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"195 NOUVEAUX VOY
iyo®. foit très-profond, cette couleur l'approche
tellement, qu'il femble qu'on y aille
toucher'avec la main. C'étoit fur ce
beaufond'que nous voyions proniener
ces poiflbns camaciers. Le premier que
nous prîmes ctoit une femelle quiavoit
cinq petits dans le ventre: ilsavoientenviron
deux pieds & demi de long : les
dents leur viennent avant de naître. De
vingt-cinq à trente perfonnesque nous
étions dans leVaiiTeaujpas une n'en avoit
de fi belles 8c en fi grand nombre. Nous
ne laiiTames de les manger, après les avoir
tenus une journée dans une grande baille
ou cuve pleine d'eau de mer pour les ftiire
dégorger. Pour ce qui eft de la mere, elle
étoit trop dure} elle nousfervità régaler
les autres Requiens, & à couvrir
nôtre hameçon. Les Matelots prirent
feulement quelques pieces fous le ventre,
qui eft toujours le plus gras & le plus tendre.
Nous eûmes le plaifir d'en prendre
un grand nombreiSc comme nous ne fçavions
qu'en faire, nous nous endivertiffions
en différentes maniérés.
Nous attachâmes un baril bien bouché
8c bien lié à la queiie d'un que nous
tenions fufpendu -, &C après lui avoir coupé
un aîleron , nous paflames une corde
au deiTous des oiiies pour décrocher l'hameçoft,
& quand il futdécroché, nous
filâmmesla corde dont un dçs bouts étoit
attaché au VaiiTeau, afin que le poiiTon
pût s'enfuir. Il le fit de toutes fes forces
dès qu'il fe fentit hbre ; mais le baril
qu'ilavoit à la queiie l'incommodoit furieufement,
8c l'empêchoit de courir,&
d'ailleurs il lui manquoit un aîleron. C'étoit
un plaifir de voir les mouvemens
qu'il fe donnoit pour fe debarrafler de cet
importun compagnon. Il plongeoir,jl
s'enfonçoit ; mais le baril le retiroit toûjours
en haut, .& l'empêchoit de faire ce
qu'il auroit voulu pour fe fauver Se fe défendre
contre fes confreres, qui attirez
jpar le fang quiibrtolt de Cîî bleflyre, le
A G E S AUX ISLES
mirent enfin en pieces, & le dévorèrent? ï>09,
Nous en fimes ainfi mourir plufieurs à
qui nous nous contentions de couper la
queiie, ou un aîleron avant de les décrocher
, étant bien afiurez que les autres les
expediroient bien vite.
Les courans nous portèrent enfin fi
près de Sainte Croix, que nous fûmes
obligez de moiiiller. Nous étions vis-àvis
de lariviere Salée, où étoit ci-devant
le principal Etabliflement de la Colonie,
environ à demie lieiie de terre. Je priai
nôtre Capitaine de nous prêter fa Chaloupe
pour y aller chercher un Cochon
maron: il le fit d'aiTez bonne grace. J e
menaiavec moi nos deux Negres. Trois
denos paíTagers, qui étoient des Flibufliers
de Saint Domingue, s'y embarquerent
avec quatre Matelots & le Pilote.
Nous avions des armes & bonne provifion
de pain & de vain. Le P. CabalTon
vit bien que nous coucherions à terre, 8c
me jetta mon hamac comme nous débordions
du VaiiTeau. Nous entrâmes dans
la riviere Salée environ un quart de lieiie,
& mîmes à terre vis-à-vis des murs d'une
Sucrerie qu'on auroit pû rétablir à peu
de frais. Après avoir amarré nôtre Chaloupe,
& laifie un des Matelots & un
Negre armez pour la garder, ôc faire un
ajoupa Se du feu, nous nous mîmes à
chaiTer. Nous tuâmes d'abord un Veau
d'environ fix mois,gras à pleine peau. Sa
mere qui n'en fut pas contente vint fur
nous la tête baiifée, & fe fit tuer par
compagnie. Nous l'envoyâmes fur le
champ au VaiiTeau, avec la moitié du
Veau, pour réjouir nôtre Capitaine, en
cas qu'il fût en état d'entendre raifon. La
Chaloupe nous rapporta un cinquième
Matelot&deuxpafliigers, 6c le P. Cabañbn
me fit dire de l'envoyer chercher
le lendemain au point du jour. Jamais je
ne me fuis trouvé à chafle plus abondante,
le Parc de Verfailles n'étoitrienen
coniparaifon.Nous tuâmes en moins d'une
F R A N C O I S E S
1700. ne lieiie de païsfept Sangliers & autant
de MarcniTinsî des Cocqs & des Poules
communes qui étoient devenues fauvages
gcqu'à caufedecela nous appellions des
Ge inotes, fie des Cocqs de bruy ere, des
Pigeons, des Ramiers & des Cabrittes,
tant que nous en voûlumes. Nous fîmes
grand feu, grand boucan, 8c grande chere
toute la nuit, Se le plaifir que nous
avions ne nous permit gueres de dormir :
à quoi il faut ajoûter que la compagnie
importune des Mouftiques 8c des Maringoins
fit des merveilles pour nous en empêcher.
Je ne laiflai pas de dormir quelques
heures empaqueté dans mon hamac.
Dès le point du jour nôtre Capitaine
tira un coup deCanon pour nous appeller
abord. On lui répondit avec neuf ou dix
coups de fufil, 8c nous enVoïâmes la Chaloupe
conduire par troisFlibuftiers Se nos
deux Negres chargée de viande, avec ordre
de lui dire de faire piler du fel, 8c que
nous lui cnvoirions fa provifion pour
tout fon voïage. Commeil faifoit calme
tout plat, il prit aflez bien ce qu'on lui dit
LeP. CabaiTon vint pafler la journée avec
nous. Nous fûmes vifiter les triftes reftes
de nôtre Etabliflement. Leshalliers couvroient
déjà prefque toutes les murailles.
En veritéc'eftune chofe criante d'avoir
détruit une fi belle Colonie pour un vil
intérêt, 8c d'avoir réduit à la mendicité
quantité de bons Habitans qui étoient
fort bien accommodez dans cette Ifle^
qui à la referve de l'eau qui y eft aiTez rare
en bien des endroits, nous parut un lieu-
Mcrip- charmant. C'eft un terrain prefque uni r
tiin de il n'y a que des collines, ou pour parler le
i'Cmx. langage des Ifles, il n'y a des mornes que
vers le milieu de l'Ille : les pentes en font
douces: ils font couverts des plus beaux
arbres du monde. Les Acajous, les bois
d'elude, lesAcomas, lesBalatas, les bois
douges de toutes les fortesy (ont en abondance.
Nous vîmes encore de très-belles
rom. IL
D E L'AMERICLUE. xpy
Cannes malgré les ravages que les Ca- i7<»»
chons 2cles autres beftiauxyfont. Ilya
des Orangers 8c des Citronniersin quantité.
Nous y trouvâmes encore du Ma»
nioc, Se des Patates excellentes. Nous vîmes
la mer de la Cabefterre de toutes les
collines où nous montâmes, ce qui me fit
conjeéturer qu'il n'y avoiB gueres que
trois lieues d'une mer à l'autre dans l'endroit
où nous étions.On nous dit que c'étoit
le plus étroit del'lile. La partie qui
eft à l'Eft eft plus large. Quant à la longueur,
autant qu'on en peut juger à la vûë
en la côtoïant comme nous fîmes, elle
peutavoir dix à douze lieiies de longueur.
Nôtre Capitaine nous aftûra qu'elle étoit
à dix-huit degrez quinze minutes de latitude
Nord. Quanta la longitude, elle
eft environ à trente lieues fous le vent de
S.Chriftophle, huit lieiies dePortltic,
fix lieiies del'lileàCrabes ouBoriquen,
Se cinq lieues de S. Thomas. Il n'y a
prefentement qu'à fçavoir au jufte la longitude
de S. Chriftophle, ou de quelqu'une
de ces autres Mes, 8c on aura
dans le moment celle de S. Croix.
LeP, CabaiTons'enxetourna coucher
à bord. Le lendemain matin le Pilote
nous aïant dit qu'il y avoit apparence
de vent, nous déjeûnâmes Se retournâmes
au Vaifleau chargez de groiTe viande,
de gibier 8c de fruits, p us que nous
n'en pouvions confumer en quinze jours.
Le vent s'étant levé fur le midi, nous
levâmes l'ancre, Sccoûrumes de l'avant ctffuk
affez bienjiufqu'auCoiR e à mort que les
Efpagnols appellent Bomha d'infierm.
C'eft un Iflet environ vers le milieu de la
longueur de Port Rie, qui a prefque
une lieuë de long. Le calme nous reprit
en cet endroit j mais les courans qui portoient
au Nôrd-Ouëlt, nous pouiTerent
dans le Détroit qui eft entre Port Ri e Se
S. Domingue. Nous vîmes le jour de
Noël les trois Rochers ou petites liles
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