[ l i îtv
•f-i
íi
-
ü
i JS
ïâ
F
566 NOUVEAUX VOY
Ce que je viens de dire cft lî vraii,
que les Efpagnols même achctenrindifferamènt
l'un & l'autre felon qu'ils
f trouvent leur compte, en préfei^nt
toujours le-nouveau au vieux. J'en
puis parler comme témoin oculaire,
puifque m'étant trouvé à Càdis à la fin
de i /of . dans un vaifTeaude Marfeille
nommé le Saint Paul, appartenant à
Monficur Maurellet, Se commandé par
le Sieur Ganteaulme, en compagnie de
deux autres vaiflcaux qui venoient aufli
bicjî que nous de la Martinique, &
qui avoient une partie confiderable de
Cacao dès Mes & de Caraque, on les
vendit également auxEfpagnols>& comme
je m'étonnois qu'ils achetoient nôtre
Cacao auffi cher que celui de Caraque,
fans y faire de difference dans le prix,
i-ls me dirent qu'ils ne remarquoienE
aucune difference intrinfeque de l'un à
l'autre, quand le nôtre étoic recent; &
que c'écoit à caufe de cela qu'ils Tachetoient
pour le mêler avec le leur qui
étoit vieux, & par confequent fee &
moins huileux. Ce fut de ces mêmes
Efpagnols que j'äppris ce que j'ai rapporté
ci^deffus, quelagrol^urdecdui
dfe Caraque ne fervoit qu'à lui faire coni
í r v e r l ^ ^ huile plus long-temsj au lieu
que la peciteiTe du nôtre dönnoit lieu à
une plus ptomptrévaporation. Ils m'apprirent
encore que felon la qualité des
Cacaos, c'eil-à-dire, felon qu'ils font
"^ieux ou recens, & par confequent fees,
ou pleins d'huile, ils proportionnoient la
quantité des uns & des autres pour faire
un mélange qui les pût faire confemmer
tou s deux fans di minuer la bonté du ch ocolät.
Je vis l'a vérité de ce que je viens d«
rapporter, quelquesjoursaprèsicarm'étant
trouvé chez le Marquis de laRofa
Vice-Amiral desGallions, quiaépoufé
une de nos creolles de la Martinique, où
A G E S AUX ISLES
l'on faifoit une quantité confiderable de
chocolat, je remarquai qu'on y emploia'
moitié par moitié le Cacao des Mes, &
celui de Caraque: St la raifon qu'on m'endonna,
fut que leur Cacao de Caraque
éroit victix Scprefque fee, au lieu que
celui, de la Martinique étant frais, St
encore tout plein defon huile, ilBonir
fioit, Scranimoit, pourainfi dire,celui
de Caraque. II me fem ble que ces tem oignages
fuffifent pour prouver la bonté
du Cacao des Mes.
En quelque païs qu'il: croiffe, pourveu
qu'ij foit bien préparé, il eft conftant
qu'il a une infinité de bonnes qualitez
; ii eft nourriiTant, & en même
tems d'une très-facile digeftion : chofe
qui ne fe rencontre jamais dans aucune
efpece dés autres alimens. Il aide à la
digeftion , fans exciter dans le fang un g.
mouvement plus violent que l'ordinaire. S
Bien-lom de cela rien n'eft plus propre c h m k
a l'adoucir, & à maintenir dans les humeurs
cet équilibre, qui eft la caufe de
la fanté : il peut fuiEre tout feul à la.
nourriture des perfonnes de quelque âge
qu'elles foient. Ce que j'ai dit du Sieur
Monel dans ma premiere partie en eA
une preuve, mais qui ne convaincroit
pas il elle étoit feule} j'en pourroisrapporter
à centainesjde peur d'ennuyer
le Lefteur, je me contenterai de l'aflurer
que les petits habitans qui cultivent
le Cacao dans les gorges des montagnes
du quartier de l'Oueft de S. Domingue,
ne nourriiîèHt leurs enfàns d'autre chofe.
Ils leur donnent le matin du chocolat
avec du mahis, 8c c'eft leur dîné
& leur foupé tout enfemble, fans qu'ils
aient befoin d'autre chofe le refte de la
journée. On reconnoît la bonté de cet
aliment par l'embonpoint, la vigueur 6c
la force de ces enfans. Ce que je vais
dire fera une preuve qu'il eft fpecifiquc
pour la pthiiîe. Depuis que j'étois au
monÎT
R A N G O I S E S D E L'A M E R I Q_U E . 357
quelques remarques.
On fait brûler ou rôtir les amandes du prépa-
Cacao, dans une poêle, comme on fait
c a n i n e q u i medévoroit,"&plus je man- brûlerie caffé. Cette premiereiprépara-
1 -.ji : :—^RrT».,. tioineit univerfelle & abfolumentneceffairci
elle fert pour dépoûiller lé Cacao
dekipellicule dure & liècJjequi lecoumondc,
& jufqu'à l'âge de trente ans que
j'allai aux Ifles, j'avoistoûjours été d'une
maigreur effroiable} j'avois une faim
canine qui medévoroit, Scplus jemangeois,
plusjedévenoismaigre£cfeci de
maniéré que lesmedecinsaffuroient que
j'étois étique dans toutes les formes^ Sc
que j'avois peu de tems à vivre. Malgré
leur arrêt j'allai aux ifles, j'eusla maladie
de Siam prefque en arrivant, 6c auffitôt
que je commençai d'ufer de chocolat
, j'engraffai à veiie d'oei l , & quoique
je travaillaiTe beaucoup, je commençai
àjoiiir d'une fànté que je n'avois jamais
goûté auparavant.
J'ai encore remarqué qu'il eft apéritif,
qu'il tient le ventre libre, & qu'il provoqueunefueur
douce après qu'onl'apris,
qui aide beaucoup à la tranfpiration.
Il eft certain qu'il épure les efprits
bien mieux que le caffé dont le mouvement
violent, ÔC ragitation qu'il caufe
danslefang & dans les humeurs, ne peuvent
manquer à la fin d'être très-préjudiciables
à la fanté.
Mais il faut pour cela que le chocolat
foit bien fait; c'eft-à-dire, que le Cacao
dont il eft compofé foit bon, fain &
frais, qu'on ne mette dans fa compofitionquela
quantité defucre ôc d'épiceries
abfolument neceffaires pour corriger
fa froideur, iî on le fuppofe froid, ou
pour ne le pas rendre exceffivement
chaud, fi on le fuppofe temperé : car
à quoi fervent ces drogues fi chaudes,
ÔC fi odoriferentes qu'on y mêle fans
difcretion? Elles le rendent, jel'avoiie,
plus agréable au goût & à l'odorat,
mais ce ne peut-être qu'en corrompant
fa nature, 6c en détruifant fes bonnes
qualitez.
Voici différentes maniérés dont on prépare
le chocolat dans l'Amérique, èc en
Europe, je les rapporterai comme Je les
ai vû pratiquer, & j'y ferai en paflknt
•vue, & four exciter dans les parties, qui
font très-compa£tes,un mouvement dont
elles .ont un veriiablebcfoin, pour donner
ifliîë à l'huile dont -elles font fem-.
rplies.
On les.faitJîrûlerplus ou moins felon
le goût different de ceux qui s'en fervent.
Les Efpagnols, ôc à leur imitation
les François qui demeurent en Europe,
les Italiens, ôc les Peuples du
Nord le font brûler jufqu'à ce que les
amandesfoient toutes noires. Les Indiens
ôcles François qui demeurent en Amérique
le brûlent beaucoup moins. Les
premiers prétendent que la pâte en dévient
plus fine, ôc que le fuere s'y incorporeplus
facilement. Il eft vrai que
les amandes qui font rôties jufqu'à l'excès
qu'ils les rôtiffent, fe pilent plus
aifément, ôc fe paiTent plus facilement
fur la pierre: elles ne font prefque plus
alors que du charbon; mais ne voit-on
pas que leur fubftance eft alors entièrement
changée, l'huile exhalée & dif^
fipée , ôc qu'à peine elles confervent
aiîèz d'amertume pour faire connoître
ce qu'elles ont été? Quant à la couleur
noire qu'elles acquièrent, que fait cela
à la bonté du chocolat? A t-onplusde
plaifir a boire une taffed'encre, qu'une
liqueur grife ou tout au plus un peu
brune?
Les Indiens 8c les Francois de l'Amérique
font, felon moi, les plus fages:
Ils ne brûlent les amandes qu'autant
qu'il eft neceffaire pour ôter avec facilité
la pellicule qui les couvre, ôcpour
exciter dans leurs parties le mouvement
A a a z qui
w
X
tir
«•I