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178 NOU'VEAUX VOYAGES AUX ISLES
a fait jufqu'a prefent. Pour lors on aura
du tabac , qui ira de pair avec celui du
Brcfil, & de la nouvelle Efpagne, 8c
qui furpaiîera de beaucoup celui de la
Virginie, & de la nouvelle Angleterre,;
& on rétablira un Commerce, qui fera
larichefle de laFrance., &.de nos Colonies
de l'Amérique.
Il eft conftant que nos terres de
Cayenne Se de Saint Domingue font auffi
bonnes, & auffi propres pour le tabac,
quelcs meilleures que 'on connoiiTe dans
les deux Amériques} & nous avons encore
des terrains toiit neufs, & trèsconfiderables
dans leslllesdela Guadeloupe,
de la Grande-Terre de la même
Me, dans celles de la Defirade, Marie
Galande, la Grenade, Saint Martin
, Saint Barthélémy, Sainte Croix,
& dans quelques quartiers de la Martinique,
auffi propres qu'on en puiflefouhaiter
pour la culture du tabac, quifont
à prefent incultes, & qui demeureront
bien des fiecles fansHabitans, fîonne
remet pas fur pied cette marchandife.
Car il ne faut pas s'imaginer qu'on les
puifle mettre en valeur autrement que
par la culture du tabac. Tout le monde
n'eft pas en état de commencer unétabliiîementpar
la conftrudtion d'une Sucrerie:
on à pu voir par ce que j'ai
dit du Sucre, qu'il en coûte infiniment,
pour faire de pareils établiffemens,
& que quand il fe trouveroit des
gens aiTez riches pour fournir à cette
dépenfe, il faudroit toûjours un nom'
bre confiderable d'années pour dégraiiTer
le terrain qu'ils auroient défriché, 6c le
rendre propre à produire des cannes, dont
on peut tirer de bon Sucre, & fur tout
du Sucre blanc. D'ailleurs le nombre
des Sucreries eft déjà fi grand, que le
Royaume n'eft pas en état de confommer
la moitié du Sucre qui fe fai tàprefent
dans nos Colonies.
C'eftdoncàla culture du tabac qu'il Hoo;
faut penfer fur toutes chofes, & fefouvenir
que c'eft à la culture de cette
plante qu'on eft redevable de l'etabliflement
de nos Colonies. C'étoit le Commerce
libre du tabac qui attiroit cette
multitude de Vaiileaux de toutes fortes
de Nations, & un fi prodigieux nombre
d'Habitans, qu'on comptoic plus de
dix mille hommes capables de porter les
armes dans la feule partie Françoife de
r i f l e de Saint Chriftophie, au lieu que
depuis que ce Commerce a été détruit,
parce que le tabac a été mis en parti, on
a été obligé de s'attacher prefque uniquement
à la fabrique du Sucre, ce qui
a tellement diminué le nombre des Habitans,
qu'on n'a jamais pû raflembler
depuis ce tems-là deux mille hommes
dans cette même Ifle. La Martinique,
la Guadeloupe, & les autres Colonies
Francoifes font dans le même cas ; £c
ceux qui les ont connues il y a quarante
ou cinquante ans, ne peuvent voir fans
gemir, l'état où elles font à prefent, dépeuplées
d'Habitans blancs, & peuplées
feulement de Negres, que leur grand
nombre met en état de faire des îoûle-
•vemens, 8c des revokes, aufquelles on
n'a refifté jufqu'a prefent, que par une
efpece de miracle. C'eft le nombre des
Habitans blancs qui eft l'ame, & qui
fait la force des Colonies, la multitude
des Efclaves eft utile pour le travail,
mais très inutile pour la défenfe du païs -,
elle lui eft même pernicieufe, lorfqu'il
eft attaqué. Mais la multitude des Habitans
ne peut êtrecompofée quede petits
Habitans, & ces petits Habitans ne
meuvent fubfiiler que par la culture", 6c
e commerce libre du tabac.
Je viens de dire, qu'il n'étoit pas
poffiblede commencer un établiiTement
par la conftruélion d'une Sucrerie. je
puis dire la même chofc d'une Indigoterie
1700. tene
ou
F R A N C O I S E S DE L 'AMERi aUE . 179
f. & d'une Cacoyerc. Il faut cinq fommation qu'il faifoit des marchanou
fix années de travail & d'avances, ¿ifes, & des denrées d Europe donE on
avant que les arbres foient en état de avoit befoin j au heu que ce commerce
donnei^m commencement de profit, eft prefque entierement tombe quand le
Lesfrais qu'on eft obligé de faire, pour tabac ayant ete mis en parti, &cefl-e
mem-e une Indigotene fur pied font d'etre marchandife hbre, ce grand nomtoûiours
au-deffus des forces & des bre d'Habitans planteurs de tabac s eft,
moyens des Habitans qui commencent difperfe, & les Sucreries le font établies
à s'établir, comme on le verra dans la en leur place. „ , »,
fuite de ces mémoires; il n'y a que dans J'avoue que le Commerce & la Manufafture
des Sucres eft très-confiderable,
mais il faut auffi avoûër, que c'cft
ce qui a dépeuplé nos liles, 6c les a affoiblies
au point oî^i nous les voyons au-
1700;
la culture du tabac que ces inconveniens
ne fe rencontrent pas, & voici
comment.
Deux ou trois hommes s'affbcient, . . -
ou comme on dit aux liles, s'amatelot- jourd'hui, parce que le terrain necefiaitent:
ils obtiennent la conceffion d'une - — . r„rlnnnpllp ,1 nVa
terre de deux ou trois cent pas de large
fur cinq cent pas de hauteur; ils travaillent
de concert, abatcnt des arbres,
défrichent, & plantent du tabac
& des vivres, c'eft-i-dire, du manioc
& des legumes, & danslecours de l'anr
née, ils font une levée ou récolté de trois
ou quatre milliers de tabac, qui leur
produifent fuffifamment de quoi s'entretenir,
payer les avances qu'on leur a
faites, & fe mettre bien^tôt en état d'acheter
des ferviteurs efclaves ou engagez,
pour pouiTer plus vivement leur
travail, 8c faire des établiflemens plus
confiderables. C'eft ainfi que les Mes fe
font établies. C'eft le grand nombre de
planteurs de tabac qui les ont défrichées,
& les ont défendues contre les Caraïbes,
les Efpagnols 6c autres E^uropéens, qui
jaloux des progrès de nôtre Nation, es
ont fouvent attaquées, mais toûjours à
leur honte, 8c à leur contufion tandis
qu'elles ont été remplies de ce grand
nombre de petits Habitans, que la culture
pour une Sucrerie , fur laquelle il n'y a
que quatre ou cinq blancs, & fouvent
bien moins, étoit occupé par cinquante
ou foixante Habitans portant les ai mes ,
îar confequentplusen étatde detendre
e païs, êc qui faifoientuneconfommation
de denrées,ôcde marchandifes d'Europe
infiniment plus confiderable que
ne le peuvent faire les Maîtres & les
Efclaves d'une Sucrerie en tel nombre
qu'on les. veuille fuppofer.
Tout le inonde fçait que quatre ou
cinq aulnes de grofle toil avec un peu
debçeuf falléfuffit pour l'entretien & la
nourriture d'un Efclave, on ne lui donne
ni bas, ni fouliers, ni chapeau, ni chernif
e , étoffes, cravates, perruques, gands,
& mille autres chofesdont les blancs ont
befoin pours'habiller, 8c femettrefelon
les modes d'Europe.Les efclaves ne confomment
ni vin, ni eau-de-vie, ni liqueurs,
ni fruits fee, ni huile, ni farine
de f roment , ni épiceries, ni emmeublemens,
argenterie, draps, dentelles, étoflFes
d'or 8c de foye, armes, munitions.
re 8c le commerce libre du tabac y attri- une infinité d'autres chofes, dont les
roient de tous les endroits du Royaume,
Habitans blancs fe font une neceffité d'être
8c même des autres païs. C'étoit ce
toûjours tres-abondamment pourvûs.
grand nombre d'Habitans qui rendoit
Or ce font ces denrées 8c ces marchandifes
le commerce confiderable par la con-
qui font le fond d'unCommer-
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