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aSS NOUVEAUX V O Y A G E S AUX ISLES
Protefians
François
chercher mon habit noir, &de le prendre
retjox.
, 8c enfuite de me promener bien plus
long-tems qneje n'aurois fait, afin de
contenter lacuriolîté de tout le monde.
Je trouvai beaucoup de François, qui
avoient demeuré aux Mes du vent, &
dans nosParoifles de la Cabef terre, d'où
fugiez. À ils étoient fortis après la revocation de
Saint l'Edit: de Nantes. i^oiqu' i l s fuiTent aiTez
Tmxas. ^ ^ regrettoient
fort les Ifles, parce qu'ils éprouvoient
fouvent la jaloufie des Etrangers, chez
lefquels ils s'étoient retirez. La diverfité
de R e l i g i on, ne les empêcha pas de faire
paroître que leur coeur étoit toûjours
François. Ils me firent bien des offres de
fervice, & de tout ce qui étoit chez eux ,
6c même des prefens.
Maifons Les maifons du Bourg n'étoient cida
devant que de fourches en terre, cou-
Biurg. vertes de cannes ou de rofeaux, & environnées
de torchis blanchis avec de la
chaux. Les frequents incendies ont
obligé à les bâtir de briques, comme
la plûpart font aujourd'hui. Elles font
baiTesj peu ont deux étages. Elles font
très-propres, carrelées de carreaux verniiFez,
oudefayence, & blanchies à la
Hollandoife. Ils me dirent, qu'ilsn'ofoient
les faire plus hautes , à caufe du
peu de folidité du terrain, oii l'on ne
peut creufer trois pieds fans trouver l'eau
& le fable mouvant. Je leur dis, que
le même inconvenient fe trouvoit à la _
Ville du Fort Royal de la Martinique i
& que le remede écoitdene point creuf
e r , & depofer les premieres affifes fur
le fable, ou fur l'herbe, en obfervant
foigneufementde faire de bons empartemens
bien larges, & bien l iez, avec tous
les murs, tant deface que de refend, êc
que l'experience faifoit voi r , que cette
manière étoic très-bonne & très-folide.
O n fait un commerce très-confiderable
dans cette petite I f l e , & c'eit ce qui
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y a attiré les Habitans qui la peuplent. 1701,
Comme le Roi de Dannemarc ell ordinairement
neutre, fon Port cil ouvert
à toutes fortes de Nations. Il fcrt en
tems de Paix d'entrepôt pour le Commerce
que les François, Anglois, Efpagnols,
& Hollandois, n'oient faire
ouvertement dans leurs liles. Et en tems
de Guerre, il ell: le refuge des VailTeaux
Marchands pourfuivis parles Corfaires.
C'eft-là qu'ils conduifent leurs prifes,A«,
& qu'ils es vendent quand ils les font
trop bas pour les faire remonter aux Mes ¡Jj,
du vent} de forte que les Marchands de sé«
cette I île ,-profitent du malheur de ceux
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qui font pris, & partagent avec les vainqueurs
l'avantage de leurs viftoires.C'ell:
encore de ce P o r t , que partent quantité
de Barques, pour aller en traite le long
de la côte de Terre-Ferme, d'où elles
rapportent beaucoup d'argent en efpeces
ou en baçres, £c des marchandifes de
prix. Voilà ce qui rend ce petit lieu riche,
8c toûjours plein de toutes fortes
de marchandifes.
Nous allâmes voir l'après-midi le Mi - mi4\
niftre Lutherien. Il étoit habile homme,
fort honnête, & de bonnes moeurs. Le""'
MiniftreFrançois étoit mort depuis peuj
nos compatriotes en étoient affligez, Se
m'en dirent beaucoup de bien. Je leur
offris de les prêcher j mais ils me remercierent
, & me dirent que leur Reforme
ne s'accommodoit pas affez avec ma Religion,
pourécouter maPrédication.Je
ne vis point l'autre Miniftre Calvinifte,
il étoit à la campagne. Je remarquai
que ces Peuples avoient plus de refpeft
pour leurs Pafteurs, que les Anglois de
Saint Chriftophle.
L e Mercredy 20. Avril M. Vambel
me mena voir fa Sucrerie, qui étoit à
un quart de lieiie du Bourg. I y en avoit
encore quelques autres dansl'Ifle : ils ne
travaillent que le j o u r , & font par confequent
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ_UE. 289
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fequent peu de Sucre. Ce que j'en vis
étoit beau & bien grené. Je visaiTûrement
plus de la moitié de l'Ifle, je ne
croi pas qu'elle ait plus de fix à fept lieiies
de tour. Les Plantations, c'efl; ainfi
qu'ils appellent les Habitations, font petites
; mais propres & bien entretenues.
Le terrain, quoique leger, eft bon, &
produit très bien le manioc, le mil, les
patates, & toutes fortes de fruits, &
d'herbages, les Cannes y viennent trèsbien.
Ils ont peu de Boeufs & de Chevaux,
parce qu'ils manquent de terrain
pour les entretenir. Cependant ils ne
manquent pas de viande} les Efpagnols
de Port-Rie leur en fourniifent en
abondance. Ils élèvent des Cabrittes qui
font excellentes, & des volailles détouré
forte en quantité. Avec tout cela, les
vivres y font chers, ce qui vient de la
quantité des gens qui y abordent, &de
ce que l'argent y eft commun.
En retournent au Bour g , nous entrâmes
dans une maifon, oii le Miniftre
Lutherien faifoit un mariage. Il étoit
vêtu d'une grande Robe de fatin noir,
pliflée comme une Robe de Palais, les
manches étoient fort larges, 6c fermées
au poigner. Il avoit au lour du col une
très-grande, & très-hautefraife, avec
un petit chapeau de velours noir, comme
une rocque fur la tête. Après qu'il
eût reçû le confentement des Epoux,
il leur fit un affez long difcours, auquel
je n'entendois rien, parce qu'il étoit en
Flamand, ou en Allemand. Je compris
cependant par les paffages de l'Ecriture
qu'il cita en Lat in, qu'il recommandoit
à l'Epoufe l'obéïffance, & le refpeél à
fon mari; comme nous ne manquons
pas de faire, 6c comme je penfe auiîi
inutilement les uns que les autres.
• Nous apprîmes que la Barque qui nous
avoit donné chaffe à la Beate, étoit montée
par un de nos Capitaines François
appellé Daniel, qui avoit environ qua- non
tre-vingt hommes avec lui. Ilavoit enlevé
depuis trois mois une Barque, qui
appartenoit à M . Vambel , dans laquelle
il y avoit quatre de fesNegres . On avoit
écrit à M . Vambel, que Daniel avoit
donné un de fesNegres au Pere Lucien
Carme, Curé des Saintes, auprès delà
Guadeloupe. Il me pria de l'informer de
la vérité dece fai t , & me chargea d'une
Procuration,' pour reclamer ce Negre,
qui étoit d'autant plus reconnoiffable,
qu'il étoit eftampé.
Nous connoiffions tous Daniel, &
affûrement il ne nous eût fait aucun déplaifir,
ni pas un de fes gens qui étoient
de nos Flibuftiers, qui n'avoient pû fe refoudre
à fe remettre au travail, quand
le métier de la Courfe ne fut plus permis
après la Paix deRifwick, Cela eil
ordinaire dans les Mes, ou pour mieux
dire fi commun, tant chez nous que chez
les autres Nat ions, qu'il eft comme paffé
en coûtume.
Il y avoit environ deux ans, qu'un pr^;«^^
grosVaiffeau Forban, monté pardiffe- Vûrban,
rentes Nat ions , & fur tout par des An- tr'is-nglois,
s'étoit dégradé vers Saint Thomas,
ils, avoient échoué leur Bâtiment
après s'en être retirez les uns après les
autres, parce que perfonne ne les vouloit
recevoir en Corps, à caufe des confequences
qui s'en feroient fuivies. Car
ces gens avoient pillé les Vaiffeaux du
Grand Mogol , qui portoient à la Mecque
, quelques-unes de fes femmes, avec
des marchandifes, 8c des richeffes trèsgrandes;
8c comme ces Vaiffeaux avoient
été pris, fous pavillon Anglois, ce fut
auffi aux Anglois à reparer le dommage.
Or ce Vaiflèau Forban s'étoit chargé
d'une quantité incroïable d'Indiennes 8c
de Mouffelines des plus riches. Ceux qui
trafiquèrent avec eux pendant qu'ils
étoient encore dans leur Bâtiment, en
O o 3 cher-
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