes
affaires, que j'ayejamais connu. C'étoitlà
le fondement des plaintes que les Religieux
avoient faites contre lui, 8c le
fujet de nôtre voïage, 8c de ma commiflîon.
Car pour tout le refte, il étoit
irréprochable, fa vie 6c fes moeurs étoient
hors d'atteinte, 8c j e ne reçûspas
la moindre plainte contre lui, excepté
fur ce que je viens de dire.
Il s'étoit s'avifé de loiier nos Negres 6c :
nôtre Sucrerie à un de nos voifins appellé
le Sieur de Laye, pour la fomme dedix
mille francs par an, dans le tems qu'il
fêz, qu'au lieu de commencer une'Su- pouvait faireduSucrepourplusdetrencrerieaufiî
tôt qu'ils furent arrivez, ils te mille livres, Se il ne s'étoit pas convendirent
les chaudieres 8c tout l'équi- tenté dé faire ce mauvais marché, contre
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