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ro6 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE. 107
«700' tous les autres, dès qu'on a pafle letro^^
îique. J'ai fouvent entendu raifonirér
à-deilus i mais comme je n'ai rien entendu
qui m'ait contenté, je ne le rapporterai
pas.
Leur dé- Pendant qu'une partie des femmes
i$siiier. eft occupée à rocoiier les hommes, l'autre
partie fait la caflave pour le déjeûner,
car ils la mangent toute chaude.
S'ils ont été la nuit a la pêche, ou aux
crabes, ou qu'il y ait quelque chofe
du jour precedent, on fe dépêche de
faire cuire ce qu'il y a, & on l'apporte
dès oue le Maître du Carbet l'ordonne.
I s mangent tout dès qu'ils font
rocoiiez , fans fe rien dire les uns aux
autres, fans faire aucun afte de civilité
ou de Religion : les jeunes garçons
comme les perfonnes qui font âgées,
font fans diilinélion. Après qu'ils ont
mangé, les femmes apportent à boire
j & puis les uns fe remettent dans
leur Hamac, les autres fe mettent autour
du feu accroupis fur leurs talons,
Zeurs
tccupai'ions.
comme des finges, les joues appuyées
fur les paulmes de leurs mains, & demeurent
les heures entières en cette poilu
re & en filence, comme s'ils étoient
dans une profonde meditation, ou bien
ils fiflent avec la bouche, ou uneefpece
de flûte ou de chalumeau, & toûjoursfurle
même ton: rien a mon avis
de plus défagreable & de plus ennuïant
que cette Muiîque. Il s'en trouve d'autres
qui fe mettent à travailler à quelques
paniers, ou à faire des fléchés , 6c
des arcs, des boutons, ou autre chofe de
cette nature, chacun felon fon genie particulier,
& fans que perfonne fe donne
la liberté de commander rien à un autre.
C'eft ainfi qu'ils travaillent, toujours
pour le befoin prefent, 6c toûjours d'une
maniere negligente 6c indifferent
e , fans s'attacher le moins du monde
à ce qu'ils font, 6c le quittant auffi-
tôt qu'ils; commencent à s'en fatiguer. 1700,
Leur eonverfation, quand ils en ont , Umi
eft fort modefte 6c fort paiiîble : il n'y «"»wren
a qu'un qui parle: tous les autres
l'écoutent avec une grande attention ,
du moias en apparence , fans l'interrompre,
le contredire, ni lui répondre
que par une efpece de bourdonnement
qu'ils font fans ouvrir la bouche,
qui eft la marque d'approbation qu'ils
donnent au difcours qu'on fait devant
eux. Quand celui-là a.achevé, iî un
autre prend la parole, foit qu'il parle
en conformité de ce que le premier a
dit, foit qu'il dife tout le contraire, il
eft aiTûré d'être régalé du même bourdonnement
d'approbation. Je croi bien
qu'ils n'en ufent ainfi que dans les chofcs
indifférentes, 6c qu'ils en ufent d'une
autre maniéré dans ce qui les touche
de plus près, car ils fçavent parfaitement
bien leurs interefts, 6c vont à leurs fins
par des voies qui ne font point du tout
fauvages. Jamais je ne les aivûdifputer,
ni fe quereller : j'admirois cette retenue.
Mais ce qui eft bien plus admirable ,
c'eft que fans difcours 6c fans querelles
ilsfe tuent 6c fe maiTacrent fort fouvent.
C'eft principalement dans les AiTemblées
qu'ils appel entVins, que cela arrive.
Ces Affemblées n'ont aucun temps M"
réglé pour fe tenir : cela dépend du ca- ^
price de celui qui en veut faire la dépenfe.
Perfonne n'eft obligé de s'y trouver
, quoiqu'on y foit invité, que ceux
qui ont envie de boire 8c de s'enivrer,
ou de faire quelque mauvaife aétion.
Elles fe font que quefois pour refoudre
un voïage de traite, c'eft-à-dire,
de negoce, oudevifite, ou de guerre.
Celui qui la fait a foin quelques jours
auparavant de faire avertir tous fes
voifins, quelquefois toute la Nation,
de s'y trouver. Y vient qui veut: tout
le monde y eft bien venu , 6c s'en retour
1700. tourne quand il lui plaît. Cependant
celui qui a invité fait provifion de quantité
d'oiiicou , de patates, ignames ,
e caflave. Lui 6c
bananes, figues 6c c
les 'de fon Car
du Carbet fait la propofîtion pour la- 1700.
quelle il les a invitez. Telle qu'elle
puiiî'e être , elle ne manque jamais
d'être bien reçue 6c approuvée à la
j e t , 6c même fes maniéré ordinaire. Si c'eft une partie
I gens
voifins, s'ils le jugent à propos, vont de guerre qu'onpropofe, quelqueviëilà
la pêche 6c à la chaffe, 6c boucan- le femme ne manque pas de fe produire
nent tout ce qu'ils prennent. Il eft ra- 6c de haranguer les conviez pour les
re qu'ils mangent rien qui foit bouilli, exciter à la vengeance. Elle eur fait
excepté les crabes. Ils mangent peu de un long détail des torts ôc des injuviande
'lUmnpntpeu
dtvian-
M
, quoiqu'ils en puffent manger res qu'ils ont reçûs de leurs ennemis,
tant qu'il leur plairoit, car ils élevent elle y joint le dénombrement de leurs
affez de volailles 6c de cochons : ils ne parens 6c amis qui ont été tuez ; 6c
manquent ni de cochons marons, ni d'à- quand elle voit que toute la compagnie
goufins, 6c autres animaux, 6c ils ont déjà fort échauffée par la boiiTon, comabondance
en ramiers, de perroquets, mence à donner des fignes de fureur, 6c
de grives, 6c autres oifeaux qu'ils tuent qu'ils ne refpirent plus que le fang & la
avec leurs fléchés auiTi habilement que mort de leurs ennemis, elle jette au minous
avec nos fufils, 6c fans tant de heu de l'Aflemblée quelques membres
bruit. Mais ils gardent leurs volailles, boucannez de ceux qu'ils ont tuez à la
leurs cochons, 6c leurs autres animaux guerre, fur lefquels ils fondentaulïï-tôt
qu'ils prennent à la chaffe, pour les comme des furieux, les égratignent,
porter aux Ifles Françoifes, 6c les tro- les coupent en pieces, les mordent ôc
quer pour avoir les chofes dont ils ont les mâchent avec toute la rage dont font
befoini de forte qu'on peut dire que capables des gens lâches, vindicatifs 6c
les crabes 6c le poiflbn fo^nt leur nour- ivres. Ils approuvent le projet avec de
riture la plus ordinaire, excepté dans grands cris, 6c tous promettent de fe
le temps de leurs Vins, où ils n'épar- rendre au jour nommé, pour partirengnentrien
pour regaler ceux qu'ils ont femble, 6c aller exterminer tous leurs
invitez.
Comme je ne me fuis point trouvé
dans ces fortes d'Aft'emblées , je ne
puis en parler que fur le rapport d'autrui.
Ceux dont j'en ai appris plus de
circonftances, font premièrement un
Caraïbe qui s'étoit retiré à la Martinique
, après en avoir tué un autre à la
Dominique; 6c ce Francois réfugié à
ennemis.
Les autres projets fe refolvent d'une neïïcamaniere
plus tranquille : mais quant à teffe des
l'execution, elle dépend abfolumentdu
caprice, ou de l'humeur où ils fe trou- iibJtT.
vent dans le moment qu'il faut mettre la
main à l'oeuvre ; car ils font entièrement
libres 6c ïndépendans, 6c perfonne n'a
droit de commander aux autres : leur
la Dominique pour un femblable fujet, delicatefle fur ce point-là eft inconcequi
me fervit d'interprète tout le temps vable.
que je demeurai à la Dominique. C'eft une erreur de croire que les ZesCa-
Après que toute la compagnie eft Sauvages de nos Ifles foient antropoaffemblée,
6c qu'on a bien mangé 6c phages, 6c qu'ils aillent à la guerre exbu
du ouicou à outrance, ÔC du taiEa, près pour faire des prifonniers, afin de '
quand ils en peuvent avoir, le Maître s'en raffafier, ou que les aïant pris, fans
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