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N O U V E A U X VOY
roît par ce que j'ai écrit fur bien des
matières, qu'on ne peut guéres avoir
é t é çlus labor ieux & plus curieux que j e
l ' a i été, pourm'iriformerdetoutcequi
regarde les Ifles, j'efpere qu'on trouvera
encore la même chofe dans ce que
j e vais dire du Cacao.
L e Cacao eft le f rui t d 'un arbre appelle
C a c o y e r ou Cacaotier. On dit CacoSc
C a c o y e r aux Ifles. On dit C a c a o & Cacaotier
par tout ailleurs. Les François
qui fontles derniers établis à l'Amerique
ne doivent pas, ce me f emb l e , joiiir du
p r i v i l e g e d'impofer des noms j cela eft
d u aux Efpagnols, puifqu'ils ont découvert
le Pais; & puifqu'ils difent Cac
a o , je ledirai c omme eux.
D'ailleurs il me paroît qu'en difant
& écrivant Cacao ôc Cacaot ier, on empêche
de confondre deux fruits ôc deux
a bres très-diftérens en grandeur, en
f -uillts 8c en fruits qui iont les Cocotiers
¿cíes Cacaot iers, dont les premiers
produifent les grofles noix, appellêei
C o c o s , & les autres les Cacaos , dont
on fait le Chocolat.
L e Cacao eft auiïï propre à l'Ameriq
u e , que le Caft'e l 'eft à l 'Arabie, & le
T h é à la Chine (x autres pais voifins.
L e s Ameriquainss'en fervoient avant
que les Efpagnols entraiTent dans leur
p a ï s j ils en faifoient leursdelices, &y
croient tel lement a c coutumez , qu'ils regardoient
comme la derniere de toutes
les miferes de manquer de C h o c o l a t , qui
eft le b reuvage compof é de ce fruit. C'ef t
d ' e u x dont les Efpagnol s en ont appris
r u f a g e & la preparation qu'ils ont enfuite
perfecT:ionnéeny mêlant plufieurs
ingrédjens qui le rendent plus agreable
au goût & à l'odorat, quen'étoitcelui
dont les Indiens fe fervoient rnous examinerons
ci-après s'ils ont bien ou mal fait.
L e s arbres qui portent le Cacao croiffent
naturellement & fans culture dans
une infinité de l ieux de l 'Amerique, qui
A G E S A U X ISLES
font entre les deux Tropiques. On ne
trouve des Forêts entieres aux environs
de la R i v i e r e des Amazones, fur la côt e
de Caraque & de Cartagene jdansl'Ifthme
de Darien, dans le lucatan, les
H o n d u r e s , les P rovinces de Guat imal a ,
C h i a p a , S o c o n u f c o , Nicaragua,Coftaricca
& bien d'autres endroits qu'il fer
o i t t r o p long de rappor ter. Les Ifles de
Cou-ve - o u .Cu b a , Saint Domingue, la
Jamaïque ôc Port-ric en ont quantitéqu'on
regarde à prefent comme fauvagcs,
par rapport à ceux que l'on cultive, quoique
dans la vérité les fruits des uns 8c
des autres foient également bons} ¿c
q u e s ' i l y avoit quelque préférence à donn
e r , je ladonnerois aflurément aux fauv
a g c s , Ôc j e ne fuis pas feul de ce fentimcnt.
Les Antifles que l'on appelle petites
Ifles par rapport aux quatre grandes dont
j e viens de parler, n'ont pas été privées de
c e fruit, fur tout la Ma r t inique , la Grenade
& la Dominique; ôc c omme on en
a t rouvé dans ces trois I f les , il peut yen
avoir dans les autres qui font habi tées par
les Anglois, Ôc par les Sauvages. Il eft
vrai que j e n'en ai point trouvé dans la
G u a d e l o u p e , quoique j'aiealfez couru
les bois de cette Ifle ; mais cela ne prouv
e pas qu'il n'y en ait point . Ce qu'il y a
de certain, c'eft que les arbres de cette
efpece que l'on y cul t ive, y viennent en
p e r f c f t i o n , Sc rappor tent de ti ès-beai-x
fruits.
I l faut pourtant avoiier que la Marti -
nique eft celle de nos Antifles où les
Cacaotiers viennent le plus aifemenr.
O n en a trouvé crûs naturellement ôc
fans culture dans les bois, dans des'
endroits, qui aiTurément n'ont jamais
ete defnchez, ni habi t e z , qui ne le font
pas enc o r e , Scqui , felonies apparences,
ne leiéront de long-temps. On en a vû
dans les Terres d'un Gentilhomme de
la Pareille de Sainte Marie , appellé
M .
F R A N C O I S E S D
l „ c a - M. de Mervi l le, qui par leur hauteur,
iMitrs leur groiTeur 8c la beauté de leurs fruits
y^'".'"': donnoient des marques d'une extrême
UMJ- viellefle. Un nommé Brindacier fameux
$iniqni. chaf leur, ôc plufieurs autres perfonnes,
qui ont été fouvent à la chaffc des Cochons
Marons, dans les lieux les plus
éloignez du bord de la mer, ôc comme
au centre de l'Ifle, m'ont afluré d'en
avoir trouvé dans plufieurs endroits;
& il eft probable que ces arbres fe feroient
multipliez bien davantage, fans
leur ext rême dél icatef le, ôc fi leurs fruits
tombant à terre n'avoient pas été dév
o r e z par les animaux. Ces découvertes
f u f î i f e n t , à mon avi s , pour prouver que
ces arbres croiiTent aulfi naturellement
ôc aufli-bien à la Martinique que dans
tout le ref te de la T e r r e - f e rme de l 'Amerique.
M a l g r é ces avantages les François
n'ont commencé à les cultiver que vers
l'année i66o. UnJuifnomméBenjamin
d ' A c o f t a fut le premier qui planta une
C a c a o t i e r e , c'eft-à-dire, u n p an o u verger
de ces arbres ; mais les Ifles aïant paffédes
mains des Seigneurs particuliers ôc
propriétaires en celles de la Compagni e
de 1664. les Jui fs furent chaflèz, Ôc cet -
t e Cacaotiere étoit enfin tombée au Sr.
Guillaume Bruneau Juge Roïal de l'Iflc
en 1694.
Cependant comme le C a c a o n'étoi t pas
uneMarchandife d'un bon debi t enFranc
e , parce que le Chocolat n'y étoit pas
fort enuf j g e , ôc qu'il étoit chargé de
très-gros droits d'entrée, les habitans
ne s 'artachoient qu'au Suc r e , au Tabac ,
à l'Indigo, au Rocou, au C o t t on, ôc
autres femblables marchandifes, dont le
debit étoit facile ôc avantageux par la
f andeconfommation qui s'en faifoit en
Lirope.
L e Chocolat étant enfin venu à la
mode, ôc le C a c a o trouvant des débouchemens
de tous côt c z , on fongeaferieu-
E L 'AMERIQ^UE. ^f i
fement à cultiver les arbres qui produifent
le Cacao vers l'année 1684. c'eft à
peu près l'âge des Cacaot ieres , qui ont
f u i v i de plus près cel l e de Benjami n d 'Ac
o f t a , ôc dont le nombr e s'augmenteroit
tous les j o u r s , fion vouloit faire un peu
d'attention fur ce que j e dirai dans la
fuite.
L e Cacaotier fauvage, c'eft-à-dire,
celui qui n'ef t point cul t ivé, vient fort
g r a n d , fort gros ÔC for t branchu j on
arrête celui que l'on cultive de manière
q u ' i l n'excede pas douze à quinze pieds
de hauteur, non feulement afin d'avoir
plus de faci l ité à cuëi ll ir le f rui t , mais encore
afin qu'il foi t moins expoi é au vent
ôc au trop grand air ; car c 'ef t un arbre
d'une delicatefl e furprenante. Son écorc
e eft brune, vive, mince ôcaflezadhérante
au bois qui eft blanchâtre, leger
ôc poreux ; il afes fibres longues, droit
e s , point meflées, aiTez g rof les , ôcnc
laide pas d'être fouple. En quelque faifon
qu'on le coupe, on y remarque beaucoup
d'humidité ôc de feve : ce qui
peut venir aufll-bien de fa nature que du
terrain où il veut être planté, qui doit
être de bon fond, frais ôc humide. Dès
qu'en taillant une branche on n'y remarque
pas une abondant e féve, on peut
compter que l'arbre n'a pas long-temps
à vivre.
L a feuille e f t pour l 'ordinaire de huit
à neuf pouces de longueur; elle en a
quelquefois davantage, rarement moins,
fi ce n'eft à des arbres avor tez ou plantez
dans un méchant fond. Elle a dans
fa plus grande largeur un peu plus du
tiers de fa longueur. Elle eft pointue
par les deux bouts, ôc a t tachée aux branches
par une queiie forte ôc bien nourr
i e , de deux à trois poûces de longueur.
S a couleur par-defllis eft d'un verd vif,
ôcplus chargé par-defl"ous. Le contour
de la feiiille, à commencer à fon plus
grand diametre jufqu'à fa pointe, eft
Y y i d' u n