Colibris
privez
leur
nourriture.
i l :
6 NOUVEAUX \rOY
contrainte ils venoient manger Scdormir
„ avec leurs petits. Je les ai vûs fouvent
tous quatre fur le doigt du Pere, qui
chantoient comme s'ils euflent été fur une
branche d'arbre.Il les nouriiToit avec une
patctrés-fine, &prefque claire comme
de la bouillie, qu'il faifoit avec du bifcu^,
du vm d'Efpagne &: du Sucre. Ils
paiToient leur langue fur cette pâte, &
quand ils étoient raiTafieZjils voltigeoient
& chantoient. Leur chant eft une efpece
de petit bourdonnement fort agreable;
il eft clair & foible, étant proportion'
ne al organe qui le produit. Je n'ai rien
vu déplus aimable que ces quatre petits
animaux qui voltigeoient de tous cotez
dedans & dehors lamaifon, & quire venoient
dès qu'ils entendoient la voix de
leur pere nourricier. Il les conferva de
cettemaniere pendant cinq ou fix mois,
iScnousefpenons de voir bien-tôt de leur
race, quand le Pereaïant oublié unfoir
4 attacher la cage où ils fe retiroient, à
unecordeqm pendoit du plancher pour
les garantir des rats, il eût le chagrin de
ne les plus trouver k lendemain matin,
ils avoient été devorez.
On pretend qu'il yen a de cinq ou fix
efpeces qui ne different entre-elles que
parlagrofleur, & le coloris de leurs
plumes. A l'égard de la groiTeur, il ma
paru que cette difference étoit alTez diiHcile
a remarquer, & pour le coloris, je ne
vois pas quecela doive faire une efpece
particulière, veu le peu de différence
qu'il y a entr'cux.
_ J'eus dans la fin du mois de Juillet deux
Hot«s qui m'auroient fait plus de plaifir
s ils etoienc venus m f , _ 'aider quand Jj 'étois
leul. Le.premier étoit un Relieieux
u Pere Carme de la Guadeloupe nommé ePec
t : : ! «'«oit mis entêted'étabhr
lesReligieux de fonOrdre à laMartinique,
en leur procurant les ParoiiTes
des Culs-de-Sacs Robert & François, ou
nous n'avions pas de Religieux, parce
AGES AUX ISOLES
que la maladie de Siam, nous en avoit iCxjj,
enleve un grand nombre. Après qu'il eût
demeuré quelques jours dans nôtre Convent
du Moiiillage, il prit pretexte de
vouloir voir laCabefterre,afin de pouvoir
négocier plus aifément avec les Habitans
de ces deux quartiers dont quelques-uns
le connpiiToient, parce qu'il avoit été
leur Curé à Marie galante avant qu'ils en
fuirentchaiTez par les Anglois. Le Supérieur
de nôtre Miffion me manda de l'obftrverdeprês,
& de ne rien oublier pour
faire échoiier fon delTein, mais d'une maniere
qui ne lui donnât aucun foupçon
que nous l'euifions découvert. Il vint
chez nousau Fonds S. Jacques oii je le
retins prèsd'unmois, remettant tous les
jours fous differens prétextes le voyage
qu'il vouloit faire en ces quartiers-là ,
Jour voir fes anciens amis, où jelevouois
accompagner i & afin qu'il ne s'ennuyât
pas, je fis en forte que nos Curez
duMacouba, de la Bafle-pointe, &dc
la Grande ance l'inviterent chez eux à
quelques Fêtes, où ils le retinrent le plus
long-tems qu'il fut poiTible. A la fin j'eus
nouvelle qu'il nous étoit arrivé trois Religieux
de France. Je n'eus garde de le
dire à mon H ô t e , mais feignant que rien
ne me retenoit plus, & que j'étois en état
de l'accompagner aux Culs-de-Sac-Robert
& François, nous partîmes enfemble.
J'eus le plaifir de voir tous les mouvemens
qu'il fe donna pour engager les
Habitans de ces quartiers à demander des
Religieux de fon Ordre,pour fervir leurs
ParoiiTes, attendu l'impoiTibilitéoù nous
étions de leur donner des Curez. J'affectai
de lui donner toute la commidité qu'il
pouvoitfouhaiter pour faire fes brigues j
mais quand je vis qu'il s'étoit aflez fatigué,
& que les Habitans commençoient
à goûter fes raifons, & les promeffes
qu'il leur faifoit dont j'étois bien informé,
malgré toutes les précautions qu'il
•prenoit pour m'en ôter la connoiffance,
après
FRANCOISES D
iôpy: après dis-je, qu'il eût mis fon affaire en
bon train au Cul-de-Sac-Robert, il voulut
pouffer jufqu'au Cul-de-Sac-Frauçois,
oil il efperoit réiiffir encore plus facilement.
Lorfque nous étions fur le
point de nous embarquer pour y aller, je
demandai au Marguillier qui avoit la clef
du Presbitere,s'il croyoit qu'il fût en état
de loger le Religieux qui y viendroit dans
deuxoutroisjours. Cette demande furprit
toute la compagnie qui ne s'y attendoit
point du tout, 6c mon Carme plus
que tous les autres.(^oiqu'il fût homme
d'efprit, il ne put cacher le défordre où
cette nouvelle le mit , il me demanda qui
étoit ce Religieux, je lui répondis que je
ne le connoiflbis point, parce qu'il ne faifoit
;qu'arriver, & que le Supérieur me
marquoit feulement de voir fi les maifons
curiales étoient en état, parce que fur ce
que je lui manderois, il envoyeroit deux
Religieux pour defervir les Paroifîes,
ou les employeroit en d'autres endroits.
Les Habitans témoignèrent bien de la
joyed'être furie point d'avoir un Curé
refident. Le Marguillier me dit que l'Eglife
& le Presbitere étoient en état,ôc
queleReligieuxferoit content d'eux.
Je partis feul pour le Cul - de - Sac-
François : car mon Compagnon voyant
qu'il n'y avoit plus rien àfaire pourfon
deffeinjfeignit d'être incommodé, & demeura
au Cul- de-Sac-Robert où il m'attendit.
Les Habitans du Cul-de-Sac-
Françoisparurent fort contens quand ils
fçûrent que nous étions en état de leur
donner un Curé refident dès qu'ils feroient
eux-mêmes enitat de le recevoir,
2c me promirent que ceferoitdans trèspeu
de tems.Ce n'étoit pourtant pas l'intention
de nôtre Supérieur. Nous avions
unbefoinpluspreffiint de Religieux à la
Guadeloupe & à S. Domingue, où la
maladie avoit emporté preique tous les
Curez. Je fis naître exprès un incident
fur lequel il falloit avoir la décifion de
m
E L'AMERIQ^UE. y
Mr. l'Intendant,qui ne pouvoit manquer ¡r,^-;:
de produire une difcufîion aiTez longue
pour nous donner le tems de recevoir
d'autresReligieux de France.Cela arriva
en effet comme nous l'avionspenfé, &
nous fûmes maîtres de faire défervir les
deuxParoiffes par leReligieux qu'on mit
au Cul-de-Sac-Robert, fans que les autrescufl'ent
lieu de fe plaindre, & par ce
moyen d'envoyer un Religieux à la Gua^
deloupe, ôc un à S. Donjingue. Je retournai
au Cul-de-Sac-Robert, où je trouvai
mon Carme chezlefieurGagneron, 6c
je le ramenai au Fonds S.Jacques. Il n'y
demeura pas long-tems, |il s'en retourna
au Mouillage, 6cde-là à la Guadeloupe
aufïï content des civilités que nous lui
avions faites, qu'ill'étoit peudufuccès
de fon voyage.
L'autre Religieux étoit un Minime te Pere
Provençal, appelle lePerePlumier. H
avoit entr'autres talens un génie mer veilleux
poul la Botanique, 6c une main admirable
pour defigner les plantes. Il avoit
étéenvoyé auxlfles quelques années auparavant
avec un autre Provençal Medecin
de Profeffion 8c Chimiae. La Cour
qui lesentretenoit, avoit deftiné le Minime
pour faire les figures des plantes
entières 6c diflequéesj&: leMedecinChimifle,
pouren tirer les huiles, les fels,
les eaux, 6c autres minuties dont on fe
iert aujourd'hui pour abreger la vie des
hommes, fous prétexte deleurconferver
la fanté.
Le Medecin appellé Surian étoit la
copie la plus parfaite de l'avarice qui ait ""^hijamais
été tiré d'après nature, ou pour
parler plus juftc, c'étoit l'avarice même. Suriav.
Il me fuiHra de dire, pour en donner une
legere idée, qu'il ne vivoit que de farine,
de manioc 6c d'anolis. Quand -il partoit
le matin pour aller herborifer, il portoit
avec lui une caffetiere monacale, c'eft-àdire,
une de ces caffetieres qu'onfait chaufer
avec del'efpritde vin. Mais comme
cette