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490 NOUVEAUX VOY
1705. terre, & grimpa fur un arbre. Je chargeai
cependant, & je tirai fur la bête,
j e labieiTai, mais je ne l'arrêtai pas, elle
Dangir toute écumante,& m'auroit
tuejuel fait un mauvais parti fi je n'avois pas fçu
VAU- mon métier. Je me jettai à côté d'un
iï^r/"' mettant ma bayennette au bout
du fufil, & quand je la vis prête à me
donner un coup de croc, je me parai avec
l'arbre qui le reçût pour moi , & dans
l'inftant j'enfonçai ma bayonnetteentre
le col Se l'épaule de la bête jufqu'au manche.
Elle fit un fi grand effort, qu'elle
me fit fauter le fufil des mains, & fit
encore quelques pas avant de tomber. Je
ramaflai alors mon fufil qui étoitun peu
faufic aufii-bien que ma bayonnette ; j'en
donnai encore quelques coups à la bête,
pour l'achever , 6c mes gens étant revenus,
nous nous mîmes à chercher
les quatre autres Marcaffins. Mon chien
en tenoit un, & en avoit étranglé un
autre} nous trouvâmes les deux autres
dans descuiiFes d'un arbre, nous les prîmes
en v ie, 6c leur liâmes les pieds, 6c
revînmes triomphant oii la Lée étoit
étendue. Nous bûmes un coup, 6cnous
repofâmes en penfant à ce que nous avions
à faire pour retrouver nôtre chemin j car
les tours 6c les détours que nous avions
faits en fuivant les traces de ces bêtes,
nous avoient conduit fi loin, ôc tellement
dérouté que nous ne fçavions oi:i nous
étions. Je voïois bien avec mon petit
compas de poche, oi^i nôtre barque nous
demeuroit, mais j'avois oublié dem'orienter
en quittant la Riviere, 6c d'ailleurs
nous l'avions paiTez 6c repaflez ,
elle ou d'autres cinq ou fix fois, en forte
cjue je ne fçavois pas fi nous en étions
à bas bord ou à ih ibord i d'ailleurs le foleil
étoit couché, 6c comme je l'ai remarqué
dans un autre endroit, il n'y a
point de crepufcule entre les Tropiques ;
6c dès que cet ailre eil vingt ou vingc-
A G E S A U X ISLES
cinq degrez fous l'horifon, il fait noir
comme à minuit. Je pris le parti de coucher
où nous étions , bien aflliré que
nous trouverions nôtre chemin quand
il feroit j our , 6c que le Capitaine Daniel
nous envoïeroit chercher.
Je dis à mon Nègre de couper du bois
fec pour allumer du feu, 6c faire à fouper,
pendant que le jeune homme 8c
moi coupâmes des gaulettes, 6c amailamesdes
feiiillcs de Bali fier, pour faire un
ajoupa. T o u t cela fut promptement exécuté.
Dès que le boucan futen état,nous
y étendîmes deux Marcaffins -, 6c pendant
qu'ils cuifoient,je dis, comme jepûs, ce
qui me refloit à dire démon Bréviaire.
Nous foupâmesjoïeufement après cela,
nous mangeâmes un Marcaffin, 6c nous
entamâmes l'autre : fi on trouve quec'étoit
beaucoup,il faut confiderer que nous
étions quatre, y compris mon chien, qui
avions bien travaillé) 6c par confequent
grand appétit. Nous bûmes de l'eau de
Balifier,6c puis un coup d'eau de vie j 6c
après avoir prié Dieu 6c bien ajuflé nos
fufils, nous nous endormîmes fous la
garde de mon chien.
Il étoit grand jour quand je me reveillai)
il fallut éveiller mes gens 6c mon
chien aufïï; Nous fifmes la Priere, 6c
nous allions commencer à déjeûner, lorfquej'entendis
deux coups de fufil. Je vis
bien qu'on nous cherchoit) nous répondîmes
auffi-tôt de deux coups ; on en tira
un troifiéme, Scnous auffi, 6c j e fis allumer
du feu, pour cuire de la"viande,
pour faire déjeûner ceux qui viendroient
noustrouver.Amefure qu'ils avançoient
ils tiroient, 6c nous répondions}. à la fin
ils nous joignirent. C'étoit le Capitaine
Daniel,lui-même, qui étoit en route avec
cinq de fes gens depuis une heure avant
le j o u r , pour nous chercher. Il lui avoic
été facile de nous fuivre le long de la
rivière, parce quemón Negreplumoit
les
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les oîleaux quej e lui donnois à porter, très-bons.
& les plumes qui étoient répandues à Ce futdans ces deux parties queje vis
terre les conduifirent jufqu'au lieu, où 6c que je parcourus la plus grande partie
nos oifeaux étoient cachez dans la R i - de 'Ifle à Crabes ; j e ne m'étonne pas
viere i ils avoient enfuite trouvé nos tra- que les Anglois aient voulu s'y établir,
ces fur celles des cochons, 6c avoient ils avoient raifon j 6c elle mérité plus que'
bien vû que nous nous étions mis à cher- beaucoup d'autres d'être habitée j elle n'a
cher ces animaux. Il étoit près de dix pointdeport, àia véri té, mais elleade
heures quand ils nous joignirent, 6c fe- bonnes rades, 6c un acuì du côt é de Port-
Ion leur compte, ils avoient faitplus de ric,quipourroit bien tenir lieu d'unport,
quatre lieiies. Daniel m'abordaen jurant Je n'y ai rienvû qui ne m'ait fait envie
doélement qu'il ne foufFriroit plus que & qui ne m'ait fait deplorer l'aveuglej'allaiTe
àia chafîe qu'avec quelqu'un de ment de mes Compatriots qui fe ibnt
fes gens. Il me dit qu'il avoit été dans allez établir à Saint Mart in, Saint Barune
peine extrême que je ne fufle tombé thelemi,6c autres mauvais endroits} au
entre les mains de quelques Mulâtres de lieu de venir pofler une bonne colonie
Port-ric , qui viennent fouvent dans en cette lile , 6c s'y maintenir par la
cette I f le, qui font des gens demi fauva- force contre ceux de Port-ric. Nous
ges,6cquitueroientIep!ushonnétchom- avions une Colonie à Sainte C roi x qui efl
me du monde pour avoir fa chemife. Jel e au Sud-Efl: deBoriquen quel'ona abanremerciai
de fon foin, 6ç je lui dis qu'il donné en comme j e l ' a idi t enf o n
falloir dejeûneravantdenousen retour- lieu qui auroitété infiniment mieux à
ner. Il avoit fait apporter du bifcuit, du l'Ifle à Crabes, où le bon air 6c les bonvin,
6c de l'eau de vie. 11 donna un nés eaux, qui ne fe trouvent point à Sainmorceau
à manger à un de íes gens, le te Croix , l'auroient fait multiplier à
chargea de deux Marcaflins, 6c le ren- vûë d'oeil. Je le repeteencore de toutes
voia abord porter de nos nouvelles, afin les liles que j'ai v û , il n'y en a point de
qu'on ne fût point en peine. Nous man- plus propre pour établir une Colonie
geâmes en contant nosproiiefîes, après 6c pour faire dans peu de tems un comquoi
on coupa nôtre grolle bête en quar- merce avantageux,
tiers, ôc nous nous en retournâmes chaf- Le Mercredi 4. j'allai encore à la chaffans
8c tuans force Ramiers, Peroquets fe avec deux de nos Flibufiiers 8c deux
6c Grives. On ne m^anqua pas de me feli- Anglois. Le Capitaine Daniel'm'avertit
citer quand nous fumes arrivez fur ma de ne pas m'éloigner, parce qu'il voubonnechaiTe,
6cde faireunepartiepour loit lever l'Ancre fur le foir- en effet
le lendemain. ^ ^ , , ^^^ les quatre heures après midi nous
^ Nousy fumes en e f fet , deux Anglois entendîmes-un coup de canon- nousreetoient
avec les quatre Flibuftiers que primes aufiî-tôt le chemin de la mer,bien
Daniel me donna} nous tuâmes trois gros fâchez de ne pouvoir continuer nôtre
Cochons Marons, 6c unCabry avec beaucoup
d'oifeaux, 6c revînmes fans nous
être égarez à Soleil couchant. Nos Dames
avoient fait accommoder nôtre chaffp
du jour précèdent, 8c elles nous firent
chaiTe, parce que nous avions découvert
des traces fraîches de Cochons Marons i
il fallut nous en revenir, nous avions
tué un particulier , c'ellainfi qu'on appelle
un Sanglier mâle, que l'on trou-
170Î.
r • i ' ^ 1. A , . ; f "il oanyiiv.! iijiiic, que 1 on troufervirdesmetsal'Angloife,
quietoient vefeul, quoiqu'on lui eût coupé la tête
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