'PC
446 NOUVEAUX VOY
17C3. rend une chofe croiable, il n'y a rien de
plus certain que l'origine des Macreufes,
telle que le Capitaine Thuillier me la
vouloir perfuader, & que par une fuite
ncceilaire rien n'étoit mieux fondé que
lapoiîcflîon où l'on étoit depuis tant de
iiécles d'en manger en carême.
Il y avoit encore moins de difficulté
touchant l'Agneau de Mofcovie : fuppofé
qu'il fut réellement tel qu'Olearius
l'a décrit, dont cependant je n'ai
garde de convenir, & cela pour de bonnes
raifons. Son origine étoit certaine,
on voïoit mettre fa graine en terre, on
la voïoit germer & pouiTer ce fruit extraordinaire
i mais il demeuroittoûjours
attaché à la racine qui l'avoir produit, 6c
ne s'avifoit point de faire des volages de
quatre ou cinq cens lieiies, pour s'aller
faire prendre dans des pais éloignez de
chez lui Se y exciter des querelles entre
Jes Cafuiftes & les Medecins, comme
font ces impertinens oifeaux d'3rbres,que
nous appelions Macreufes, Pilets, Bleris,
6c autres femblables auxquels nos
voifins ont donné encore d'autres noms,
chacun felon la propriété de (à langue,
l'avanture qui les a fait trouver, ou quelque
chofe de particulier qu'ils ont remarqué
en eux.
J'avoiie que l'ignorance où l'on étoit
autrefois de la génération desMacreufes,
étoit pardonnable, ôc que les fables que
tant d'Auteurs graves avoient débité fur
cefujet, rendoientexcufablesceux qui
yajoûtoient foi, fans fe donner la peine
d'approfondir comme ils auroient dû faire
cette mariere avant d'y donner une
croiancefî entiere, 8c d'en tirer une auffi
mauvaife confequence que celle qu'ils
entiroientj mais je le répété encore, ils
croient en quelque façon excufables,
puifque perfonne n'avoir encore pénétré
jufqu'aux endroits reculez & regardez
comme inacceilibles, où ces oifeaux pre-
A G E S AUX ISLES
noient naiiTance, & que refpe£tant les no-^
grandsnoms de tant d'Auteurs, qui diloient
tous la même chofe,il femble qu'il
y auroit eu quelque forte de témérité d'en
douter j mais il faut avouer qu'il nV a
1 ^ . ^ ^^ que ce n'eil
plus qu un entêtement ridicule qui leur
fait foutpu- une erreur, dont ils doivent
erre entièrement defabufez, & cela uniquement
pour pouvoir é tou^r les remords
de leur confcience quis'éleve contre
eux, 6c qui leur reproche qu'ils agifient
contre leurs propres lumières, en
loutenant que lesMacreufes font les fruits
de certains arbres, ou desinfedes nez
delà pourriture des vieux bois de navires.
Trop de gens ont vû ces oifeaux
pondre, couver leurs oeufs,6c élever leurs
petits, pour pouvoir douter de l'origine
des Macreufes i toutes les relations des
voiages duNord font pleines de cette veritej
& fi le CapitaineThuillier avoit autant
voiagé dans ces païs-là, qu'il avoit
iait Jns l'Amerique qui eft entre \&s.
deuxTropiques,je fuis certain qu'il n'auroit
pas foûtenula produftion ftbuleufe
de ces oifeaux d'arbres auffi vivement
qu'il le faifoit.
D'ailleurs il ne faut pas croire que tout
le monde ait été dans les mêmes fentimens
fur les Macreufes, & qu'avant même
les voiages des Hollandois dans le
Nord, il n'y ait pas eu des gens aflez fa»
ges pour douter de ce qu'on debitoit de
ces oifeaux. On trouve un grand nombre
d'Auteurs de toute efpece comtemporains
de ceux que je viens de rapporter
qui ont écrit tout autrement j & fi le
Capitaine Thuillier me citoit des Auteurs
graves, pour foûtenirfonopinion,
je ne manquois pas de lui en oppofer
d'autres de pareil caraftere, & de mêmes
poids que les fiens, qui avoient parlé
des Macreufes d'une maniéré bien oppofée
; parexemple, Albert le Grand Reli- .
gieux
1703.
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ_UE. 447
gleilX de mon Ordre, 6c Evêque de Ra- que infinie deces o i fepx, qui couyoient
tisbonne, après avoir rapporté dans le
z j Chapitre de fonHiftoiredesAnimaux,
ce que le vulgaire croîoit des Macreufes,
dit pofitivemcnt qu'il eft faux que
perfonne n'ait vû ces oifeaux pondre, 6c
couver leurs oeufs, puifque lui même
leurs oeufs, 6c élevoient leurs petits fur
des Rochers ÔC des Ifles defertes 6c'fteriles,
où perfonne n'avoit encore jamais
mis le pied.
Gerard deWert fameux Pilote d'Amfterdam
dit la même chofe dans fa rela- i ^ - U l J J- 1 - -
cft témoin, êc beaucoup d'autres gens tion du voiage qu^il avoit entrepris, pour
avec avec lui, que ces oifeaux pondent,
couvent leurs oeufs, 6c élèvent leurs petits
comme les autres oifeaux -, d'où il
conclut que c'eft très-mal à propos qu'on
les appel e Canards d'arbre«, ôc qu'on
trouver le chemin de la Chine par le
Nord. Il rapporte qu'ils trouvèrent une
quantité incroiable de ces oifeaux qui
couvoient leurs oeufs fur des Ifles defertes,
6c qui étoient tellement attachez à A ^ a c t p p w i u v ^ a i i a i « J V* « t fc^i WW J — — J ^ - ^
les regarde comme les fruits de certains leurs nids, qu'ils ne s'envoloient point,
arbres qui croiiTent fur les rivages Sep- 6c fecontentoient de crier lorfqu'on les
tentrionaux de l'E^ofle, ou des produ- vouloir prendre,ou leur faire abandonner
«Etions de la nourriture de quelques vieux leurs oeufs. Ces Ifles font au-delà du 80
bois} & afin qu'on ne puiffe pas dire que degré de latitude Septentrionale, 6c ne
c'eft de quelque autre efpece d'oifeau font habitées de perfonne 5 les Macreufes
que ce fçavant Evêque parle, il ne faut s'y retirent pendant que le froid y eft
que lirek defcription qu'il en tait} pour moins rigoureux,y pondent 6c y élevent,
y reconnoitre auffi-tôt les Macreufes leurs petits, 6c defcendent vers les parqu'il
y dépeint d'une maniere qui ne con- ties plus meridionales de l'Europe, lorfvient
qu'à elles feules, 6c point du tout que les neiges 6c les froids cxceffifs les
à d'autres oifeaux. empêchent de trouver leur nourriture
Charles Clufius dans le Supplement dans les pais où elles font nées,
de fes Exotiques, après avoir fait une def- J'ennuierois monLefteur fi je rapporcription
exade des Macreufes, 6c rap- tois ici les Auteurs que je citois au Capiporté
les noms difFerens que les Ecoflbis taineThuillier i en voici pourtant un que
6c les Anglois leur donnent, dit que tout j e ne puis laifier pafler : c'eft le même Vince
que le vulgaire adebité ou cru fur l'o- centdeBeauvais, qui dans la fuite de Ion
riginede ces oifeaux eft une fable toute Miroir Hiftorique , dit que s'étant trou-
7ure, inventée par ceux qui en vou- vé au quatrième Concile Général de Laoientparler
fansles connoître; qu'à la tranfouslePapeInnocenttroifiéme,l'uverité
on a été très-long-tems fans en rien fage desMacreufes en carême y fut défenr
:.. J r.^'C loo r^Arpc riii . niininii'on n fçavoir de pofitif, parce 'piit nas encore Une
Septentrionales de l'Ecoife , les Ifles
Orcades, 6c autres lieux plus voifinsdu
Pole n'étoient frequentez de perfonne,
mais qu'on devoir être defabufé de ces
vieilles erreurs depuis l'année ifiSp. que
1703.
ue les Côtes du j 6ç quoiqu'on n'eut pas encore une
connoiflance bien claire, Scbien certaius'voifinsdu
ne de leur origine, on trouva qu'elles
avoient trop de rapport avec les oifeaux
à peu près de leur efpece qu'on ne peut
3as manger en carême , comme font
les Hollandois aiant fait plufieurs voia- es Oyes, les Canards, les Becafles, les
ges dans ces Ifles peu connues, a la nou- Sercelles, 6c autres femblables oifeaux
velle Zemble, 6c au-delà du détroit de aquatiques, pourquel'ufageenfutper-
Naiîau, ont trouvé une multitude pref- mis.
LU i De
m
'iilii
• ;":iiM1
• i 1
1J
ii-t