208 N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
IJOt.
Quatrième
f rife de
la Tortue
par
les Fran
fois.
Vers la fin de 16fp. un Gentilhomme
dePerigordnommédu RoiTey/ort connu
, & fort aimé des Boucaniers, parce
qu'ilavoit été leur compagnon de chaile
Se de courfe pendant plufieurs années,
repaiTa de France à SaintDomingue dans
le deflein de reprendre la T o r t u e . Il parla
à fes anciens camarades, leurpropofa
fon deflein , & les ayant trouvez difpofez
à le feconder êc à le fuivre, afin de
fe débarrafler une bonne fois de ces importuns
voiiîns, qui malgré leur foibleffe,
ne laiflbient pas deles traverfer
enbiendesoccafions j ilenaflembla environ
fix cent, tous bien a rmez, & bien
refolus. Leur defcente dans la Tortue
devoit être extrêmement fecrette, parce
que la réiiffite de tout leur projet con-
Cftoit dans la furprife, n'étant point du
tout en état de prendre la Forterefle d'uneautre
maniéré, parcequ'ilsn'avoient
aucune des chofes neceiTaircs pour faire
un Siege : cette voye toute dangereufe
qu'elle parût,étoit cependant laplusfacile,
parce que n'ayant que des Canots,
ils avoient la commodité toute entiere
de cacher leurs mouvemens aux Efpagnols.
Le iour étant pris, êclaiormede
l'attaque réglée, ils firent embarquer
cent hommes qui prirent la route du
Nord de l'Ifle où ils débarquèrent après
minuit, & ayant grimpé cette Côte il
roide, & fi entrecoupée de précipices,
ils furprirent un peu avant le point du
jour les Efpagnols qui gardoient le For t
d'en haut où étoit laBatterie, qui avoit
été caufe de la perte de la Forterefle de
la Roche. Riennefutpluscompletque
cettefurprife;pas un Efpagnol n'échapa,
• ils donnèrent avis à leur camarades de
leur réùflîte par quelques coups de fufil.
Le Gouverneur de la Forterefle étonné
de ce b rui t , fit fortir une partie de fa
Garnifon, pour voir de quoi il s'agiflToit,
Si en cas de befoin, pour repouiTer ceux
qui attaquoient le For t , ne pouvants'!- 1701; jd,
maginer qu'il y eût des François fi près
de lui, & encore moins qu'ils fe fuflent
emparez du Fort. Mais ceux qui étoient
fortis furent prefque auffi-tôt enveloppez
par le gros desBoucaniers qui avoient
fait leur defcente pendant la nuit à l'Eft
delà Forterefl'e, fie qui étoient enembufcade
fur le chemin du For t d'en- haut.
Leur refiftance fut des plus petites, ceux
qui ne furent pas tuez fur a place voulurent
reprendre le chemin de la Forterefle
, les Fj'ançois qui les fui virent y entrèrent
pefle mefle avec eux , Se l'on peut
juger, fansquejeledife, que le carnage
fut grand. Le Gouverneur fefauva avec
peine dans fon Donjon, Sc fut obligé
quelques momens après de fe rendre à
difcretionavec le peu de gens qui avoient
DÛ fe retirer avec lui. On les gardadans
; aFarteteilè pendant quelque tems,après
quoi on les tranfporta en l'Ifle de Couve.
Ce fut ainfi que l'Ifle Se les Forts de Le Jîtm
laTortuë revinrent aux François pour la
r • T, n 1 n rr r fey G9Uquatrième
fois. M. du Rofley fut recon--'^j,.,„„r
nu pour Gouverneur, parceux qui W-de la
voient aidé à faire cette conquête, dont '^o''*^
il eut foin de donner avis en France à fes
amis, qui lui procurèrent une Commiffion
de la Courj Sc la Tor tue recommença
tout de nouveau à fe peupler
aufli bien que la Côte de la grande terre
qui lui eft oppofée, que l'on a depuis
appellée le Port-Paix,
Je ne fçai oii mon Confrere le Pere du Ermn
Tertre apefchél'hiftoire qu'il nous de- du Pin
bite de M. du Rofley , de l'Admirai
Pen, de l'abandon que les Efpagnols firent
de la T o r t u e , defapriieparun An- '
glois nommé Eliazouard ,, de la fuite
de celui-ci à l'approche de M. duRoffey.
Se enfin de la double Commiflîon
Françoife Se Angloife dont il le fait porteur.
Il y a tant de contradiétions dans
ce narré, 6c tant d'anacronifmes, que j'ai
peine
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQLUE.
peine a y reconnoitre le Pere du Te r t r e , la Compagnie.
fi louable dans une infinité de rencontres
Mr l'exaftitude aveclaquelle il rapporte
es faits dont il parle. Ceux qui voudront
fe convaincre de la vérité de ce que
edis, n'auront qu'à lire la page 116. Se
esfuivantes du troifiéme Tome de fon
Hiitoire générale des Antifles del'Amerique,
pour connoître clairement qu'il a
écrit fur des Mémoires manifefl:ement
faux. Se remplis de contradiélions.
M. du Rolfey gouverna les Habitans
de la Tor tue , ou plûtôt vécut avec eux
à la maniéré, Se felon la liberté du païs,
c'eft-à-dire, fans beaucoup defubordination,
jufqu'en i663.qu'ayant été attaqué
d'une maladie dangereuie, il fut
obligé de pafler en France pour trouver
du foûlagement. Il laifla fon neveu le
fieur de la Plate, du confentement des
Habitans, pour commander en fonabfence.
Cependant la Nouvelle Compagnie
que le Roi avoit établie au mois de Mai
1664. nejugeantpas à propos de fefervir
du fieur du Rofley qui fe trouvoit alors
àPari.i, Sc appréhendant que s'il retournoit
à la T o r t ue avant qu'elle eneûtpris
)o(reflîon, il n'excitât les Boucaniers, les
^libuft:iers,SelesautresHabitans, dont
il étoit fort aimé, à refufer de recevoir
les OiEcierSjSc les Commis qu'elle avoit '
deflein d'y envoyer, elle obtint de la
Cour qu'ons'aflureroitdelaperfonne du
fieur du Rofley jufqu'à ce qu'elle fût en
paifible pofl!eflion des païs que leRoi venoitdelui
ceder. Cela fut executé: du
Rofley fut mis à laBafl:ille, d'où il ne
fortit qu'après que la Compagnie eût
nouvelle, que la Tor tue étoit entre les
mains des Officiers qu'elle y avoit envoyez
, Se que le fleur de la Place étoit
en Fi ance : pour lors on le mit en liberté,
& on liquida à lafomme de feize mille
livres les prétentions qu'il avojt contre
1701-
MonfieurDogeron Gentilhomme Angevin
lui fucceda. Il avoit été un des Af- gero»
fociez de cette malheureufe Compagnie, Gouverquife
forma en ii)f<î. pour faire un éta- "^xor-'
blifl^ment à Ourabiche dans la terre fer- ¡ué en
me de l'Amerique. L'hiflioire de cette irtfij,
entreprife qui échoiia en moins d'un an
n'efl; pas de ces Mémoires. Le fieur Dogeron
après avoir fouffert bien des pertes,
Se fait plufieurs voïages enFrance,
Se à Saint Domingue, où la necefllté l'o-'
bligea de faire pendant quelque tems le
métier de Boucanier, ayant été aidé de
fes parens revint à Saint Domingue avec
un Navire, des marchandifes, Se des
Engagez, Se s'établit au Port Margotj
dans le tems que le fieur du Rofl"ey étoit
Gouverneur de la Tortue.
M. de Clodoré Gouverneur de la
Martinique, qui étoit ami particulier
du fieur Dogeron, Tie manqua pas dele
faire connoître aux Direéteurs de la ,
Nouvelle Compagnie, 6e de folliciter
pour lui les Provifions de Gouverneur
de la Tor tue,Se Cote SaintDomingue:
Ces Meflîeurs les lui accordèrent avec
plaifir, étant bien aifes de mettre à la
tête de cette Colonie alors difficile à
gouverner, un officier comme le fieur
Dogeron qui avoit toute la fageffe, la
bravoure, la politefle, le défintereflement
Se la fermeté, qui étoient neceflairesà
un Chef, Se qui avoit acquis pendant
quinze ans, qu'il avoit été Capitaine
dans le Regiment de la Marine,
toute l'experience poflîble dans l'art Mi -
litaire.
Il reçût là Commiflîon au mois de Fevrier
166f .6c tous les Habitans de laTor-f
tuë Se de la Côt e en témoignèrent une
joïe extraordinaire. Mais comme le but
de toutes les Compagnies eft de s'attribuer
tout le profit des Colonies, en fe refer
vant à elles feules tout le Commerce,.
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