y '.ij
i ;
450 NOUVEAUX VOY
1703. jufqu'au foir dans les Retranchemens
du bord de la Mer, & revint avec fa
Troupe chargez des armes qu'ils avoienc
ôté à ceux qu'ils avoienc défaits.
Après que j'eus vû entrer le Général
Anglois dans nôtre Fort, je voulus
prendre congé du Gouverneur, pour
nljer merepoferàlaCabefterrei il m'arrêta
, en me difant, que je lui avois promis
de ne le point quitter, que nous
aurions peut-être plus de bonheur dans
la fuite, & qu'il falloir que la fin couronnât
l'oeuvre. Quoiquejcnefuflepas
content de la foiblciTe qu'il avoir fait
paroître,en donnant trop facilement dans
k s idées de M. de Cabaret , je lui promis
de demeurer. Se de fervir à l'ordinaire.
Nous nous retirâmes d'abord dans un
Retranchement qui etoit à la téte de la
Savanne de Milet, à huit cens pas ou
environ du bord de la mer. M. Augcr
me dit qu'il ne croioit parque le Lieutenant
Général abandonnât ce pofte qui
ctoit avantageux, & aifé à défendre.
Je le fçavois bien > mais comme nos parapets
étoient aiTcz minces, je lui dis
qu'il falloir les épaifïïr, & travailler à
faire des Gabions, pour élever une Batterie,
afin de baiaïer l'autre côté de la Ri -
vière, & le dedans du Fort que l'on
voioit de revers. Les Anglois s'en étant
apperçus, firent un grand feudemoufqueterie
fur nous, & nous fur eux,
avec cet avantage que nous étions déjà
à couvert} nous Icurtuâmes du monde.
& nous en perdîmes auffi de nôtre côté,
Nous eûmes trois hommes tuez , Se
huit blelTez. Malgré cela nôtre ouvrage
s'avençok à v û ë d 'oei l , j'avois déjapofé
fix Gabions, & nôtreépaulementavoit
fix pjeds de hauteur, de auroit envji
^^onné tout le côté de cette Savannefui
autre le bord de la Rivière des Gallions, &
feloii les apparences, il auroit étéache-
^^ P^^ntiant la nuit,, tant nos gens travailloient
avec ardeur, lorfijue leLku--
On
ahau-
¿onnt
tnciri
A G E S AUX ISLES
tenant Général envoia dire au Gouver: „e^
neur qu iî ne jugeoit pas à propos de ^
conferver ce polie, & qu'i falloir fe
retirer plus loin. Ce nouvel ordre penfa
defefperer M Augerj il avoir «chc
Ion chagrm dans les occafions précedentes,
il n'en fur pas le maître dans
celle-ci. Les Officiers de milice entrèrent
vivement dans fes fentimens, &
j e VIS le moment qu'il y alloit arriver
quelque chofede fâcheux, lorfqu'aprés
s'être retiré à l'écart, & s'être promW
tout ftul pendant quelque tems, il dit
aux Officiers qu'il falloir obéïr, mais
qu il ne repondoit plus de rien, & que
ies ennemis étoient maîtres de l'Ille
s'ils fe fçavoienr fervir de l'avantage
qu on leur fournillbit} il fie cciTer le
mvail de la batterie, de l'épaulement»
& des baraques que nos gens commençoient
a faire dans cette Savanne i il
me pria d'aller faire ceiTer le travail
que l'on avoir commencé à fix cens pas-
5lus haut, auprès de la fucrerie des R e -
parce que le Lieutenant
General ne voulant pas conferver
le pofte de Milet, il n'y avoir pas^
d apparence qu'il voulut garder ce dernier.
Il eft cependant très-vrai que cesdeux
poftes retranchez comme ils l'al-
Joient etre, pouvoient reparer la pertcdu
Forti il n'y avoir au premier qu'un
Front de 1/0. pas à défendre, qui n'étoie
acce/rjle que par un chemin de charette
, aiTez étroit, & au fécond où le terrain
s'elargiiToit davantage, environ troiV
cens pas. La Riviere des Gallions, &
la Riviere Sence, dont les bords font
extrêmement élevez & efcarpez ^ les.
deftndoienr a droit & à gauche ,,& noui
cuflions ete dans ces deux poftes comme
dans deux Fortereifes prefque naturelles,
ou il ne paroiiToit pas poffible que les
Ajiglois euflènt envie de nous inquiéter.
Ce qu'il y eut de furprenant fut qu'en
abandonnant ces poftes, on mit le feu
dans
F R A N C O I S E S D
I7C3- dans tous les bàtimensdes Religieux de
la Charité, & delaDamoifelleCherot,
comme s'ils euflcnr dû caufer la perte
de l'Ifle, après qu'on avoir laifle aux
ennemis quatre ou cinq Cens maifons
toutes entières dans les Bour g s , & Habitations
qu'on avoir abandonné.Le fieur
de Bois-fermé Gouverneur de Marieumai
galante, qai croit venu avec le Lieutc-
^ Z i i Général, fe fignala dans cetteex-
UcL- Pedition, il portoir le feu partout, &
ridfmt faifoir autant de rivage avec la feule
muso' mainqu'ilavoir, que s'il en avoir eu une
^Kiiit. douzaine. On ne vit jamais un figrand
acharnement, & une précipitation fi déraifonnable
-, peu s'en fal ut que je ne
tuile brûlé, étant endormi fur une planche
dans le galetas de cette maifon. Le
feu ne féconda que trop vivement la mau-
Vaife manoeuvre des braves qui accompagnoienr
cet Officier, Tous les bâti mens,
fans rien excepter, furent réduits en
cendre, & avec eux tous les remedes,
& les uftencilles de l 'Hôpi tal , toutes les
menues armes qu'on avoir fauvé du Fort,
slufieurs paniers remplis de Grenades,
)eaucoup de poudre, deplomb,demcches,
& autres munitions de guerre,
une quantité trcs-confiderable de farine,
& de viande falée, avec une infinité de
marchandifes qu'on y avoir fauvé, comme
dans des lieux de feureté qui ne dévoient
êtrejamais abandonnez ; du moins
on auroit dû les tranfporter au réduit
fans fe prefler, & on les y auroit trouv
é dans l'extrême befoin que l'on en
eut dans la fuite; puifque les ennemis
avoient fi peu d'envie de s'approcher
de nous, qu'ils ne vinrent en cet endroit
là que quatre jours après que
nous l'eûmes abandonné.
Nous nous trouvâmes donc le Dimanche
I f . Avril au bord des bois qui
couvrent le réduit; on plaça les quatre
Compagnies de la Marine au centre du
E L'AMERIQ^UE. 45 t
grandiront, qu'il fallut occuper, pour x^oyi
couvrir le réduit, êc le paiîage de Madame
au haut delaRivieredesGallions.
On voit par cette difpofition que les
Troupes de la Marine ne fongeoient itou-aelguéres
à difputer le pas, ôc le poUc i^'it"-
d'honneur à nos milices. X.eurs Officiers
étoient de braves gens; mais les Soldats pesfra^^
étoient mal intentionnez, ôc ne cher-fo'M
choient qu'à deferter; d'ailleurs le pofte
de la droite étoit très-dangereux par fa
fituation, parce que les Anglois y pouvoient
venir de plain pied, fans qu'on
pût êtrefecourudes autres quartiers qui
en étoient feparez par des ravi nages
niarécagaux. Ces Troupes de la Marine
avoient à leur droite, Sc à leur gauche
une Compagnie de Milice; ôc pour les
alTurer d'avantage, 8c empêcher leur defertion,
on les avoir encore couvertes
d'un pofte avancé, compofé de deux
Compagnies deFlibuftiers, & d'une de
milice de la Martinique, commandées
par les fieurs du B u e , Lambert & QueGtel,
qui s'étoientpoftezdans la maifon.
Moulin & Sucrerie du fieur Favre. A
la droite de la Compagnie de Milice,
qui couvroit les Troupes de la Marine,
il y avoir cinq Compagnies des Milices
de la Guadeloupe, & deux de la Grande-
T e r r e , dont le pofte s'étendoit jufqu'à
la Riviere des Gallions ; le refte des
Troupes de milice occupa tout legrand
efpace qui étoit depuis la gauche des
Troupes de la Marinejufqu'aux Marécages
de Jean Smith, & du grand chemin
du réduit. Ce pofte fut appellé le
Camp de la Martinique: celui <3e la
droite fur nommé le Camp des Gallions,
celui du fieur du Bue le pofte avancé,
& celui où étoient les Troupes de la
Marine le Camp des Lunettes, à caufe
quenôtreLieutenantGenéral paiToit une
partie du jour fur une hauteur qui en
faifoir partie à contempler la rade, les
l i ^ i vaifi
y,