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54 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLËS
main, tellement roide, qu'on m'atiroit
F R A N C O I S E S DE L'AMERK^UE,
plûtôt rompu l'épine du dos, que de me
la faire ployer. Cette roideur s'étendoit
encore dans les jointures des bras 6c des
jambes, de forte que le Chirurgien apprehendoit
que cet accident n'eût des
fuites fâcheufes. Il me femble qu'on dif
o i t , que c'étoit un tetaiïos, auquel il eit
rare qu'on puiiTe remedier. (^oiqu'il en
foit, je n'avois pas encore envie de mour
i r , ¿cjerefolus de travailler moi-même
à maguérifon. Je fis apporter quelques
poêles de feu dans ma chambre pour l'é^
chaufer 5 je bus un verre de vin de Canarie
avec du theriaque & de la confeftion
d'hiacinthe, 6c après que j'eus fué
prés de trois-heures, je me fis frotter
très-rudement avec de gros linges bien
chauds, & enfuite avec de la graiffe de
1-crpentSc del 'Eau-de-ViedeCanne, &
frotter de nouveau jufqu'à ce que je
fentiiTe de la douleur: car on fut fort
iong-tcms. avant que je fentifle rien ,
quoiquejefuiTcécorchéen plufieurs ervdroits.
Dèsquelefentiment fut revenu,
je ne doutai plus de ma guérifon. On me
mit une ferviette ployée en long imbibée
degraifle&d'Eau-de-Vie le long de l'épine
du dos, 6c d'autres linges imbibés
de même au col, au bras, £c aux jambes,
£c on m'entretint chaudement fans
pourtant me faire fuer par artifice. On
recommença cette operation au bout de
douze heures, excepté qu'il n'étoitplus
neceiTaire de me frotter fi. fort car je
fentois parfaitement bieii^ & fiar tout aux
endroits oàj'étois écorché. Avec quatre
~frij£ionsje fusentierement guéri.
Les Negres ont une fuperftitionaiîêz
plaifantefurlesferpens. llsdifent, que
Itwi- ^P^'^® les avoir tuez ,
/ns tôu- leaautresferpens ne manquent pas deyethant
Its nir au lieu où leurs camarades ont été
ferftnt. brûlez, pour mordre ceux qui les onï
»iûlâ mal sraitez après leur mprw Pouï
leur ôter cette imagination de la tête, je
jettai dans les fourneaux les petits que j'avois
tuez dans le bois, ôc ceux qui étoient
dans les oeufs que j'avais apportez à M
Maifon. Car pour la tête e Commandeur
Negre me l'avoit demandé pour la
reduire en poudre, parce qu'elle entre,,
commeje l'ai d i t , dans le remede qu'on
applique aux morfures de ferpent.Je donnai
le corps à quelques-uns de nos Negres
qui s'en accommodèrent bien. J'en
aurois mangé tout comme eux : car c'eft
unenourriture fortfaine, pourvû qu'on
ne fe falle pas une habitude d'en manger
fouvent, parce qu'elle purifie & fubtilife
trop le fang, 5c feroit à la fin tomber en
ptifiej mais je ne voulus pas éfrayer nos
nouveaux venus.
Il arriva quelques jours après qu'on
trouva deux fçrpens auprès de la Sucrerie..
Nos Negres ne m anquèrent pas dç
me venir dire, qu'ils étoient venus pour
fe venger de ce qu'on avoit feit brûler les
autres, & qu'aflurement quelqu'un de là
Maifon feroit mordu. Je leurs dis, que
pour empêcher les autres de revenir, il
falloit jetter ceux-ci tous vivans dans les
fourneauXjSc que s'il s'en prefentoit d'autres,
je les ferois rôtir tous vivans fur des.
charbons. Ces deux ferpens avoient l'épine
du dos rompue , mais ils étoient encore
tous vivans. Je les fis prendre en cet
état, & je les fis mettre dans un évanî
des fourneaux oii ils furent confommez
dans un moment. Comme nous n'étionâ
pas alors dans la faifon où les ferpens defcendent
à la mer pour fe baigner, &
changer de peau, on fut alTe^Êng tems
fans en voir. Nos Negres iè perfuaderent
que j'avois trouvé le veritable moyen de
les empêcher de venir rouler autour de
nos maifons.
C'cft dans le commencement de la
faifon des pluves, que les crabes, les
tourlourouxj les lézards ^ Scies ferpens j,
• quit"
£tío8 quittent les bois Scies Cannes pour ve- pas fi-tôtjetté quelques pierres vers l'en- 1698.
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m les
ferpcnt
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niràlamer. Après que ces derniers s'y droit d'où venoitl'odeur, queje lafenfont
baignez, ils paifent entre quelques tis plus vivement. C'étoit parce que le
bois qui ayent des crocs, ou des épines, ferpent s'étoit remué, ayant eu peur des
qmtmt &s'y acrochansparlecol,-ilsy laiflent pierres. Car c'eft un animal fort craintif, ?i«r/«r
leur peau toute entiere, & vont fe cacher & je ferois aifez porté à croire que quand
dans quelque trou, où entredesracines il fejette fur uneperfonne, c'eil plûtôt
d'arbres jufqu'à ce que leur nouvelle peau la peur qui excite en lui ce mouvement fms.
foit endurcie fuífifammerit pour paroître que toute autre paffion.
Nous découvrîmes un moment après
le ferpent que nous avions fenti, 6c felon
la coûtume nous le tuâmes. C'étoit une
femelle pleine d'oeufs, mais qui n'avoient
encore rien de formé. Ils n'étoientguéres oeufs dt
plus gros que des oeufs de pigeon. Leur ferpms.
peau mince 8c tendre comme du parchemin
moiiillé, étoit remplie d'une matière
jaunâtre , comme le jaune d'un
oeuf de poule g â t é , qui n'avoit pas bonne
odeur, tant s'en faut , il faifoit mal au
coeur. Cet animal avoit en viron fix pieds
de long i 6c étot gros comme le bas de U
jambe.
J ' en ai trouvé qui étoient accouplez.
Dans cet état ils font cordez enfemble,
6c paroiflent comme les tourillons d'un
gros cable. Ils fe foûticnnent tous droits Comnt
furie tiers de leur longueur. Ils fe regar- ^^'ferdent
la gueule ouverte comme s'ils vou- f " " ' ' -
loientfedévorer,s'approchant la tête l'un
à l'air. Dans le tems qu'ils font obligez
de demeurer ainfi en retraite, ils deviennent
maigres, 6c font fort foibles, 6c
n'ont pas la force d'aller chercher de la
nourriture. J'en ai trouvé quelquefois
qui ne pouvoient pas fe traîner. Leur
foiblcife n'excite la compaffion de perfonne,
on ne Içur pardonne jamais en
quelque état qu'on les trouve.
Le tems où ils font plus dangereux,
c'efl: lorfqu'ils font en chaleur. On les
entend alors fiffler,8c fe repondre les unes
aux autres. Il ne fait pas trop bon aller
à la chaife.
'Lis Les Negres les Tentent, Se les éventent
S''" auffi-bien pour le moins que les chiens de
chaiTe éventent les lièvres 6c les autres
bêtes, J'étois un matin dans le bois avec
nos Charpentiers, un d'eux qui marchoit
devant moi s'arrêta tout d'un coup, 8c
médit,monPere,à pieds.ventent
les ferfins.
me dit, mon i^ere, regardez a vos pieds,
loient le devorer,run
il y a ici près quelque ferpent. Je. lui de l'autre en fifflant, bavant, 6c écumant
demandai où il étoit} il me repondit, je d'une maniere très-vilaine. Oh quels
ne fçai pas, mais e le fens} 6c m'ayant
fait tenir en re :pos
amours! c'ell un effet de la providence
divine, queces mauvais animaux fe dévorent'les
uns les autres, fans cela, ils
e vifage tourné vers le
lieu d'où lui étoit venue l'odeur, il me
dit, de fentir en retirant nion haleine, rendroient inhabitables íes Ifles, où ils 'ion
En effet, dans le moment je fentis une fe trouvent. On n'en voit dans toutes les trouva
odeur fade 8c douçâtre, à peu près com- Antilles qu'à la Martinique, S. Aloufie
me celle qu'on fent quand on entre le ma- où Lucie, Se à Bequia, qui eA un des
tin à jeun dans un Hôpital mal propre. Grenadins, qu'on appelle a caufe de cela,
Jelui dis ce que je fentois. Il me repli- la petite Martinique,
qua, c'eft un ferpent qui n'eft pas oin On ne voit dans les autres Ifles que des
d'ici, 6C il doit être gros : car l'odeur couleuvres qui ne font point venimeufes,
qu'il exhale eft bien forte, 8c vous l'allez 6c qui même font utiles, en ce qu'elles
fentir encore davantage. En effet,il n'eût font la guerre mu rats. Elles font rares
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