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tf4 NOUVEAUX V O Y A G E S A U X ISLES
1(5^8. un terrain auprès de celui qu'il s'étoit
refervé à Sainte Marie delà Cabefterre.
Pour empêcher qu'il n'arrivât dans la
fuite des tems quelque conteftation entre
fes héritiers 5c nous pour nos terres, iî
elles êtoient contiguës, il jugea à propos
de lailîêr un efpace de deux cent pas
elitre nos Habitations. Ce terrain fut
concédé dans la fuite à un nommé Lecaudé
Saint-Aubin, qu'on difoit être un
allez mauvais Arpenteur, mais qui montra
qu'il en fçavoit aiîez pour dupper
ceux qui fe croyoient plus habiles que
lui. En effet à peine fut-il en pofleiîion
de ce petit terrain, qu'il demanda qu'on
fixa un rumb de vent, pour établir les
lizieres des deux Habitations entre lefquelles
il fe t rouvoi t , & fe fervit fi bien
de fon fçavoir faire, qu'au lieu d'un
rumb de vent qui devoit lui donner
deux cent pas de large fur toute la hauteur,
il en établit deux, quiens'éloignantl'unde
l'autre, lui firent une Habitation
, qui n'ayant que deux cent pas
de large au bord de la mer, fe trouva en
avoir dix-huit cent, quand on eût mefuré
jufqu'à trois mille pas de hauteur. Le
tout, comme on le voi t , aux dépens des
Habitations voifines, c'eil:-à-dire,dela
nôtre, & de celle de M. Duparquet,
qui étoit tombée entre les mains du fieur
Piquet de la Calle Commis principal de
la Compagnie de 1654.
L e chagrin que les Maîtres eurent de
cetcefupercherie,étoit paiîéà leurs Efclaves,
toûjours très-difpofezàépoufer
les querelles de leurs Maîtres: en forte
qu'i y avoit toûjours eu des démêlez
entre les Efclaves qui étoient venus trèsfou
vent aux mains. La mort de cet Habitant
avoit ralenti la fureur de cette petite
guerre, on n'y penfoit plus depuis
que la Sucrerie de Saint-Aubin étoit
tombée en d'autres mains, &fes Negres
partagez entre cinq ou fix enfans qu'il
avoit laiflez. U n accident que j e vais dire iCvjt,
ralluma l'ancienne guerre.
Je fus averti que l'Habitant qui avoit
eu la Sucrerie de Saint-Aubin avoit
Elit ouviir le corps d'un de fes Negres
qui étoitmort, & qu'ayant fait tirer le
coeur, il l'avoit mis dans de la chaux Superf,
vive, avec certaines ceremonies qu'il
n'eft pas neceflaire de rapporter ici. C e t uTbihomme
avoit perdu quelques Negres, 6c tant de
s'imaginant que leur mort étoit l'efFet de
quelque maléfice , il prétendoit faire
mourir le forcier par cette ceremonie,
& lui brûler le coeur à mefure que la •
chaux confommoit celui du mort. Cet
avis m'embarafla beaucoup, parce que
j e ne voulois avoir rien à démêler avec
cet homme, qui étoit de l'humeur du
monde la plus étrange. Cependant le
rems de Pâques approchoit, le fcandalc
croifibit dans la Paroifle, beaucoup
d'honnêtes gens m'en avoient fait des
plaintes, & fans me rendre en quelque
forte coupable de prévarication, je ne
pouvois plus m'empêcher de luiendirc
mon fentiment. Je le fis donc avec toutes
les précautions poflïbles de crainte
d'éfaroucher davantage cet efpi-itbouru.
Après lui avoir repreienté l'oiFenfe qu'il
avoit commife, le fcandale qu'il avoit
donné à tout le quartier, 8ç le tort qu'il
fefaifoit à lui-même, j e le priai defonger
à fa confcience, & de réparer par une
conduite plus Chrétienne le mal qu'il
avoit fait. Il reçût très-mal l'avis que j e
lui donnai, êc me dit que bien que j e
fuflè fon Curé, je ne devois pas entrer
dans fes affaires domeftiques, qu'il prétendoit
être maître de fes Negres auiïïbien
quand ils étoient morts que quand
ils étoient vivans, Se qu'il m'avertiflbit
une fois pour toutes de ne me point embaraiTerde
fa confcience, ni de fes Negres
} mais feulement de faire cefier les
malefices des Negres de nôtre Habitation
F R A N C O Î S E S DE L'AMERIQ_UE. 6f
iS^S. tion qui faifoient mourir les fîens. Je bâton. Ils furent donc obligez de s'envoulus
lui faire entendre raifon fur cet fuir, & de fe retirer dans leurs cafes,
article, mais il n'y eût pas moyen : de où les nôtres les pourfuivirent, & y alforte
que je le quittai content d'avoir loient mettre le f eu, & peut-être à tout
fait mon devoir, & j'attendis que Dieu le refte de l 'Habi tat ion, fi les voifins qui
y mît ordre, comme il n'a pas manqué étoient accourus pourappaifer ledéforde
faire. dr e , ne les euiTent fait retirer. Sept
L e petit Nègre qui me fuivoit avoit Negres de nôtre Habitation furent biefentendu
ce qu'il avoit dit de nos Negres , fez, dont l'un qui avoit reçû un coup
& le leur rapporta. Les nôtres pour fe d'épéedanslacuifle, avoit faificevoifin
vengerdecctte fauiTeaccufation, atten- aucollet,8cl'avoitdéfarméc.SonComdirent
ceux de ce voifin le Dimanche mandeur y avoit auffi perdu fon fabre, il
fuîvant, ôc les battirent d'une étrange y eût treize Negres bkifez du côté du
maniéré. Je vis bien que ce commence- voifin.
ment de batterie auroit des fuites fâ- On m'envoya avertir de ce défordre
cheufes, & que fi on n'y mettoit ordre au Bourg de la Trinité oii mes affaires
ilss'égorgeroient. Je fis châtier nos N e - m'avoient obligé d'aller après avoir fait
près forr ipvfi-pmpnf. ip fi« Airp à rp Rprwii-i» o T«.
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gres fort feverement,& je fis dire ce le Service à Sainte-Marie. Je
voifin, qu'il étoit à propos qu'il retînt avec toute la diligencepolîîble,
lesfiens, &quedemoncôtéjefçaurois mal étoit fans remede. Je trouvai le Chi -
retenir les miens. Mais au lieu de le faire rurgien occupé à penfer nos bleifez, Se
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il eut l'imprudence d'époûfer la querelle
defesEfc aves, Scs'étant mis à leur tête
avec fon Commandeur blanc, ils fe jetterent
fur les nôtres qui paflbient dans le
grand chemin qui traverfe la fa vanne,
en revenant de la Paroifle, Se les maltraitèrent
beaucoup; ce qui leur fut fa^
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le refte de nos gens avec quantité de N egresde
nos voifins qui les étoient venus
joindre, qui fepréparoient à aller brûler
leurs ennemis dans leurs cafes fi-tôt
que la nuit feroit venue. Je n'eus pas
îeu de peine à les calmer, Se fur tout
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Cile, parce que depuis la premiere bat- J'en vins à bout, Seje renvoyai tous les
tene e ne fouffrois pas qu'ils portaf- Negres étrangers qui étoient venus au
fent des Couteaux , n'y des bâtons. fecours des nôtres,
f ^ Quelques Negreifes qui s'étoient fau- J'écrivis aufiî-tôt au Supérieur de la
vees appelèrent des Negres des Habita- Miffion ce qui s'étoit pafle, afin qu'il
tions voifines à leur fecours. Se ceux des en informât M. l'Intendant; mais ayant
nôtres qui ne s'étoient point trouvez au été averti, que le voifin avoit fait partir •
commencement de l'aftion. Ils vînrest fon Commandeur au commencement de
en gi;and nombre fur le champ de batail- la nuit pour allerfe plaindre à Vinteni
e , ou les nôtres fe défendoient à coups dant, Se montrer fa tête cafleej je re- •
de pierre. Se avec quelques bâtons qu'ils folus de partir auiïï, afin d'empêcher les
avoient gagnez. fuites de cette affaire. Elle n'auroit eu,
L,e lecours^ qui etoit venu a nos gens rien de fâcheux, s'il n'y avoit eu quedes
renditbien-totJapartieinégalc.LeMaî- Negres bleflez, mais il y avoit deux:
tre des attaquans Se ion Commandeur Blancs, Se je n'étois pasfûr de trouver
eurent tousdeux látete caffée, l'und'ua destémoins pour prouver quecetHabi - '
coup de pierre, Se 1 autre d'un coup de tant avoit été l'agrefleur. Je crus que
- I nôtre