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1700.
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Ï36 NOUVEAUX VOY
qu'il y a nombre de petits Habitans, qui
ne tont d'autre Négoce que celui du fumier.
Ils font ramafler par leurs Efclaves
des pailles , de mauvaifesherbes, de
g r o y m o n , & autres ordures, & les mettent
poùrir dans des trous faits exprès
avec les immondices des parcs de leurs
cochons, de leurs bêtes à cornes & de
leurs chevaux, & vendent très-bien cette
marchandife.
Sucre de Le Sucre qu'on fait à la Barbade eft
la Bar- fort beau. Ils pourroient le terrer comme
nousfaifons chez nous, & réiiffiroient
très-bien , cependant ils ne le font point
ou du moins très-rarement, il faut qu'ils
ayent des raifons, ou des défenfes qui
les en empêchent. Ils ne mettent pas d'abord
leurs Sucres bruts ou Mofcouades
en Barrique comme on fait aux Ifles
Françoifes, iJs les mettent dans des formes
de bois ou de terre, & lorfqu'il eil
bien purgé, ils coupent les deux bouts
de pain, c'eft-à-dire, la pointe qui eft
toujours lamoins purgée, la plus noire,
& l a plus remplie de Sirop, & le gros
bout oii eft la fontaine graiTe, & repaiTent
ces deux morceaux dans leurs
chaudieres, & pour le corps de la forme
ou du pain, ils le font fecher au foleil
avant de le piler pour en remplir les Caiffes
& les Barriques oii ils le mettent. Ces
préparations rendent leurSucre brut fort
aiféàêtre raffiné, avec tout cela ils me
permettront de leur dire, que nous en
faifons à la Martinique, la Guadeloupe
& S. Domingaed'auffi-beau, fans y faire
tant de façons j & q u e nôtre Sucrepaflë,
loriqu'ileft fait comme il doit l'être, eft
infiniment plus beau & meilleur, quoique
nous le mettions d'abord en Barriques,
fans prendre la peine de le mettre
en forme, dele faire fecher & piler. Il
eft vrai , que je n'ai pas remarqué qu'ils
paiTent leur veibu au drap comme nous
faifons.
A G E S AUX ISLES
Ils ont des Moulins à vent & 3 chevaux.
J'ai parlé amplement de ces ma- ^^
chines dans ma troilîéme Partie. Pour bli^'-
des Moulins à eau il n'en faut pas parler »"¡»p
à la Barbade, il n'y a point de rivieres
pour les faire tourner, & l'eau y eft quelquefois
plus rare & plus chere que la
bierre 8c le vin. J'ai vû aftez ibuvent à
la Guadeloupe des Barques Angloifes
d'Antigues d'autres endroits qui venoient
fc charger d'eau à nôtre riviere,
pour des particuliers qui en manquoienc
ou pour des VaiiTeaux qui devoient retourner
en Europe. Ce défaut d'eau eft
commun à toutes les Mes Angloifes excepté
Saint Chriftophle, & leur caufe
de grandes incommoditez fur tout à la
Barbade, ou ils font réduits à conferver
les eaux de piuye dans des. mares ou
étangs, dont quelques uns font naturels,
& lesautresartificiels, mais de quelque
efpece qu'ils puiilent être,i'eau y eft bientôt
corrompue par la chaleur du foleil y
?ar les crabcs qui s'y noyent, par les
^eftiaux qu'on y abreuve, par le hnge
qu'on y lave, & par les Nègres qui iie
manquentjamaiscfes'y aller baigner autant
de fois qu'ils le peuvent : de forte
que ceux qui font contraints de boire de
ces fortes d'eau font aiTûrez de fe mettre
dans le corps ce qui a fervi a quantité,
d'autres ufages, ^ qui eft déjà plus de
moitié corrompu. C'eftde-là, à moa
avis, que viennent quantité de maladies»
qui font de grands ravages parmi leurs
Negres, ûir tout le fcorbut & la petite
verolle. Pour peu que les Habitans ayent
de bien, ils font faire des citernes ctiez
eux où l'eau fe conferve aiTez bien, pourvu
qu'on ait foin que les crabes, Sckirats
n'y puiflcnt pas tomber: car quand cela
arrive, la corruption des corps de ces
animaux gâte abfolument les citernes. It
y en a d'autres qui confervent des eaux
de pluye dans des futailles j de grands^
CiLr s
F R A N C O I S E S D
ifoo. canaris de terre du païs, où des jarres
qui viennent d'Europe: car on met tout
en ufage pour avoir de l'eau & la conferver.
C'eft dommage qu'une lile fi belle
& lî bien peuplée & cultivée, ait cette
incommodité.
Les Habitations ou Plantations,comme
ils les appellent, font beaucoup plus
petites à proportion qu'elles ne le font
dans les Mes Françoifes j 8c il ne faut
pas s'en étonner : l'Me n'eft pas grande,
elle a beaucoup d'Habitansj il faut
du terrain pour tout le monde, voila ce
qui fait qu'on en a p e u , & qu'il eft trèscher.
Les maifons qui font fur les Habitations
font encore mieux bâties que
celles des Villes^ elles font grandes, bien
percées, toutes vitrées, adiftribution
des appartemens eft commode & bien
entendue.^ Elles font prefque toutes accompagnées
de bellesallées de tamarins,
ou de ces gros orangers que nous appelions
chadecq, dont j'ai parlé dans un
autre endroit où d'autres arbres qui
donnent du frais, & rendent les maifons
toutes riantes. On remarque l'opulence
& le bon goût des Habitans dans leurs
meubles qui font magnifiques, & dans
leur argenterie dont ils ont tous des quantitez
confiderables : de forte que fi on
prcnoit cette Me , cet article feuj vaudroit
bien la prife des Gallions & quelque
chofe de plus, & cette entreprife
n'eft pas fi difficile qu'on iè l'imaginej
il ne faudroit que raflembler quatre à
cmq mille de nos Creolles&denosFlibuftiers,
avecunedouzainede VaiiTeaux
de Guerre, pour appuyer la defcente,
donner de la jaloufie aux Anglois, ou
s'oppofer aux fecours qui leur pourroient
venu- de dehors, pour rendre bon compte
de cette Me. Mais il ne faudroit point
de Troupes d'Europe qui fe mêlaiTentà
celles du pais, on fçait qu'elles ne peuvent
s'accommoder enfemble, & nos
Tom. II.
E L'AMERIQ^UE. 13 7
Creolles leurs reprochent qu'elles font ryoo.
plus propres à piller, qu'à fe battre dans
ces païs chauds : ils prétendent que ce
qui s'eft pafi'é aux prifes de Cartagene,
de Saint Euftache , de Coroflbl, de
Nieves & d'autres endroits, font des
preuves de ce qu'ils difentj je ne veux
point entrerdans cette difcuffion , parce
que je ne dois pas prendre parti : je fçai
que nos Creolles & nos Flibuftiers font
braves, fe^ battent bien, font faits au
mis, accoûtumez à fupporter fans peine
a chaleur 6c les autres fatigues -, je fçai
auffi que les Troupes qui pourroient venir
d'Europe fçavent en perfedion l'art
de faire des Sieges ; mais c'eft dont on
n'a pas befoin à la Barbade, où il n'y a.
ni Ville fortifiée, ni Citadelle.
Sans un malheureiix VaiiTeau qui relâcha
à la Martinique dans le tems que
M. de Châteaurenault étoit prêt d'en
partir avec fon Efcadre & nos Flibuftiers
6c Creolles en 1702. pour aller à la
Barbade, il eft certain que cette Me
auroit changé de Maître, le coup étoit '
f u r , & les mefures qu'on avoit prifes
étoientimmanquablesi mais il crut qu'il
devoit aller chercher les Gallions : cependant
il me permettra de dire qu'il
auroit bien mieux fait de prendre la Barbade,
qued'aller conduire les Gallions à
V i g o , ou ils devinrent la proye de nos
ennemisi mais patience, ce qui eft différé
n'eft peut-être pas perdu.
Les Anglois ne font pour l'ordinaire
qu'un repas par jour , à moins qu'ils
n'ayentdes étrangers chez eux, ils ne
fongent pas feulement à foûper , & cela
poLU-deux raifons: la premiere, parce
qu'ils font dans une habitude toute contraire:
&lafeconde, parce qu'ils commencent
leur dîné fort tard, c'eft-à-dire,
vers les deux heures, 6c que pour peu
qu'ils foient en compagnie, ce repas dure
toûjours jufques bien avant dans a nuit:
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