í 1',
r ;
1
N O U V E A U X VOY
iToi. dura tout autant qu'on en avoit befoin
pour les fondions que j e viens de rapp
o r t e r , & non davantage. Car à peine
le Peuple fe fut retiré chez foi, que la
p l u ï e recommença plus fort qu'aupar
a v a n t , & dura toute la n u i t j de forte
q u ' o n regarda comme une efpece de mir
a c l e , le beau tems qu'on avoit eu pour
faire la Proceffion, qui fervit d'ouvert
u r e pour le Jubi l é dans toute l'ille. Il
dura deux mois, & fut terminé le premier
Dimanche de Décembre par un
Tff Deum^ chanté folemnellement dans
n ô t r e Eglife.
Il me vint dans ce tems-là un mal à
u n doigt de la mai n g a u c h e , qui me fit
f o u f f r i r d e grandes douleurs, le Chirurg
i e n me di t , que c'étoit un panaris. Je
croi que c'eft le même mal qu'on appelle
à Paris un mal d'aventure. 11 voulut
d ' a b o r d y faire d e s inc i f ions , mais comme
je n'aime pas à voir déchiqueter ma
c h a i r , je le priai de s'épargner cette
%emeâe peine, & je voulus éprouver un remede
four hi fQ]-j- innocent qu'on m'avoit enfeigné
fAnarn. ^^ ^ que je n'avois jamais
m i s e n pratique, parce que j e n 'en avois
pas eubefoin. Je fis prendr e un oeuf qui
vcnoit d'être pondu. Onlecallaavec un
morceau de bois bien propre, taillé en
maniéré de fpatulle: car il elt efientiel
que le fer ne le t o u c h e pas, & qu'il n'ait
p o i n t été appliqué fur le mal: l'oeuf
étant caflë, & la cocque f epa r é e en deux,
o n laiiTe tomber le blanc , 5c on garde
feulement le jaune dans une des moiciez
de la cocque! Onymetdu fel commun
bien pilé, deux fois autant qu'on en
m e t t r o i t fi on vouloit le manger , & on
remiie bien avec la fpatul le, pour faire
f o n d r e le fel, & bien délayer le jaune.
O n l'étend enfuira fur un piumaffeaude
c h a r p i , dont on enveloppe tout le doigt
malade, & on metpar-dciîusunecoinp
r c f f e , & des bandes iuffilammcntpour
A G E S AUX ISLES
le teni r en é tat , fans le t rop preiTer. On
laifle ce remede deux fois vint-quatre
heures fur la partie affligée fans y touc
h e r , & au bout de ce tems-là , on
trouve le panaris refolu avec un petit
t r o u dans la peau , par lequel la matière
acre & mordicante, quicaufoit la doul
e u r , en r o n g e a n t , ou picot tant l'extrémité
des nerfs s'eft écoulée. On y met un
)eu d 'onguent rofat, pour le fermer en
'adouciiîant, & dans deux ou trois jours
on ell abfolument quitte d'un mal qui
donne fouvent bien de l 'exercice au Chi -
rurgien & au malade.
_ J e me fervis de ce remede comme je
viens de l'expliquer, avec tant de boiih
e u r , que les douleurs aiguës que je
reiTcntois, s'évanouirent en peu demomens,
& ayant levé l'appareil au bout
de deux jours, je me trouvai fi abfolument
guéri , que j e ne fus obligé d'appliquer
d'autre onguent que celui de
C h i r u r g i e n , c'eft - à - d i r e , du linge
blanc.
C e t t e experience m'ayant fait connoître
la bonté de ce remede, je l'ai
donné à beaucoup de perfonnes qui /
étoient attaquées de ce mal , & il a eu
toujours le même fuccès.
Pendant que j e fuis en train de débiter
des r emede s , en voici encor e un, que
j e fis mettre en pratique fur un jeune
N e g r e , qui s'étoit rompu en luttant
avec un autre, qui étoit plus fort que
lui. Je me fouvins de l'avoir lû dans
les voïages de Jean Struis Hollandois.
L ' e f f e t qu'il eut fur cet enfant de 14 à
i f . ans ma convaincu de fa bonté.
Il faut p rendr e deux douzaines d'oeufs
pondus le même j o u r qu'on les employej
on les c.ilfe, & on jette le blanc; on
met le jaune fur le feu dans une poëlle
neuve, ou tellement écuree qu'elle nefc "
fente point d'avoir jamais contenu rien
de gras. Onlesiemué, &onlesbroiiille
not
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE.
le încciTamment , pendant qu'ils font fur
le feu, jufqu'à ce qu'ils foient entièrement
cuits, & comme brûlez. Pour
lors on les retire, 6con les met dans un
linge, dans lequel on lespreffe pour en
exprimer toute l'huile qui en peut fortir.
Pendant qu'on prépare les oeuf s , on
fait coucher le malade fur le dos fur un
matelas fans chevet , £c on met fous le
matelas quelque choie qui éleve les cuiffes
& les reins plus haut que les épaules.
Dans cette fituation, on remet les
inteftins fortis dans leur place, &^on
oinét la partie aflligéeavec l'huile qu'on
a exprimé des oeufs le plus chaudement
qu'il eft poflîble, & on applique les
oeufs dont on a tiré l'huile, en maniéré
de cataplâme fur la partie. On fait un
bandage avec de bonnes compreiTes que
l ' on ferre aflez for tement , pour teñirle
t o u t en état, mais fans rien comprimer.
O n reitere ce remede tous les cinq jours.
E t au bout de 20. 25'. ou 30. jour s , la
r u p t u r e fe trouve entièrement confolidée.
Il faut donner pendant ce tems-là
peu de nourriture au malade, 6cpeu à
b o i r e , afin qu'il ait moins befoin de fe
l e v e r , 6c quand il y eft obl igé, il faut
tenir la main fortement appl iquée furia
r u p t u r e . Le Negr e que je fis t rai ter fut
guéri en quinze-jours. Cependant par
p r é c a u t i o n , je le fis demeurer trente
jours dans le remede. Je ne l'ai pas
éprouvé fur des perfonnes plus âgées ; je
ne doute pourtant pas q u ' i l n ' e û t le mêmeeflfet,
quoique a cure dût peut-être
ê t r e plus longue. Mais j e ne dis ceci que
par c o n j e û u r e , car j e ne fuis pas Medecin.
C H A P I T R E XX I L
Prife de la Partie Françoife de Saint Chrißophle par ¡es Anglais.
Ous apprîmes à la Guadeloupe
e 19. Juillet , par
une de nos Barques armée
en courfe , que la Partie
F r a n ç o i f e de l'Ifle de Saint
C h r i f t o p h l e avoit été prife la nuit
du 15-. au 16. d u courant . Cette Barque
q u ' o n avoit envoyée pour croifer entre
Nieves Se Ant igüe s , avoit eu le bonheur
d'en prendre deux autres chargées de
Negres & de butin, que les Anglois
avaient .'enlevez à nos compatriotes. Se
qu'ils envoyoient à Antigües.
^^ Nous fçavions depuis quelques jours
s"clnf- que les Anglois fe préparoient à attatifhieen
quer cette Colonie, Se nous regardions
170Í. perte comme certaine, parce que le
Comte de Gennes qui y commandoit
avoit peu d'Habitans capables de porter
les armes;, feparez, éloignez les uns des
autres, fnnspouvoirfe rciinirqu'enpaf-
1701.
fant par les Quartiers des Anglois; SC
que les quat r e Compagnies détachées de
la Mar ine, qui compofoicnt fa Garnifon
, ne fai foient pas cent foixant e hommes
, gens ramaiTez, peu aguerris, 2c'
très-mal intentionnez.
LTn des Lieutenans de Roi de cette
I f l e , nommé Château-vieux, Gentilhomme
Provençal , qui avoit été longtems
Capitaine de Grenadiers en France,
6c fur l'experience duquel on comp
t o i t beaucoup, prit unerefolution quifit
juger un peu finiftrement de fa brav
o u r e , ou de fa bonne volonté, cefucd
' i m p o r t u n e r le C omt e de Gennes, de
lui permet t r e d'aller à la Mar t inique de- ¿J^f^J
mander du fecours au Commandeur de tea^i
Guitaut Lieutenant au Gouvernement •^nux
general des liles, qui commandoit en
chef depuis la mor t du Comt e Delnots
Gouverneur general. chnju'.
T t A . LeM/i.
! - -
'I' ,1
iiJr I •
: y
:
' ' ï ^ '
Í • '
1Í
il
i L