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1:6b N o U V^ E A t r X A V O Y A G E S : A Ü X I S L E S
I70I- Goaveun Quartier appellé le Fond dç?
Le Fmiî Negrcs,quiellunepepinieredeCacao Sç,
4es Ne. ¿'gnfans. La plupart desHabitans font
f/7/e« des Mulâtres, Se desNegres libres, qui
Crtwyjri cultivent les plus: beaux Cacoyers du
monde. J'ai dit, ce mefemble,- dansuft
autre endroit, que ces gens-là font fort
féconds. Je dois dire à prefent qu'ils ont
une facilité merveilleufe d'élever leurs
enfans. Ils leurs donnent le matin une
jatte de Chocolat avec duMahisécrafé,
& s'en rapportent à eux pour lereftede
k journée. Avec cela on ne peut voir
des enfans plus forts, Se d'une fanté plus
vigoureufe. Que l'on trouve ii l'on peut
dans le refte du monde une nourriture,,
dont on voit de iî bons eftets. Gomme
ce chemin palle au travers d'un très-bon
pais, il y a apparence qu'il fera bien-tôi;
rempli d'Habitans qui feront unNego-»
ce confiderable de Cacao, d'Indigo, de
, . R o c o u , de Tabac, de Coton, Se autres
marchandifes, leur terrain étant propre
atout.
JjrJm - Je fus me promener avec Meffieurs
i l î t Souloc Se de Paty à un Jardin,, oii
commencement d'Habitation., que le
premier faifoit faire à une petite lieue
de la Caye. C'étoit un fond fort uni:
entre deux collines , qui étoit arrofé
d'un gros ruiifeau, qui lui donnoit de
la fraîcheur, 6c le mettoit en état de
produire tout ce qu'on y auroit voulu
planter, & fur tout du Cacao. Je le dis
à M. de Bouloc, qui goûta mon avis,
Scquil'auroitfuivi, s'il eût cru dcmeu'»
rer allez long-tems dans le pofte où il
étoit, pour fe recompenfer par les fruits
dès avances qu'il auroit été obligé de
faire, pour cultiver ces arbres, jufqu'à'
ce qu'i s donnalTent du profit. Mais il
fongeoit dès ce tems-là à changer
jncnt .de l'IUe de la Grenade. -,
' Nous'dînâmes chez un Capitaine de ¿„^
Milice de ce Quartier-là nommé le Païs. ¿f'I
G'étoit un homme de vingt-huit ans, à
-très-bienfait,, qui avoit gagné du bien
•en commandant les Flibuftiers en difF&.
Tentes occafions pendant la i dernière
Guerre. U étoit marié depuis quelques
mois avec une Creolle,:, fille du iîeur
Roffignol,. Officier de S. Chriftophle,
qui après la prife de cette Iflè avoit été
envoyé à Ja Martinique par les Anglois,,
pendant qu'ils avoient tranfporte: à S^
Domingue fa femme & fes deux • filles.
C'eftainli'qu'ilsen ont ufé pour détruire
cette florilTante Colonie.. Le Sieur
Roffignol mourut au Cul-de-Sac de la.
Martinique, avant d'avoir pû faire revenir
fa famille auprès de luii Sa veuve fe.
trouvant chargée de deux filles très-beiles
à ia vérité,: mais fans bien, fe maria
avec un nommé Caftras ci-devant Habitant
de la Guadeloupe, qui s'étoitéta- C4i
bli à S. Domingue. Après dîné, nous^«
allâmes nous promener à l'Habitation de
Gaftras : Il étoit Econome de la__Compa- Jk
gnie, il avoit cinq ou fix cent écusd'appoiritemens,,
un Gheval, & deux-Nègres
entretenus , Sc bôuche en cour,,
quand ilalloit à la Caye. C'étoit lui qui.
faifoit valoir l'Habitation de la Compagnie,
qui étoit environ à une lieiie dé là.
On difoit qu'elle étoit fort belle., 6c bien :
pourvue dà Negres. On y faifoiedei'In--
digo, 6c on parloit d'y faire une grande
Manufadure de Sucre, G'étoit là aulïï;
où l'on élevoit les moutons, les volailles,
Se les autres chofesneGeiTairespour;
la table du Direétcur.
La feconde fille de là veuve du Sieur KS/i«
Roffignol étoit mariée depuis peu à un
vieux Flibuftier nommé Stive ou Eden-
M<
de domicile , comme il a fait eiFec- ne, qui paroi libit avoir beaucoup plus
tivement deux ans après, aïant été
ioixante ans y mais qui étoit encore
aommé par le Roi au Gouvernede
plus chargédc biens que d'années; Comme
F R A N C O I S E S DE V A M E R I Q J J E. . '263
inc fon Habitation étoit à côté de cellç
de Gaftras, ces Meffieurs y allèrent, Se
je les y accompagnai. Le Sieur Stive
¿'étoit pas à la maifon, fa femme qui
nous reçût, me parut fi jeune,, que j e
ne pouvois me perfuader qu'on eût; rna-.
rié un enfant de douze à treize ans aved
un vieillard, qui auroit pû être fon grand
pere. Elle l'envoya avertir. Se il vmc
auffi-tôt. Il paroilToit aiTez fimple dans
fes manières, il parloit peu. Se ornoit
chaque periode de cinq ou fix noms de
Dieu, à l'ancienne maniéré de la Flibufte.
Il fit apporter la collation : la politeiTe
n'y regnoit pasj au lieu d'elle la
richefle y éclatoit. Il avoit quantité de
bonnes vaiiTelle d'argent, qui felon toutes
les apparences ne lui avoit pas coûté
grand chofe, auffi étoit elle toute à l 'Ef'
pagnole. J'eûsbien-tôt fait connoilTance
avec lui : il étoit ami intime du Capitaine
Lambert, 8c de quelques^ autres
Flibuftiers de mes amis. Nous fîmes
une partie pour aller au Fond de l'Iile à
Vache, avec Caftras Se le Sieur le Pais.
Nous retournâmes enfuite à la Caye. Je
foûpai avec M. de Paty chez le Gouverneur,
après quoi j'allai voir M. de Bricourt,
quivouloit à toute force que M.
de Bouloc m'eût parlé de lui pendant
tout ce voïage, quoique nous ne l'euffions
pas feulement nommé. Ces foupçonsmefaifoientdela
peine, Se je fouhaitoisfort,
que nôtre Barque expédiât
promptement ce qu'elle avoit à faire
afin de continuer nôtre voïage. Mais il
falloit attendre le retour d'un Brigantin,
qui étoit allé à Cartagenc, 6c qui devoir
en rapporter de l'argent, qui étoit
ce que nous attendions.
Deux jours après, Caftras me vint
chercher dans fon canot, Se me mena
chez lui, où les deux gendres de fa femîTie
s'étoient rendus pour nôtre partiç;
Nous montâmes achevai après dîné, 6c
fûpes coucher à fept bonneslieiies delà, Î7OIchez
un de leurs amis dans le Fond de
l'Ifle à Vache.
, C'eft une très-grande plaine, dont le Defcripbord
de la mer fait une ance en maniéré ^»»j^«
de croifiànt fort ouvertcouvert par^."^^^'
r i i le à Vache, qui eft éloignée de h,yacht.
Grande Terre d'environ trois lieues.
Cette Ille me parut de cinq à fix lieiies
de longueur. Quoiqu'ellefemble couvrir,
Mnce ,fon éloignementeftcaufequ'elle
ne lui cft prefque' d'aucune utilité. La
mer brife rudement à la côtéj, Se rend
l'embarquement difficile. Se le mouilla-^
gedangereux, même pour les Barques.
Comme je n'y ay point vû de VailTeaux,
je ne puis pas dire s'ils y feroientbien ou
mal. Il y a apparence que ceux des Flibuftiers
moiiilloient auprès de I'lfle lorfgu'ils
s'alTembloienten ce Quartier-là,
pour faire leurs expeditions pu leurs
partages.
Nous fûmes le jour fuivant à cinq
lieiies plus loin, Se nous y couchâmes :
de forte que nous eûmes le tems de nous
promener pendant que Caftras faifoit fes
affaires, & celles de la Compagnie. Tout
ce païs eft très-beau, la terre y eft profonde,
graife, 8ç propre à ce qu'on voudra
lui faire porter.
Il eft certain que tout ce païs à été habité
par les Efp3gnols, Se avant eux par
les Indiens. Ceux-là l'ont quittépour aller
s'établir au Mexique, après queFer- .
nand Cortez en eût fait la conquête} Se
comme ils avoient déjà détruit tous les
jiaturels du païs, toute cette partie eft
•demeurée déferteSc ies arbres y étoient
.revenus. Il eft vrai, que la plûpart ne
•fontque des bois tendres, mais en trèsgrand
nombre, fort hauts, fort gros Sc
fort preflez, ce qyi n'eft pas une petite
preuve de la bonté de la terre.
Il y a apparence que les Habitations
•des Efpggnpls n'avoient que quatre à
J L l i cinq
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