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66, NOUVEAUX VOYAGE S AUX ISLES
1698. nôtre bon droit avoit befoin d'un peu de
fecours. Je partis donç environ à une
heure après minuit, 6c aïant appris par
les Negres que j'avois envoyez, i'uivrc le
Commandeur blefle, qu'ils'étoitarrêté
en chemin, parce queia bleiTure ne lui
permertoit pas de faire une traite de huit
bonnes lieuës fans prendre du repos j je
m'arrêtai auifi, pour lelaiiTer prendre le
devant, 8c le pouvoir rencontrer dans
le bois, où je voulois lui parler fans témoins.
Celaarrivacommejel'avois projette
i je le joignis, & auffi-tôt les deux
Negres qui l'accompagnoient prirent la
fuitte, craignant d'être maltraitez par
ceux qui étoient avec moi. L e Commandeur
même n'étoit pas fans crainte, je le
connus aux premieres paroles qu'il me
d i t , j'en profitai comme on peutcroirej
èc après lui avoir fait compter le fait
comme il étoit arrivé, je lui dis qu'il
devoit m'endonner un certificat. Il eut
de la peine à s'y refoudre, voyant bien
qu'après m'avoir donné cette piece, il
faudroit qu'il'cherchit un autre Maître.
J'applanis cette difficulté d'une maniéré
qui le contenta entièrement.Nous entrâmes
dans la prq,roiereHabitation que nous
trouvâmes fur le chemin, où enprefence
de ceux qui y étoient, il déclara com,me
l'affaire s'étoit paiTée: il m'endonnaun
ample certificat qu'il figna , & que je fis
figner à ceux qui étoient prefens comme
témoins de ce qu'il venoit de dire Ôc d'écrire:
je lui dis de fe repofer deux ou trois
heures au lieu où je le laiffois, a'iant moimême
befoin de ce tems pour profiter du
certificat qu'il venoit de me donner. Je
me rendis en diligence chez l'Imendant
qui avoit déjà été informé du fait par
nôtre Supérieur.. Je renouvelai les plaintesquiavoient
étefaites, ôc enluimontrant
le certificat, je le convainquis de
mon bon droit.
Cbaimekvcttfinien<|ti«lHouappaîte'»
noit à des gens qui meritoient toute la 169®,
confideration que l'Intendant avoit pour
eiix, 6c qui d'ailleurs étoient amis de
nôtre Maifon, il me demanda fîje ne
ferois pas auffi content d'un accommodement
que d'un jugement. Je l'en laiiFai
le maître, & je lui dis que j'en paflerois
avec plaifir par où il voudroit,, parce que
jenefouhaitois autre chofe que la paix.
L'accommodement fut bien-tôt faitjj'eus
toute la fatiffaétion que je pouvois prétendre
, & la paix fut rétablie entre nos
Negres,moyennafit quelques potsd'Eaude
Vie qu'on leur fit boire enfemblc
pour l'affermir.
L e Sieur de S.Aubin qui avoit été le
Propriétaire de l'Habitation que le voifin
dont je viens de parler occupoit, avoit
perdu un nombre confiderable de Negres
qui étoient morts en peu d'heures,.dans
des douleurs inconcevables, 8c cela par
la malice d'un de fes Efclaves qui les empoifonnoit
dès qu'il remarquoit que le
Maître étant content de quelqu'un
d'eux , lui donnoit quelque marque de
bonté.
Ce miferable étant à l'article de la
moi-t envoya chercher fon Maître pour
lui demander pardon, 8c lui avouer qu'il f'"'"^'"
étoit coupable de la mort de plus de ^¡"Ji'h
trente de fes Compagnons, qu'il avoit pJurfi
empoifonnez. Il lui dit} qu'il fefervoit
pour cela du fuc d'une plante qu'on trou- ^^
ve au bord de la mer aux Cabefterres
des Mes, qu'il n'eft pas neceiTaire que je
décrive ici. Il avoit foin d'avoir toû-
_ ours un de fes ongles plus grand que
es autres, 8c lorfqu'il vouloit empoifonner
quelqu'un, il alloit grater avec
cet ongle l'écorce de cette plante jufqu'à
ce qu'il l'eût rempli, du fuc épais qm ert
fortoit. Avec cette provifion ilretournoit
à la maifon, 8c ne manquoit pas
d'iirviter le malheurt:ux qu'il vouloit tuer
i b o i r e ancoup d'Eau-de-Vie. Il beu-
^oic
foijo».
F R A N C O I S E S D
KîyS, voit le premier, puis il en verfoit à ih
viétimc de la même bouteille dans le
même coiii dont il s'étoit fervi lui-même,
mais qu'il tenoit d'une maniéré que fön
ongle trempoit dans l'Eau-de-Vie, 8c y
répandoit le venin dont il étoit rempli.
Il ne fe paifoit jamais deux heures fans
que celui qui avoit bû ne tombât dans
RémJe des convulfions horribles, quil'empor-
^ « toient en peu de momens. On lui demanda
quel remede il y avoit a ce poifon
il dit, qu'il n'y en avoit point d'autre
que la racine defenfitive épineufe, qui
étant pilée, 8c dilayée dans du vin faifoit
rejetter ce venin. Je n'ai garde de
faire connoître cette mauvaife plante ,
peut-être ne l'eft-elle que de trop de
gens. Ce fut un des enfans du Sieur de
Saint-Aubin qui me la montra. On jugera
de fa force parce que je vais dire.
Si on la rompt, 8c qu'on l'approche du
nez, elle a une odeur fi forte & fi pénétrante,
8c en même-tems fi nuifible,
qu'elle feroit tomber la perfonne en pamoifon,
iî on l'y laiffoit le tems qu'il
faut pour dire la moitié d^an^ive Maria.
J'en ai fait l'experience, 8c j'en donne
le remede qui eft un des plus affijrez
contre poifons que je connoiffe, 8c qu'il
y ait peut-être dans toute la Medecine.
Il y a trois efpeces defenfitives. Si je
ne craignois de me trop élogtier du fentiment
commun, je les reduirois à deuxj
Tfols
efpeces
de fenfttives.
à celle qui eft épineufe qui eft la meilleure,
8c à celle qui eft fans épines, que l'on
diflingue en mâle 8c femelle, parce que
les feiiillesde l'une font plus grandes que
celles de l'autre. Tout le monde fçait
que cette plante eft appellée fenfitive, ou
plante vive, parce que dès qu'on la touche
foitavec un bâton, foit avec la main,
fesfeiiilles s'approchent l'une del'autre,
fe ferment, 8c demeurent quelques momens
comme coléesenfcmble,après quoi
elles fe s'ouvrent & reprennent leur fi-
E L'AMERIQ^UE. 67
tuation ordinaire. On fe fert fouvent de
cette propriété, pour furprendre lafîmplicité
de ceux qui ne la fçavent pas, 8c
particulieremeet des filles à qui l'on fait
croire que le mouvement de ces feiiilles
eft une marque de leur fageflè, ou du
contraire.
Je ne fçai ou le Pere du Tertre avoit
les yeux quand il dit avoir cherché cette
plante fans la pouvoir trouver à la Guadeloupe
, 8c n'en avoir trouvé de veritable
qu'à S. Chriftophle au Quartier de
Cayonne. Rien n'eft plus commun que
cette herbe de quelqu'une des trois efpeces
qu'on la fouhaite à la Martinique, la
Guadeloupe, la Dominique, Marie-galante,
8c autres Ifles, on la trouve par,
tout jufques fur les bords de la mer, 8c
plus communément dans les terrains fees
8c arides, que dans les bons.
La fenfitive épineufe eft la plus petite nefiripdes
trois efpeces. Elle vient defemence thn de
8cdebouture. Laracine qui produit 8c
qui foûtient la tige eft longue d'un demipied
ou environ, aflez gibiTe vers la fu- ^
perficie de la terre finiiTant en pointe,
elle eft prefque toute couverte de filets
affez longs 8cfouples. La peau qui l'enveloppe
eft brune, le dedans eft blanc,
moue leux, fpongieux, fans odeur, d'une
faveur affez douce. Elle poufle plufieurs
branches ou tiges qui font longues, Sc
foibles, qui rampent a terre, fe plient 8c
s'entrelaffent, elles font fouples tendres,
moiielleufes, 8c garnies de petites épines
un peu crochues, 8c fort pointues. Ses
feiiilles viennent toûjours couplées:chaque
petite branche ou fion en a depuis onze
jufqu'à quinze, il eft rare d'en trouver
?lus ou moins. Elles font deux fois plus
ongues que larges, d'un verd brunpardeffus,
plus clair par-deflbus. Elles font affez
fortes quoique peu char^îuës,8c toutes
garnies fur le deffous 8c par les bords de
petites épines fines, droites & affez fortes.
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