410 NOUVEAUX V O Y A G E S AUX'ISLES
1703. ligeftce, & bieft m'eti prit d'avôir un
bon cheval; iele trouvai quiaflembloit
du monde; ils'cn trouva j f . 0U40. qui
avôiént leurs chevaux, il me priadeles
conduire au lieu où j'avois tracé le t foi '
iîéme Rctranchetîient,leplus vite qu'il
fé poUrrtìit, pendant qu'il y alloit faire
marcher des gens de pied. Nous y fûmes,
nous lailîàmes nos chevaux au com-
Ciencement du bois, je leur montrai le
porte, chacun le couvrit d'un arbre,
& on commença à faire feu fur les Anglois,
qui ne s'attendoierit point du tout
à cette nouvelle batterie, 6c qui ne
voiant perfonne, étoient contraints de
faire leurs décharges du côté qu'ils
voïoient partirle feU} infenfiblementle
nombre de ceux qui nous joignirent iè
trouva fi grand, & leur feu fi fuperieur
à Celui des ennemis , qu'ils furent obligez
de fe jetter dans un petit vallon
derriere cette hauteur, après avoir perdu
beaucoup de monde.
Quelques-uns de nos jeunes gensfortirent
alors du Retranchement d'en bas ,
fous prétexte d'aller prendre de l'eau à
k Riviere, la paffèrent, montèrent le
lïiôrne, & firent feu fur les Anglois;
ceux qui étoient plus âgcz, & plus ik^
ges marchèrent après eux , pour les
lôâtenir, 6c malgré le fieur de Bois-
Fermé tout fon détachement le quitta j
paiTa la Riviere, 6c alla attaquer les
ennemis. Les Troupes qui le trouvèrent
fur la hauteur de la Falaife, où
devoit êtreletroifiéme Retranchement,
voiant leurs compatriotes paffez, quittèrent
tous d'uncoupM. Auger, écallèrent
joindre les autres, 6c tous enfemble
pouflèrent les ennemis au de-là de
la Savanne de l'Efperance. J'étois auprès
de Mr. Auger à regarder ce jeu,
i l faifoit fcmblanc d'être fort en colere
de ce qu'on defobeilToit ainfî au Lieutenant
Général} mais ij écoic facile de
s'appercevoir qu'il en avoit «ne joie es- ^'t^Îtrême
-, il envoia feulement un Aide de
Camp leur dire de fa part de ne pas
s'engager davantage, ôc defemaintenir
dans le pofte de l'Efperance, où j e les
allai joindre du confentement du Gouverneur,
qui me dit qu'il auroit foin
qu'ônnousenyoiat des vivres ôi des munitions.
Il étoit prefque nuit quand
j'arrivai, 6c c'eft ce qui avoir précipité
la retraite des Anglois, qui fe voiant
à plus d'un lieùe de leur c amp, dans un
pais coupé qu'ils ne connoilToient pas,
avoient peur de tomber dans quelque«
groiTes embufcades, 6c d'être entièrement
défaits, comme il feroit arrivé^
fi nous avions été bien conduits. Je
félicitai nos gens fur leur valeur} il
vint des vivres, nous mangeâmes, 6c
palîlmes la nuit le plus agréablement
du monde.
Nous allâmes des qu'il fâtjourfarlcs „
lieux où l 'ons'etoi tbat tu, nouscomptâ- S
mes cent quatre-vingt treize mortsj un f'zd,s
peu après nos Nègres en trouvèrent encore
fix dans une cafe avec deux bleiFez
qui expiroientî on en trouva encore
une trentaine dans les cannes, 6c plufieurs
bleflez qui s'étoient jettez dans
une petite Ravine , en attendant le iccours
de leurs gens j de forte que cette
journée coûta plus de trois cens hommes
aux Anglois, fans compter les bleffez
qu'ils remportèrent avec eux.
Nous n'eûmes cependant que cinqf
morts , 6c quinze bleiTez -, k pauvre
Sanfon Maître de h. barque, qui m'avoit
rapporté de Saint Domingue, reçût
un coup de fufil au travers du corps,
qui ne ui toucha ni les os, ni les parties
nobles; mais .pendant qu'on le panfoit
dans une baraque duRctranchement,
il eut un autre coup, qui lui perça la
cuiiTe. Il déferra onze Soldats Irlandois
du Regiment qui étoit en garnifon à
Saine
F R A N C O I S E S D
1703. Saint Chri ftophle; ils dirent tous qu'on
n'avoit lailTc que z f . Soldats avec un
Sergent dam le Fort de la grande rade
de cette Iflc, 6c cinq ou fix Habitans
dans celui de la Souphriere ; de forte
que fi on avoit envoie cinq ou fix cens
hommes à Saint Chriftophle, onauroic
pris les deux Forts avant que les Anglois
qui nous aiBégoient en euflent eu la nouvel
le. M. Auger en écrivit fort preffammeut
à M. de Machaut ; c'étoit une
belle occafion à ce nouveau Gouverneur
Général de fignalerfon arrivée; il avoit
deux vailîèaux de guerre, fix ou fept
autres vaiflêaux marchands , dont le
inoindre avoit 14. canons, 6c de bonnes
bai-ques Coriaires; il pouvoir tirer
mille hommes de la Martinique, Se faire
cette expedition en heures, étant
une fois arrivé à Saint Chriftophle; il
eut fes raifonspournele pas faire, dans
lefquelles j e ne dois pas entrer.
11 ne fe palTarien de confiderable depuis
ce jour-là jufqu'au Mercredi 10.
A v r i l , parce qu'il n'y eut plus que U
Compagnie des Negres qui fortit pour
inquiéter les ennemis; celle desEnfàns
perdus avoit été donnée après la mort
du fieur le Févre au fieur Jolly fon Lieutenant;
c'étoit un jeune homme nouvellement
venu de France, qui fe faifoit
tout blanc de fon épée. NosCreolles
<]ui étoient moins bien partagez que lui
du côté de la langue, mais qui prétendoient
l'être mieux du côté de la valeur,
ne voulurent plus fervir fous lui , 6c rentrèrent
prefque tous dans les compagnies
de leurs quartiers; de forte que le Capitaine
Jolly eut bien de la peine à raroaiTer
^f. ou 40. hommes, pour for-
_ mer fa Compagnie, 6c pour furcroîtde
• malheur les Negres ne voulurent pas lui
obéir, 6c on ne jugea pas à propos de
les y contraindre.
Les Anglois profitèrent mieux que
Tom, IL ^
E L'AMERIQ^UE. 4U
nous du tems, 6c à force de tirer, ils
nous briferent encore deux pieces dans
le Caval ier, nous tuerent trois hommes
6c en bleiîêrent cinq ou fix; ils abbatirent
deux Merlons, prefque au ras de
la Genoiiillere, 6c endommagèrent beaucoup
letroifiéme. Ce mauvais fuccès fit
taire nôtre canon du Cavalier; il n'y en
avoit plus qu'une piece qui battoir fur
le Bourg, qui pouvoir ièrvir fi les ennemis
en fuiTent venus à un aflaut Général;
6c les deux pieces qui battoient
dans la campagne qui nous étoientinutiles.
Une des trois pieces qui étoient
fur la terraflê, attenant le Donjon creva
fans bleiTer-perfonne, quoiqu'il y eut
dix ou douze perfonnes aux environs.
Les Anglois battirent donc le Cavalier
tout à leur aife, n'étant plus incommodez
que de nôtre moufqueterie, qui
faifoit fans ceiTe un très-grand feu fur
eux ; mais avec toutes leurs canonades
lis ne pou voient faire autre chofe, que
de ruiner le relie du troifiéme Merlon
jufqu'àla Genoiiillere i car leur batterie
ne pouvoir pas découvrir plus bas à moins
qu'ils ne l'avançaflent jufquesfur le bord
du folTé, ce qu'i Is ne pouvoient faire fans
ouvrir une Tranchée, 6c cela leur étoit
prefque impoffible; parce que tout le
terrain aux environs du Fort eft une
efpece de roc on de tuf très-dur, fur '
lequel il n'y a pas un pied de terre dans
le meilleur endroit; 6c ils manquoient
abfolumenr de tout ce qui étoit neceffaire
pour fe couvrir en approchant jufques
là.
Ils firent une batterie de deux pieces
fur une des Plate-formes devant lamaifon
des J e f a i t e s, pour ruiner le Donjon,
entreprife fort inutile, 6c qui ne les
condu-ifoit à rien, puifque la ruine entière
du Donjon, quand ils en feroient
venus à bout, ne leur auroit pas £iit
une ouverture d'un poûce de large, pour
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1703.
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