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Í48 NOUVEAUX VOY AGE S AUX IS L E S
1701. pour eux. A l'égard des remedes, on
les paye à part, 8c très-cherement. Une
potion Cordiale vaut cinq écus, une Medesre
decinetrois, un lavement unécu, &Ie
wíí/«. relie à proportion. D'où l'on peut juger
ce qu'il en coûte, quand il faut faire
traiter un Negr e qui a l 'Epian, ou quelque
membre rompu, ou coupé. Des gens
un peu ménagers aiment mieux mourir
fubi tement, que de s'expofer aux dépenfes
d'une maladie un peu longue. C'eil
un vrai bonheur, qu'ail ne fe foit point
encore établi deMedecin dans ce païs-là.
L e Roi- enentretient un à la Martinique
pour l'état Major & Tes Troupes > je ne
îçai pas s'il y en a à prefem à ¿, Domingiie;
& c'eft encore un autre bonheur,
que le mal de Siam , & les autres maladies
n'ayent pas eu plus de refpeét pour
eux que pour les autres : car iî cette efpece
d'hommes vivoit un peu davantag
e , elle dépeupleroit le païf, & profiteroit
des dépoiiilles de tous les- Habilans.
v^ilUtê On a établi les Rel igieux de la Cha'-
Ti'iihlâ "'^éàLeogane auffi-bien qu'au C a p , &C
*cHrité. J^® fervices importans qu'ils rendent au
public, obligeront encore deles établir
jien-tôt au Por t -Pa ix, au petit Goave,
à rifle à V a c h e , & autres endroits les
plus peuplez. Ils ont fort diminué la
pratique des Chirurgiens, qui n'ont plus
pour ainfi dire, que les Negres , Scies
Habitans qui font trop éloignez de ces
bons Religieux,, pour pouvoir en être
fecourus.
Il me femble que les Habitans féroierît
bien de fonde r u n Hôpital pour les Negres
dans les Qiiartiers oii les Religieux
de la Charité font établis. Ils font aflez
riches pour faire cette dépenfe. Ils fe
foûlagcroient par cemoyen de l'embarras
,jSc des d'cpenfes exeeflives qu'ils font
obligez de faire, pour les faire traiter
chez eux, Se feroienc ailurez qu'ib fcroient
infiniment mieux. rjoi;
Il ne faut pas oublier une chofe, qui'
arriva dans le tems que j'étois à Leogane.
Elle marque trop l'habileté des Chi -
rurgiens dupais, pour n'avoir pas ici fa
place. Un de ces Efculapes fauvages, qui
demeuroir chez le Sieur le Maire Doyen
du Confeil, s'avifa de purger par pré- d'un '
caution la ftmme de fon maître, & le
fit avec tant de fuccès, qu'en moins d-e^""'
quatre heures, il la guérit de tous maux.
Un accident fi funelle troubla toute k
famille, on ne douta point qu'il ne l'eût
empoifonnée, on l'arrêta auifi-tôt, 8c
il auroit mal paiTé fon tems, s'il n'eût
demandé à fejuftifier, & à prouver fon
innocence en prenant le même remede,
dont la moitié étoit encore dans une
boëte fur la table (car il prétendait en
donner encore une dofeàfa malade deux
heures aptes la premiere. On le lui permit,
il la prit, & douze heures après il
alla tenir compagnie à fa malade. Heureux
d'avoir échapé par ce moyen la peine
qu'il meriroit -, & plus heureux encore
ceux qui l'auroient employé, aufquels
il n'auroit pas manqué de donner
de femblables cordiaux, tant que ce qui
étoitdans ià boè'te auroit duré. Quoiqu'il
en foit,, fa derniere aftion a peutêtre
été la meilleure de fa vie.
L e mal deSiam a fait de grands ravages
dans lepáis, & quand ilfe repofe, il
eft rare que la mort demeure oifive. Les
Habitans anciens & nouveaux font trèsfouvent
attaquez de fièvres continues ÔC
violentes, qui deviennent à la fin putrides}
£c quand on aie bonheur d'en écha-
)er, elles degenerent ordinairement en
lydropifies, ou diflenteries très-difficiles
à guérir.
Il n'y a que les Chafleurs qui vivent
dans les bois, quifoient exempts de maladies.
L'exercice qu'ils font, lebonair
qu'ils refpirent, conferyc leur embonpoins
1701.
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F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE. Z49
«oint Scieur fanté} mais ils doivent bien rompu par la corruption de la terre 6c ^T^rl
garde à eux quand ils viennent del'eau, & parce qu'il n'a pomt le mou-
C lis Bourgs, 8cn'y pasfaireun long vement neceflaire pour fe purger enfc
S u r car ilf font plÎs fufceptibles des débaraifant des exhalaifons groflieres 8c
m a l a d i e s que les autres, & nos Chirur- putrides qm s'y infmuent. _
eiensontfoindelesexpedier en pofte en J'aiparleci-devant de la facilite qu il
'autre monde. yavoi tderendre lepaisplusfamjCncou-
T'ai fouvent entendu raifonncr fur les pant les paletuviers, & en deflechant les
caufes de tant de maladiesqui emportent marécagesoù feperdentles petitesnvieune
infinité de monde, fans avoir rien res Scies ruifleaux. On pourrait prendre
• - • •• encore une précaution q oiii qui m'ait contenté. Cependant ni les ui feroitd em^
raifonnemens qu'oiï fait dans le pars, ni
les confultations qu'on a faites en Frann'apportent
aucun remede àlamor-
' ^„^r^Ace
pêcher que es eaux des Indigoteries ne
s'écouiafleni dans les rivieres.
Mais les maladies ont encore ûrîeau- seconditalité
qui y regne, qui e f t t e l l e , quenô- n e caufe à laquel-l e- il n'eft ,p as fi facile caufe.
treMiffionqui n'étoit compoféetoutau d apporter du remede. C elt; intempeplus
que de cinq Religieux jufqu'en rence de bouche, Se les débauches qui
1702. en a perdu vingt-iix en dix ans, fe font dans le pais. Tout le monde veut
fans compter ceux qui ont été obligez mangcrbeaucoup,8c boire encore mieux
de repafltr en France, dont je ne fçai Ceux qui font riches, fe piquent d'avoir
pas le fort, de groiFes tables. Ils boivent 8c mangent
Voici mes conjetures fur les caufes avec excès, pour faire boire & manger
de ces maladies. Il eft certain que la cha- ceux qu'ils ont conviez, fans fe fouvemr
leur excelTive qu'on fent dans le païs, que dans íes païs chauds Ôc humides, ou
jointe au peu de mouvement que le vent l'air cft épais Sc groffier, comme eft cedonne
à l'air, fe font aiféróent corrom- lui-là, on ne peut-être t rop fur fes garpre
dans ces plaines, où il eft .comme desducôtédel'intemperence.Laraifon
renfermé d'un côté par les montagnes en eft évidente. L'air épais 8c groflîer,
dont elles font environnées, 8c de l'au- ne contribue en aucune façon à la ditre
par les arbres dont ks bords de la geftion des alimens^iHemble au contraimer
font couverts j en fécond lieu, les re qu'il nourrifle, & qu'il engraiiTe :
marécages des bords de la mer font en- quand donc un corps fe trouve furcharcore
des fom-ces fécondés de fa;corrup- gé d'alimens, pleins d'excellens fucs &
tion}; Se entroifiéme lieu, les eaux des très-nourriiTansjaccompagnezdevinsde
petites rivieres, ravines 8c fources, qui toutes les façons , Sc de toutes fortes de
coulent dans ces plaines font gâtées Se liqueurs ,.fans être aidé d'aucun exercite,-.
corrompues par la décharge des eaux qui quede celui du j eu, qui ne fait qu'échaufont
fervi aux Indigoterifcs}.: 8c comme ferlefang., Sc mettre k bile, 8c les auleur
cours eft très-lent, fur tout dans la tres humeurs dans un mouvement viofaifon
lèche, ou elles font très-baires,el- lent Se déréglé, que peut-on efperer
les ne peuvent manquer de corrompre qu'une corruption de toute la mafle du;
Prmiere^'^^^- ^^^ trouve cor- fang? Une coagulation , des obftructiHft'de'
rompue, parce qu'elle eft infeâêe par tions Se des indigeftions fi puiflantes,que;
»idKdks celledes Indigoteries. La terre eft gâtée toute laMedecine n'y peut apporter au»
• ' " "- " eftcor- cun remede.
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j a r l a chaleur ejiceffive, & l'air ei