i m ^
i|.i ^
iilsi 1 Jl,
ffl!^- I
'i lili
I •
¿i
i il I ' '
'lìti
f ! •!:::,
!t , i''iiïr I i
• liiK
i:;!;!;:.
;l iiïp.-.'-':
í- ill
í; : Nisiíi":
74 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
niers ne coonoifient point les ferviettes >
ne fe fervent que de bananes pour accompagner
leur viande, & encore raremenr,
leur ordinaire eft que le gras & le maigre
du cochon tiennent lieu de pain ôc
de viande.
. C'eft au maître du boucan comme
.chef de la troupe , & perede famille de
couper le premier morceau à toute la
Compagnie. Il s'approche pour cela du
boucan tenant fa grande fourchette de la
main gauche, & le grand couteau à la
droite, & le cochon demeurant toûjours
fur fon lit de repos, avec un petit feu
deiTous, il coupe degrandes tranches de
k chair fans endommager la peau, &
les met fur des feiiilles de balilîer, que
les ferviteurs portent à ceux qui font
aiîîs. On met au milieu de la table un
grand coûi plein de la fauce qui étoit
dans le ventre du cochon, & un autre
plein dejus de citron avec du poivre , du
fel, & du piment, dont chacun compofe
là fauce comme il le juge à propos. Après
ce premier fervice les plus anciens fe lèvent
tour à tour pour couper & fervir;
& enfin les novices qui doivent avoir
appris le métier en le voyant pratiquer
fe event les derniers, coupent & fervent
les autres.
Je croi qu'il n'eft pas neceiTaire d'avertir
le Lefteur qu'un point eiTentieleft
de boire fouvent. La regie le veut & la
fauce y invite, en forte qu« peu de gens
font des fautes fur ce point. Cependant
comme l'homme eft fragile,,& qu'il tomberoit
fouvent s'il n'avoit perfonnepour
le foire fouvenir difon devoir, ou pour
]e corriger ; c'eit au maître du boucan à
veiller fur fa troupe, & quand il en trou^
ve d'indolens, ou de negligensqui oublient
leur devoir, il doit les reprendre
publiquement, & pour penitence les faire
boire dans le grand coiii. Cequin'eft
pas une petite punitisn^ carilfaut^u'il;
foit tout plein-
Ce fut dans ces plaifirs innocens que jg,»
nous pailames la journée avec toute la
joie poflible. Le bon vin qui eft l'ame
du repas, ni manquoit point. J'enavois
fait porter de France, de Florence, de
-Madere, & de Canarie,-qui fe trouvèrent
iî frais au fortir de la riviere où onles
avoit mis rafraîchir qu'on eût dit
qu'ils étoient à la glace.
Nous nous trouvâmes vingt perfonne»
à ce feftin boucanier , & plus de vingt
Negres que nous avions amenez pouV
nous fervir. Le cochon qu'on avoit préparé
étoit gros, & il fembloit qu'il devoife
fuffire pour un bien plus grand nombre
de gens que nous n'étions i cependant
malgré le déjeûné qui avoit été aftèz bon,,
on mangea le boucan avec tant d'appetit
que nos Negres n'auroient pas eu de
quoi dîner ians les autres viandes qu'o»
avoit apportées. Lorfque nous fûmes retournez
àlamaifon, je fis fervir une petite
collation, plûtôt pour la forme que
pour le befoin, après laquelle nous nous
ftparâmes fort contensdesplaifirsinnocens
de cette journée.
Il eft certain que le cochon maron eft ^„q
meilleur que le domeftique,& que fa bon- dm
té augmente felon les fruits, ou les grainés
dont il fe nourrit;, mais ces animaux
font rares auxifles du Vent,.6c fur tout à /^V
k Martinique où leurchaife devient tous,
les jours plus difficile , parce, qu'ils fe retirent
dans les montagnes les plus efcarpées,
& dans les ravines les plus profondes
où la peine eft très-grande quand i!
fautlesyaller chercher, fans compter le
danger d'être mordu des ferpens.
Tous les cochons de I'Amerique foit Hî »
fauvages, foit domeftiques, ne mangent '"i"^'
point d'ordures comme font ceux de toutes
les parties du monde : ils ne vivent m.
que de fruits, de graines,, de racines,,
de cannes & autres chofes femblables^
C'eft a cela qu'on doit atmbiier k déiicatelTe
j, & la. bonté de leur chair..
C K ^
F R A N C O I S E S DE L'A M E R ! Q.U E.
C H A F I T R E X.
Maladie dont VAuteur efi attaqué, fon remede. Différentes ef^eces
¿'Ipecacuanha.
79
i E troifîéme jour deN ovembre
je fus attaqué d'une maladie
qui fut longue & dangereufe.
Elle commença par une fièvre
double tierce, avec une
diiTenterie violente. Au bout de fept ou
huit jours ma fièvre appella encore à fon
fecours des redoublemens qui duroient
huit à dix heures, qui m'auroient infailliblement
emporté, fi le fommeil qui
ne manquoit Jam-ais de venir avec eux
n'avoit modéré leur violence. Ce qui me
faifoit plus de peine étoient les remedes
dont les Chirurgiens vouïoient me furcharger,
& les importunitez continuelles
de nos Peres, pour m'obliger à les
prendre. Malgré la repugnance invincible
que j'ai toûjours eûë pour toutes les
drogues, il fallut en prendre quelquesunes
, que je rendois auffi-tôt parce
que mon eftomach ne les pouvoit fouffrir.
Ma fièvre diminua beaucoup au commencement
de Décembre, & me quitta
entièrement pendant quelques jours.Elle
me reprit enfuite d'une maniere plus fupportable
& fans redoublemens ; mais k
diiTenterie augmenta confiderablement,
& je commençai à devenir hydropique.
Cela m'obligea de prier nos Peres de
charger quelque autre Religieux du foin
de nos affaires. Ils s'aflèmblerent, je
rendis mes comptes, 8c on élût un Syndic
en ma place.
Je me fis porter au Quartier du Macouba
le dixième Janvier 1699. le Sieur
Sigaloni dont j'ai parlé au commencement
de ces Mémoires, croyoit avoir
trouvé la clef de mon mal, 6c fe fliatoit
de me guérir, fij'ctois a portée de chez
lui. Quoique je le connuiTc pour un haïbile
homme, je n'y comptois pas trop,
Scjecroyois ma maladie mortelle, mais
j'efperois que le bon air de ce quartierl
à , 6c k Compagnie de mes anciens ParoilTiens,
pourroient peut-être me foûr
kger. En effet, l'appétit que j'avois perdu
prefque entièrement, me revint, - la
fièvre me quitta encore une fois, mais
les remedes ne pûrent venir à bout delà
diffenterie, ni de l'enflûre qui augmentoit
tous les jours, Après avoir bien penfé
à ce qui pourroit contribuer à ma guérifon,
je m'avifai d'envoyer chercher de
la teinture de fcamonée, ôc quoique dans
l'état ou j'ètois, j'euiTe tout à craindre de
la violence de ce remede; je le pris fans
confulter perfonne, 6c comme pour
jouer à quitte ou à double.
Ce remede fit un effet merveilleux, je Efd
rendis une quantité d'eau fi prodigieufe tnervellqu'en
moins de quatre heures mon enflûre
difparut, 6c il fembloit que j'euiTe
la peau du ventre attachée à l'épine du scamodos.
Contre toute apparence je me trouvai
fi fort après une évacution fi grande^
que je me promenai affez long-tems
fans reflentir la moindre foibleffe. Mais
ce qu'il y eut de meilleur 6c de plus furprenant
dans l'opération de ce remede
fut que je rendis deuxversdelagroiTeur
du pouce, dont l'un avoitfeize pouces
de longueur, 6c l'autre un peu moins.
Ils avoient la tête platte, 6c en trefHe,
comme les ferpens : ils avoient tout le
corps couvert de poil rouflâtre, 6c ils
étoient fi vifs qu'i s rampoient encore
dans la chambre fix heures après que je
les eûs rendus. Depuis la fortie de ces
infeéles, ie me trouvai très-bien, fans
K z iié