i 6 6 NOUVEAUX VOY
I7or. caraéteres, que ces obelifques d'Egypte.
Nous n'avons point cette méthode aux
Ifles} & nos Negres, fur tout les Creolles
feroient au défefpoir qu'on les marquât
comme on fait les Boeufs & les
Chevaux. La petitefle de nos Ifles fait
que cela n'eil pas neceiTaire, mais il l'eft
abfolument dans un païs auffi vafte que
S.Domingue,où lesNegres peuvent fuir,
&fe retirer dans des montagnes il éloignées,
& fi diiEciles, qu'ilferoit prefque
impoffiblc de les trouver, & de les y
forcer; & quand cela arriveroit, comment
les Maîtres pourroient-ils reconnoitre
ceux qui leurs appartiendroient.
i l pourroit encore arriver que des gens
fans confcience trouvant des Negres fugitifs
fe les appropriroient, ce qui ne
leur eâ pas poiEble, lorfqu'ils font marquez;
parce que leur Maître lesreconnokroit,
Scprouveroit aifément qu'ils
feroient à lui, en faifant voir fa marque.
I l y avoit un grand nombre de Negres
marons ou fugitifs, qui s'ctoient retirez
en un endroit appellé laMontagne noire.
On difoit qu'ils étoient bien au nombre
de fix à fept cens hommes & femmes ;
que tousles hommes étoientarmezjqu'ils
avoient efcarpé les endroits acceffibles,
parlefquels on pouvoir aller à eux pour
les attaquer, qu'ils avoient fait des abattis
d'arbres & des retninchemens, où ils
faifoient une garde exaéle pour n'être
point furpris. On parloir dans Je tems
quej'étois àS.Domingue, d'alTembler
des gens de bonne %'olonté pour les aller
enlever; maisperfonne ne fe prefentoit
pour cette expedition, où il neparoiifoit
que des coups à gagner, & peu de
profit à faire. Ceux qui auroient pû l'entreprendre
étoicnc feulement les Chafieurs
ou les Boucaniers, qui frequentent
ces endroits, &qui en fçavent tous les
chèmins & les défilez 3 mais ces naêraes
A G E S AUX ISLES
Chaflcurs ne fe foucioient pas de réduire
ces Negres, parce qu'ils trouvoient leur
m
compte avec eux. Ils leur fourniflbient
des Chevaux marons, des cuirs. Se des
viandes boucanées à un prix fort bas,
'renoient en échange delà poudre, dés
'ailes, des armes, des toiles & autres{""•'
chofes dont ils avoient befoin, que ces 'Zk,
ChalTeurs leur furvendoient excef f ive- f t
ment. Quoique ce trafic fût fecret, il n'a
pas laiifé de venir à ma connoiiTance ; 5c
comme il y eft venu, il a pû venir à celle
de bien d'autres.En effet on en étoit perfuadé,
&on en murmuroit hautement.
Cela obligea enfin les Chafleurs, pour
efEicer l'idée qu'on avoit de leurpeudc
fidelitéjd'oflPrir d'aller à cette expédition
a compagnon bon lot , à la maniéré de la
Flibufte; c'eil-à-dire, I
ïî<|riî
toar on s.
, que ceux qui feroient
eilropiez, auroient fix cens écus,
ou fix Negres; que les Negres qui feroient
pris feroient partagez entre les
preneurs, & que pour fûreté des eftropiez,
lesHabitans s'obligeroient folidairement
à leur recompenie. On ne voulut
point accepter ces conditions, parce que
tout le profit auroit été tout entier pour
les Chafleurs. Ainfilachofe en demeura
là. Il me femble qu'on auroit dû partager
le different en deux, afin dechafler
lesNegres marons de cet azile, qui eft
d'un exemple pernicieux pour les autres
Efclaves.
Lorfque les Chafleursou autres, pren- p^i^ ^
nent quelque Negre maron, & qu'ils le dimn
remettent entre les mains duGouverneur M''''
oudelajuftice, le Maître du Negreefl:
obligé de leur payer vingt-cinq écus, -fi gmMtle
Negre a été pris hors des Quartiers rm.
François^ & cinq écus fculementpour
ceux qu'on prend dans les Quartiers,
•mais hors de leur Habitation, & fans un
billet de leurs Maîtres. Cette regle eft
bonne, & fort propre pour en:ipécher les
Negres de s'écarter, & enfuite d'aller
maïkms
k'rts.
F R A N C O I S E S D
marons : mais il y a des canailles qui en
abufçnt, & qui prennent desNegres, fur
tout des nouveau venus, à quatre pas de
leur Habitation, où fouvent ils les ont
feit attirer par leurs aflbciez, afin de
profiter du prix de leur capture.
Nous retournâmes chez le Sieur Caftras
le quatrième jour de nôtre voyage.
Il me pria de refter chez lui, d'autant
plus que le Brigantin que nous attendions
ne paroiflantpointà larade, il n'y
avoit rien qui me preflat de m'en retourner.
Il alla à la Caye le lendemain matin,
pour rendre compte auDireéteur de
ce qu'il avoit fait dans fon voyage, qui
avoit été entrepris plûtôt pour me faire
plaifir, que par aucun autre befoin preffant.
Il revint dîner, & amena avec lui
M. des Portes & le Maître de nôtre Barque.
Celui-ci s'enretournalefoir, l'autre
demeura à coucher. Nous foupâmes
chez le Sieur Stive; le lendemain nous
fûmes dînerchez le Sieur le Pais, & le
foirnous retournâmes à laCa]^e. Je fus
fort content de ce voyage, d'où j'appor^
tai bien des curiofitez Indiennes, ôc
beaucoup de très-belles coquilles, les
unesduPaïs, d'autres des côtez de la
TerreEerme,8c les plus belles de certains
Mets fur la côte de Couve, ou Cuba,
entre elle Se l'Ifle des Pins, qu'on appelle
les Jardins de la Reine.
M.deBoulocgrofllt encore leMagafin
que jefàifois^de ces fortei de chofes, 8c
me donna, entreautres, quelques pierres
legeres,que la mer amene à la côte quand
il a fait des grands vents du Sud. Il y en
avoit une de deux pieds & demi de long
für dix-huitpouces de large, Scenviron
un pied d'épaiffeur, qui ne pefoit pas
tout-à-fait cinq livres. Elle étoit blanche
comme la neige, bien plus dure que
les pierres de ponce, d'un grain fin, ne
paroilTant point du tout poreufe, & cependant
quand on la jettoit dans l'eau,.
E L 'AMERIQUE. zâ/ _
elle bondiflbit comme ün balón qu'on 1701^
jette contre terre. A peine enfonçoit- elle
un demi'travers de doigt. J'y fis faire
quatre trous de tarriere, pour y planter
quatre bâtons, & foûtenir deux petites
planches legeres qui renfermoient les
pierres dont je la chargeois. J'ai eu le
plaifir de lui en faire porter une fois
cent foixante livres ; & une autre fois
trois poids defer de cinquante livres piece.
Elle fervoit deChalouppe à monNegre,
qui fe mettoit deflùs, Se alloit fe promener
autour de la Caye.
Nous avons des pannaches de mer aux
Ifles du Vent, mais qui n'approchent t^cíí^'«
pas de celles qu'on me donna qui venoient
des Jardins de la Reine. On ne pouvoit
i-ien voir de plusbeau. J'en avois de rouges
& de noires. Il fembloit que ce fuf- -
fentdes ouvrages defiligranne,- tant ils
étoient bien faits, bien défignez, délicats
, ôc fur tout d'un coloris admira^
ble.
J'eus auffi des branches de corail noir, Coratt
qui excepté la couleur, eft aflïïrement le
même que lerouge, dont il avoit le grain,
la péfanteur 6c le poli.
Les Burgaux, lesCafques, les Lambis,
font des efpeces de limaçons de mer, qui
different par leur grofleur,l'ouverture de
leur bouche, leurs lèvres, Sc par le coloris
dont ils font peints en dedans & en
dehors: celui de dedans eft toûjours beau
ôc luifant.
LeLambis eft le plus gros. Sa coque Zs Zar/^^
ou écaille eft épaiiïe, le dedans eft d'une
couleur de chair très-vive, le deflus eft
raboteux, Se couvert d'une efpece de
iartre marin. Quand on a la patience de
l'ôter, ou trouve une peau unie, luftrée,'
deplufieurs couleurs fort agreablemenc
diverfifiées. La chair du poifTon eft de
même efpcce que celle du limaçon, mais -
bien plus dure & plus indigefte. Cepen- •
dant quand il eft bien cuit £c aflaifon