îd ..¡í!
•sé«'
n
ili:
j-io NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
I70Î- phin dans la Mediterannée, ouqucs'il
soiif- y a quelque difference, elle eft fortpefleurs
Dauphins,
OH tite. Ces animaux vont toûjours en troupes,
Leur
defcriptío
».
fautant les uns après les autres, 8c
toujours le nez auvent, ou quandilfait
calme du côté que le vent doit venir.
Ils ont la têtegroi le, legroiiinunpeu
allongé, la gueule large j leur corps eft
long & rond, gros auprès du col , Sc diminuant
beaucoup vers laqueuë, qu'ils
replient fous le ventre quand ils veulent
s'élancer; ils femblent dans ce mouvement
qu'ils ont le dos arcqué. lis font
extrêmement gras & remp is d'huile. Il
faut être dans la neceffité pour manger
de la chair de ceux qui font vieux. Outre
qu'elle eit huileufe, elle eft dure Sc
coriace ; on dit pourtant que celle des
jeunes eft pa{rable,qu'oncn peut manger,
jen'en ai point fait l'experience. On ne
fe fert de ces poifîbns que pour faire de
l'huile. O n coupe la chair par morceaux,
C H A P I T
ficon la fait boiiillir pour en recueillir 170?^
l'huile q uin'eft bonne qu'à brûler.
Il en échoiia une fois un très-grand
nombre dans l'ance de nôtre habitation
du fond Saint Jacques. Tous nos voifins
vinrent en deligence prendre leur
parc de ces poiffons, & les emporterenE
chez eux avant que les Fermiers du Domaine
du Roy en fuifent avertis, parce
qu'ils n'auroient pas manque de s'en
emparer} car aux liles commeen France,
ces fortent d'oifeaux ont les griffes
auiïï aiguës, & les ferres auffi bonnes
qu'en aucun lieu du monde.
On employa toute la chair de ces animaux
à faire de l'huile à brûler > fur
quoi on obferva que les chaudieres à
fucre dont on s'étoit fervi pour cela,
avoient duré bien d'avantage quelles
n'aroient dû faire, 8c quelagraiiTe qui
les avoit pénétré, avoit rendu le métal
plus doux & plus liant.
R E XVIII.
Mort du Siew Lambert, Capitaine de FUuJliers. L'auteur fe prepare ¿
pajfer en France pour tes affaires de fa Mtffion.
'Aprisen arrivante la Gua- en mer î mais ik bravoure ne lui permetdeloupelamort
de moninti- toit pas de demeureriiiutileàfapatrie,
me ami le fîeur Julien Lam- lorfqu'il croyoit lui pouvoir rendre ferbert,
undespluebravesScdes vice. Iléquipaunebarquedefixcanons,
plus heureux CapitaineCor- & de 80. hommes d'équipage, aveclafaire
quel'Amérique ait eu depuis long- quelle il fit pendant près de deux ans
tems. Quoiqu'il eut perdu un bras dans beaucoup de prifcs & de defcentes fur
l'afEnredcSaintChriftophcjiln'avoitpas les côtes des Ifles Angloifes, d'oi^iilenlaifTé
de fe trouver l'année fuivante à la leva des efclaves en quantité, &fit un
défenfedelaGLiadeloupCj&des'yidiftin- butin confiderable. Ayant enfin trouvé
guer par plufieursbelles aélions. Je les le dernier jour dejanvier de cette année
ai paiTé fous filence, parce que fa va- un Corfaire Anglois plus fort que lui en
leur étoit affcz connue, & qu'iln'avoit hommes, & en canons, ill'attaqua avec
pasbefoindufecours demaplume, pour tant devigueur, qu'après un combat de
iUrt être eftimé generalement de tout Îe mon- prés de quatre heures l'Anglois alloit fc
áuCapi- jg j[ jy au-delà de ce qu'il rendre , & avoitdéja amené fon pavillui
en falloir pour vivre à fon aife, & Ion loriqu'un des ennemis fe trouvant
tC-T f" amis lui confeilloient de ne plus aller encore en main un piilolet chargé, le
tira,
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE.
Î70J. tira, Scdonnajuftedanslatêtedu Capi- & que cette piquûren'auroit pas eu une
taine Lambert, qui mourut quelques fifuneftefuite, fi on l'avoitdilatée} mais
momens après. Ce coup fatal étonna il fe contenta felon la methode de ces
fon équipage, ScTAnglois qui s'apper- ignorans fraters d'y mettre un emplâtre
çut du defordre qui étoit parmi eux, dediapalmequifécha&reiTerralaplaïe,
hifla de nouveau fon pavillon & s'écha- & y fit venir la gangrene, êccet autre
p a j & le corps de mon ami ayant été ap- accident. Je l'aimois tendrement à caufe
porté à la Martinique fut enterré dans de fes^bonnes qualités. Il eft vrai qu'il
nôtre EgHfe du Moiiillageletroiiîéme étoit fier & glorieux autant qu'un Nejour
de Fevrier. Samortfut pleuréede gre lepeutêtre, Scc'eft beaucoup dire,
toute la colonie qui l'cftimoit 8c qui mais auffi c'étoit fon unique défaut, qui
l'aimoitj 8c les Anglois même qu'il avoic tout défaut qu'il eft, empêche fouvent de
pris le regreterent infiniment, 8c lui
rendirent cettejuftice, qu'ils n'avoient
Jamais connu un plus brave» plus généreux,
8c plus honnête homme que lui.
L a mort du jeune Negre qui meferv
o i t , fuivit celle du Capitaine Lambert,
iln'étoit âgé que de fcize ans 8c demi, 8c le peu de Rel igieux que nous avions,
8c à cet âge i_l avoit plus d'efprit, d'or- nous avoient obligez de nous refoudre à
dre, de fidélité Sede bonne volonté qu'on députer quelqu'un d'entre nousenEurope
pour tâcher de trouver quelque
remede à tous ces maux. Leforttomba
fur moi. Malgré toute ma réfiftanceje
fus choifi pour cet emploi. L e Supérieur
General m'établit par une patente fon
Commiffaire par toute laFrance, 8cla
Miiïïon me donna procuration trèsample
pardevant Notaires pour m'aun'en
auroit pu defirer dans une perfonne
beaucoup plus âgée. Quoiqu'il fut
chargé de tout le détail de la maifon, 8c
qu'il eut l'infpeétion fur tous les autres
domeftiques, il menageoit tellement fon
tems 8c fes occupations, qu'ilfembloit
qu'il n'eut rien à faire. Il avoit une prefcnce
d'efprit merveilleufe, 8c une exactitude
furprenante.il mourut le 1 ^.Juil- thoriferdanslesaffairesdontj'étoischarlet
avec desfentimens très-Chrétiens, 8c gé. On me donna une lettre de change
que je pourrois appeller héroïques dans
un enfant, confolant ceux qu'il voyoit
affligez de fa mort, Se leur promettant
de fe fouvenir d 'eux, fi Dieu lui faifoit
mifericorde. Il fe confeffa deux fois en
24. heures que dura fa maladie, 8creçut
deux mille francs, Sc mes amis me
firent encoredes prefens, tant en argenc
qu'en fucre, chocolat, confiwres, 8c
autres denrées du cru du païs, afin que
jepuffe faire des prefens en France. On
fit auffi charger dans le vaifeau où je
les Sacremens avec une très-grande devois pafTerde très-bonnes provifions}
pieté. Son mal étoit un Tétanos ou ra- 8c après que j'eus fait mes adieux à qu'elcourcifTement
de nerfs qui lui avoit été ques amis qui étoient du fecret de ce
caufé par une piqj.iûre au talon trois voyage: car je fus obligé de le tenir fede
jours auparavant. Quoique ces fortes de
piquûres foient pour l'ordinaire mortel
es, jecroi que l'ignorance du Chirurgien
qui le panfa, contribua à fa mort,
cret, de peur que nos ennemis n'y miffent
quelque obftacle, je partis de nôtre
Couvent du Moûillage le Samedi 8.
Aouft à trois heures du matin dans un
T t t z canoe
I70J.
tomber dans d'autres. J'avois deiTein de
lui faire voir l 'Europe, 8c de l'y mener
avec moi ; car la fituation des affaires de
nos îMifïïons, les atteintes continuelles
que l'ondonnoit à nos privileges , les
injufticescriantes que l'on nous faifoit,
I t ^