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N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
reprennent jamais: mais s'ils font renverfez
de maniere que la grofle racine
foit encore en terre, du moins la meilleure
partie, il faut bien fe garder de
les vouloir redrelTer, l'expérience à fait
connoître qu'on achevoit de les faire
mourir par cette manoeuvre, parce qu'on
ébranle de nouveau ce qui a déjà fouff
e r t , & qu'on ne peut jamais le remettre
dans fa premiere iituation. Ce qu'il
y a àfaire dans cette occafion efl-de couvrir
promptement & fans perdre de
temps, le pied de l'arbre & tout ce qui
paroît de fes racines, avec de bonne
terre, & de faire foûtenir avec de petites
fourches plantées en terre, le tronc
& les principales branches, afin que
le poids des feiiilles lorfqu'elles auront
pouiTé, & des fruits, ne le faiTent pas
pancher davantage, & ramper fur la
terre. Ces arbres ne laiflent pas de produire,
Scia nature, au bout de que que
temps, produit un jet droit que l'on
conferveavecfoin pour devenir le tronc
de l'arbre, quand il portera du fruit;
car pour lors on coupe celui qui étoit
panché, & l'arbre fe trouve ainii tout
renouvel lé.
Mais l'accident le plus funeilc qui
puiiîe arriver à une Cacaotiere, 6c auquel
il n'y a point de remedc, c'eft quand
les maîtreiTes racines trouvent un tuf ou
un banc de pierres : car pour lors elles
s'étendent inutilement fur la pierre, &
n'y trouvant pas de nourriture, elles
font contraintes de fe recourber fur elles
mêmes, ce qui fuffit pour les faire fecher,
éc enfuite les arbres qu'elles foûtenoient.
C'eft pour cette raifon que j'ai
dit ci-devant qu'il etoit de la derniere
importance de bien fonder le terrain
avant d'y planter une Cacaotiere, fi on
ne veut pas travailler en vain, ou tout
au plus pour un petit nombre d'annéesj
ce qui ne pourroit manquer de tourner
à la confufion & au dommage de ceux
qui entreprendroient un établiflement
fans cette précaution.
Cependant comme il eft prefque impoffible,
fur tout dans les petites liles,
de trouver un terrain, quelque bon qu'on
fe le figure, qui foit fans pierres, on
doit être content pourvû que par diverfes
fondes on ait reconnu que la terre a
fix pieds de profondeur, & que les
pierres qui font delîbus ne font pas un
banc.
Depuis la chute des fleurs jufqu'à la
parfaite maturité du fruit il ne fe paflc
qu'environ quatre mois; on reconnoîc
qu'il eft meur, de quelqu'une des trois
couleurs marquées ci-devant,qu'il puille
être, lorfque 'entre-deux des eâtes qui
partagent les colTes commence à changer
de couleur & à devenir jaune: pour
lors on le ceiiille. On difpofe les ne- Matu,-^
gres qu'on deftine à cet ouvrage un à té du
un à chaque rangée d'arbres , chaque
negre a fon panier; & fuivant la file " à
qu'on lui a marqué, il ceiiille tous les UaMfruits
qui font meurs, fans toucher à
ceux qui ont encore befoin de quelque
temps pour le devenir. On n'emploie
aucun mftrumen: pour cela, & on ne
fecoiie point l'arbre, onrompt laqueiic
qui attache le fruit, en la tordant unpen
avec une petite fourchette de bois, ou
en l'arrachant ; & lorfque les negres
ont leurs paniers remplis, ils les portent
à un bout de la Cacaotiere & font une
pile ou un amas de tout ce qu'ils ont
ceiiilli.
Lorfqu'on â ceuilli tout ce qui étoic
meur, Se que felon la grandeur de la Cacaotiere,
ou la quantité du fruit, on en
fait une ou plufieurs piles, on tire les
amandes des cofles. Pour cet effet les negres
coupent avec un couteau les cofles
parle milieu de leur longueur, ou les brifent
en frapant delTus avec une pierre, ou
un morceau de bois. On trouve les amandes
environnées de la pulpe ou mucillagc
Munit'
edc le
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE. 361
«pilonti'ai parlé ci-devant; on ne prend nier cas comme impoffible, puifquepour
i L beaucoup de peine aies en feparer, ^ peu qu'on tarde à les mettre en terre
n n'en ôte que le plus gros, Se on les en fortant de la cofle , elles ne germât
dans les paniers pour les porter à ment jamais; comment germeroient-
1 aifon ' ^ privees du fuc Se de la
Îîn'eft'pas ncceiTaire de vuider les fraîcheur de la terre? Ce que cetteferroiTes
auffi-tôt qu'elles font ceiiillies, mentation opere eft de les décharger
n Dcut les laiifer en pile dans la Ca- del'humidité fuperflue dont elles étoient
raotiere deux ou trois jours, fans crain- = imbibées ; de maniere qu'il ne leur refte
Hre Qu'elles fe gâtent; le feul danger, plus que l'huile qui les conferve, Sc
on'il V a eft qu'elles peuvent être dé-, dans laquelle on doitpenfer queconfifte
robées-' mais qui a du bien, doit être la meilleure partie de leur bonté,
expofé' à en perdre, d'ailleurs il faut • C'eft encore un erreur groffiere de
donner lieu au proverbe qui dit, qu'il quelques voiageurs qui ont débité ferieufaut
que tout le monde vive, larrons Se fcment qu'on les met dans une leffive .,
autres On ne s'avife gueres de porter dont la compefitioneft un miftere, ou
les cofles à la maifon pour les y ouvrir; après avoir trempé quelque tems on les
outre que ce tranfport feroit penible fait fecher à l'ombre. Se que fans cette
tjour les negres, il engageroit encore à préparation on ne pourroit pas les tranfun
autre travail qui feroit de tranfport porter fans qu'elles fe corrompiflent.
ter autre part les cofles vuides, qu'on Tout cela eft aufli vrai comme ce qu'ont
a regardé jufqu'à prefept.aulîi inutiles écrit des gens mal informez, de a lefque
les Marons d'Inde. On les laifle five oîî ils prétendoient qu'on faifoit
donc pourir dans la Cacaotiere oîi elles bouillir le clou de gerofle, la mufcade,
peuvent fervir de fumier pour engraif- le poivre, Sc le caffé avant delestranf-
^ porter en Europe, de crainte qu'on ne
es femàt ou plantât en Europe, Sc qu'on
ne privât ceux qui les y tranfporte d'Afie
peuvent ;
fer la terre. - ' ' • \
On met les amandesauflî-tot qu'elles
font à la maifon. dans des caneaux ou
fainfir- grandes auges de bois, ou dans un quarré du profit qu'ils font fur ces marchandifes.
mentir
eu ref-
[hcr.
Je planches un peu élevé de terre. On
les couvre de feuilles de balizier, Sc de
quelques nattes. Se on met deflus des
blanches Se des pierves pour les tenir
)ien ferrées. Se bien preflees.
, On les laiflè en'cet état quatre ou
cinq jours, pendant lefquels on a foin
de les remuer & retourner tous les matins.
Elles fermentent pendant ce temps
là; elles perdent la couleur. blanchâtre'
qu'elles avoient en fortant de la coflèj
& deviennent d'un rouge obfcur.
On prétend que fans cette fermentation
elles ne fe conferveroient pas,
qu'elles moifiroient , ou que fi elles
étoientdans unlicuhumide, ellespour-.
Lorfqu'on a retiré les amandes ou Com- .
graines de Cacao, du lieu où elles ont
fermenté, ou pour parler comme auxy^/^/^/'
Ifles, oii elles ont reflué, on les étend
fur des claies, ou dans des caifles plattes
dont le fond eft à jour, Sc on les
expofe au foleil pour les faire fecher.
On a foin de les remuei Sc de les retourner
de tems en tems. Se de les mettfe
à couvert pendant la nuit. Se lorfque
le tems eft humide, ou qu'il pleut}
parce que l'eau ou l'humidité les gâteroit
infailliblement. Trois jours de foleil
Se de vent fufiifent pour les fecher entièrement,
après quoi on les met dans
des futailles, dans des facs, ou engreroient
germer, Ondoitregarder.ceder-, nier, jufqu'à ce qu'on trouve Voccafion
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