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de profondeur. Le moüillngey eftbon,
depuis trente fix br;iíTts juiqu'à huit ou
fix qu'on trouve dans le fond. La pointe
de l'Eil qui eft la plus avancée eft prefque
entièrement enveloppée d'un récif
à fleur d'eau. Il y a lur cette pointeune
batterie à JVIerlons fermée en maniere
d'une grande Redoute, où je comptai
trentepieccsdeCanon, qui felon les apparences
font de gros calibre, afin de
pouvoir défendre la Baye. La pointe de
'Oueft eft beaucoup moins avancée en
mer que la premiere, mais elle eft couverte
de plufieurs rangs de cayes tk de
rochers à fleur d'eau, qui font uneefpece
d'eftacade aflez avancee & dangereufe.
Il y a far cette pointe une batterie àbarbette
toute ouverte du côté de terre,
avec huit gros Canons qui battent dans
k R a d e .
OutrelabatteriedetrenteC;inons dont
• je viens de parler, il y en a une autre de
fix pieccs à barbette encre la pointe & la
jettéequi forme le Por t , qui eft devant,
& joignant la Ville. Cette jettéequi eft
du côté de l'Eft eft défendue par une
Redoute odogone qui a huit ou dix
embrazures, 8c qui en pourroit avoir davantage.
Celle del'OuefteftauiTj défendue
par une Redoute, où il y a douze
oieces de C anon, qui battent: la R ade &
! 'entrée du Port.
Ce Portn'eftpasfortconfiderablepar
fon étendue, je n'y vis que des Brigantins,
des Barques, & autres petits Bâtrmens.
Comme nous n'y mouillâmes pas,
j e ne-puis pas dire de quelle profondeur
fl eft : ¡1 s'y jette du côté de l 'Ef t u-n ruiffeau
qui i proprement parler n'eft que
l'écoulement des eaux d'un marais qui'
eii àcôxé dela Vi l le, q-iii fe dégorgent
quand lespluyes les ont fait croître aiTez
pour devenir plus hautes que la mer.C'éf t
lur ^ endroit qu'on-a bâtr un Pont „
q u i a donné le iiona, i h Ville, k
A G E S AUX ISLES
porte encore aujourd'hui, malgré tout ce ijo^
qu'on a pû faire pour lui.en faire porter
an autre.
Nous moiiillâmes à cent pas ouenvr--
ron du Fortin de l'Oueft fur huit braffes
d'eau, f 1 y avoit pour lors dans la
Baye quarante-fept VaifTeaux gros & petits,
& quantité de Barques 6c de Caïches.
A peine avions-nous falué la terre
de cinq coups de Canon, que le Lieutenant
du Port vint à nôtre bord. 11 vir
nos Paflè-ports, s'informa du fujct denôtre
voyage, &nous offrit tout ce donc
nous avions befoin. Il étoitavee un Mi -
niftre, qui avoit été prifonnier à la Martinique
pendant laderni€re guerre, Scà
qui nous avions rendufervice : il me reconnut,
m'embraiFa, & me fit mille careiTes.
Le Marchand Anglois pour qui
nous faiiîonsle voyage, parut, &parla'
au Lieutenant de Port & au Miniftre.
& après qu'on les eût fait bien boire, Sç
peu manger, ils allèrent à terre avec le
Maître de la Barque, & me promirent
devenir me chercher, pour me faire voir
la Ville. On les falua de cinq coups de
Canow.
_ Le Minfftre & le Marchand revinrint
à bord fur les quatre heures après
midi. Je m'étois habillé de maniere, que
fans me mafquer tout-à-fait, je ne paroiiîbis
pas entièrement ce quej'étoisi.
moins par neceffité, que pour éviter d'être
fuivi par les enfans & la canaille
qui ne voyent pas fouvent des oifeaux de
mon plumage. Ces Meffieurs me conduifirent^
chez le Gouverneur , que nous
ne trouvâmes pas; le Major qui nousreçût
fort honnêtement, me demanda fi
j'avois quelques affaires particuliers dansl
' I f l e , & m'offrit fort oblrgeammentfon
crédit, & celui du Gouverneur. Jelur
dis queje m^en alloisàlaGrenade, mai»
que j'avois été ravi de trouver cette oceaffos
pour voir une I-flc coimue h B'ar^
bad&j,
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badc, dantles Habitans étoient eftimez à faire décharger la Barque; & quoiqu'on
partout, 6c quej 'étoi s perfuadé par la y travaillât beaucoup le j o u r , on faifoit
maniéré dont il merecevoit; que ce que bien plus d'ouvrage la nuit : car fans faire
j'avois entendu dire étoit bien au-deflbus tort aux Efpagnols, les Anglpis enten-,
decequiétoiteneffet. Là-deflus on ap- dent auffi-bien que gens qu'il y --
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porta de la Bi e r r e , des Pipe s , & des
Vins de différentes efpeces. Jem'appercûs
aifément, que leMajornefefervoit.
d'une Interprète en me parlant que par
grandeur ou par ceremonie , ôc qu'il,
entendoit parfaitement bien le François,
cela m'ob igea de me tenirfur mes gardes,
& c'eft un avertiflement que je croi
ilcretion des fautes qui ont fouvent des fuites fâçheufes.
Je pris la Pipe qu'on me prefenta,
quoique je n'aye jamais fumé, ce
feroit une impoliteffe de la refuferj 6c.
j e la portois de tems en tems à la bouche.
L e Miniftre raconta à la compagnie ce
ait au
nionde le métier de la contrebande, 6c
c'étoit pour la faire plus commodement
que nôtre Marchand avoit fait mouiller
la Barque dans la Rade, 8c non dans le
Port.
L a Ville eft belle 8c affez grande, fes
rues font droites, larges, propres, Se
bien percées. Les maifons font bien bâêtré
obligé de donner à tous mes com- ties dans le goût de celles d'Angleterre, ffjf^'^^
patriotes quand ils font chez les étran- avec beaucoup de fenêtres vitrées, elles ^^¡¡¡"'/J
gers, afin que leur vivacité 6c leur in- font meublées magnifiquement ; en un Po«;.
dilcretion ne leur faiTe pas commettre
mot, tout y a un air de propreté , de
politeffe6c d'opulence, qu'on ne trouve
point dans les autres Ifles, ôc qu'il feroit
difficile de rencontrer ailleurs. La Maifon
de Ville eft très-belle & très-bien
ornée. Les Boutiques 8c les Magafins
des Marchands font remplis de tout ce
ou
que nous avions fait pour lui, lorfqu'il qu'on peut fouhaiter de toutes les parémir
nt-lfonnipr ! rela m'arrii a bien des
du monde. On voit quantité d'Orfévres,
de Joiiailliers, d'Horlogeurs,
étoit prifonnier :cela m'attira complimens; à la fin, il me pria d'aller
paffer quelques jours chez lui a Spiketoun
où étoit la refidence, 6c fon ménage.
Nous fortîmes aiTez tard d'avec le Major.
Nôtre Marchand nous conduifîc
chez lui où nous foûpâmes, 8c où il m'obligea
de prendre une chambre pendant
que je ferois dans l'Ifle. Je demeurai prefque
tout le lendemain, qui étoit un Di -
manche, àlamaifon: lacuriofitédevoir
un Moine blanc y attira bien du monde,
6c j'eus la complaifimce de me faire voir
daiis mon habit ordinaire tout entier,
c'eft-à-dire avec mes habits noirs 8c
blancs. Sur le foir nous allâmes à la promenade.
L e Lundy 6. on me donna un Oiïîcier
pour me conduire, ôc me faire voir la
V i l l e , car nôtre Marchand étoit occupé
8c autres Ouvriers qui travaillent beaucoup,
Se qui paroiffent fort àleur aife,
aufli s'y fait-il un Commerce des plus
confiderables de l'Amérique. On prétend
que l'air de la Vi l l e n'eft pas bon,
8c que le Marais qui en eft p roche , rend
le lieu fort mal fain; c'eil: pourtant ce
que je n'ai point remarqué dans le teint
des Habitans, qui eft beau, 6c fur tout
celui des femmes, tout y fourmille d'enfans
; car tout le monde eft marié , 8c
les femmes font fort fécondés. 11 eft vrai,
que le mal de Siamenleve bien des gens,
mais cela leur eft commun avec les François,
Hollandois, Portugais 8c autres
Européens qui habitent l'Amerique. Je
lus bien-tôt en pais de connoiiTance ,
outreceux àquijerendis les lettres dont
on m'avoit chargé à la Martinique, je
R 2 trouÍ
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