46S NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
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Saint Jaques, où aïant fait ce que j'avois
à y faire, j'en revins le Lundi au
loir.
VAutiur Le Mercredi 7. je donnai à dîner au
^îaliar Daniel, à fon contre-Maître,
tini^ul Ecrivain, Se fon Chirurgien, ôc
feural- nous nous embarquâmes furies quatre
itràU heuresdu loir, comptant d'aller déjeûner
le lendemain à la Guadeloupe. La
barque qu'il montoitjétoitvermudienne,
très-bonne voiliere,ily avoit quatre-vingt
dix bons hommes, 8c fix canons. C'étoit
plus qu'il n'en falloît pour attaquer un
Gallion d'Efpagne, ou un Anglois de
quarante canons. Nous mîmes en panne
devant le Prêcheur, où felon la bonne
coûtumede nosFlibuftiers, ilsonttoûjoursquelque
affaire, fur tout ceux qui
ont encore quelqueargentj car les loix
de la bonne Flibufte ne permettent pas
d'en porter en mer i 8c quand on fe trouv
e dans le cas, il faut au plus vite le
dépenfer dans un cabaret. Le Capitaine
Daniel raflembla fes gens fur les neuf
heures, 8c fit fervir fes voiles. Nous
fûmes à merveille jufqu'à mi-canal entre
la Dominique 8c la Martinique;
mais tout d'un coup lèvent tomba, &
nous eûmes un calme tout plat. Nôtre
pilotte ne fe trompa point dans le jugement
qu'il porta de ce calme imprévû}
il dit que nous allions avoir une bourafque
-y il fit prendre les ris dans la
grande voile, paifer de nouvelles manoeuvres
au trinquet 8c au foc} il vifita
les amarres des canons, 8c renforça les
amarres qui tenoient le canot. A peine
avoit-il achevé, que nous fûmes pris
S " tourbillon de vent d'Eft-Sud-Eft, fi
Tiflie furieux, 8c fi incivile, qu'il commença
rent, par enfoncer nôtre grande voile. Encore
fûmes-nous heureux qu'il ne nous démâta
pas; nous fauvâmes les lambeaux de
nôtre voile,8c nous pougeàmes d'abord à
mâts, & à cordes, 8c enfuitc avec un
morceau de trinquet, grand comme une i7of}
ferviette. Quoique je fuiTe fans contredit
un des meilleurs dormeurs delà mer,
l'affaire étoit fi brufque, queje ne pûs
pas fermer les yeux} d'ailleurs mon matelats
fut bien-tôt tout moiiille, caries lames
nous couvroient à tous momens de
l'arriéré à l'avant. Je m'affis à plat à l'arriéré
du gaillard, enveloppé dansuncapot,
8c lié par le milieu du corps avec
une bonne corde, à peu près comme un
finge, de peur que quelque lame ou
quelque roulis ne prit la liberté de me
jetter hors le bord. Nos gens dans un
profond filence obéïflbient à l'envie au
moindre commandement,5c travailloient
de toutes leurs forces. Lamerparoiffoit
toute en feu j le tems qui étoit noir, avoic
quelque chofe d'affreux j jencpouvois
pas voir mes mains en les approchant de
mes yeux, quand il n'éc airoit point ;
mais les éclairs étoient fi vifs, que je
voïois alors tous les mouvemens denos
gens. LeCapitaine Daniel me donna une
bouteille d'eau de vie,dont j'avallai adroitement
un bon coup j car il ne faut pas
être mal-adroit pour mettre une bouteille
à fa bouche fans fe rompre les dents.
Cette liqueur que je n'ai jamais aimé,
me parut alors excellente j elle me rechauffa,
carj'étois à moitié g lace, l'eau
de la mer aïant cette propriété dans les
païs chauds d'être extrêmement froide,
8c je n'avois rien de fee fur le corps.
Sur les quatre heures du matin la pluie
tomba avec violence, 8c abbatit beau-f
coup le v ent , 8c au point du jour un de
nos gens cria, terre fous le vent à nous:
nous la vîmes en effet diftinétement quelques
momens après , avec un navire
qui étoit fur le côté. Auffi-tôt grande
difpute entre nos gensj les uns vouloient
que ce fut une Ifle qu'on n'avoit pas encore
vûë, 8c peut-être de nouvelle creation
i le Capitaine Se le Pilotte foûtenoienc
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE. 4ÎÎ9
ï m - noient que ce ne pouvoit étreque la pe- par non-vûë, c'eft-à-dire, pour n'avoir
tite Ifle d'Aves ou des Gifeaux, qu'il paseu connoiffance delà terre, queleur
ne faut pas confondre avec celle du mê- navire ne pouvoit pas avoir beaucoup
me nom, qui eft au Vent deCoroffol, fouffert, parcequ'ilyavoit peu de venc
où le Maréchal d'Eftrées alla fe caffer le quand il avoit touché, 8c qu'il ne s'étoic
nez avec^toute fa flotte, en mais couché furlecôté quedeuxjours après.
i7oî;
il avoit Etat
la petite Ille d'Aves eft cinquante lieues Ce vaiiTeau venoit d'Angleterre,
fous le vent de la Dominique, Eft & touché à laBarbade, où il avoit pris ces d'un
^.^em
Oueft de la grande Savanne, 8c i lnepa- deuxDames, qui prétendoient allerpaf- Angioi,
roiffoit
pas naturel que nous eufilons ier la Fête de Noël à Aîitigues avec
pu faire ce chemin enfept heures. C'é- leurs parens, fans le malheur qui leur ''IH
toit pourtant la petite Ifle d'Aves. nniis éroir arrivp '•
yts.
toit pourtant la petite Ifle d 'Av e s , nous étoit arrivé,
y moiiillâmes fur les fept heures du ma- On fçait que la Fête de Noël eft une
tm à un demi quart de lieue au vent du des mieux celebréc chez les Anglois -,
navire échoué. La pluie ceffa fur les huit 8cquandondevroitjeûnertoutel'annéc'
heures, le vent d'Eft commença à fe faire il faut faire grande chere, 8c s'enyvrer
fentir} 8c la mer fut auiîi tranquille à ce jour-là.
dix heures, que s'il n'y avoit point eu On doit encore fçavoir qu'ils fontNoël
A de tempête peu d'heures auparavant.Nos dix jours après nous, parce qu'ils fuivent
c'eft-à-dire, l'ancien Calendrier j non parce qu'ils
ptiu if- qu ils prirent des chemifes, 8c des cal- le trouvent plus jufte, ( ils font convain-
Ud-A' çons fecsi quelques coups d'eau de vie eus du contraire), mais par entêtement
reparerentles forces perduës par le tra- 8c pour ne pas fé conformer à une revailde]
anuitpairee,nousfifmes lapriere formation,dont lePapeGreeoireXIir
& puis nous déjeunâmes de grand appe- a été l'Autheur. ^ &
titi nous^ tînmes confeil en mangeant. Le Capitaine 8c le Pilotede cebâri-
8C auffi-totapres leCapitaine, leQuar- ment, qui felonies apparences,étoient
tier-maitre, 8cautant d'honimes que le de francs ignorans, ou qui avoient incanoten
put contemr, 8c bien armez terct que leur navire fut perdu, s'étoient
defcendirent a terre. mis dans la chaloupe avec les mSlêu"
Nousy apperçevionsd.xàdouzehom- Matelots, 8c.ivoient planté là l e ipa Z
mes, qui nous paroiiToient Anglois i ils gersavec le refte de l'équipage, en atteneto.
ent venus fur le bord de lamer, vis- dant qu'ils les vinffent reprendre avec
a-v.sdenous, 8c ftmbloient par leurs un bâtiment qu'ils étoient allez chercher
geftes nous demander du fecours. Nos à une de leurs Ifles fous le Vent donÎ
gensfauterent a terre, 8crenvoïerent le ils n'étoient pas éloignez de plus defo"-
canota bord chercher du monde i j'yfus xante à foixante-dix lieiies. Ceux oui
au troifiemevoiagej nous nous trouva- étoient fur l'Ille les attendoient à tous
mes alors plus de cinquante hommes à momens, 8c nous avoient pris d'abord
terre. Les Anglois nous dirent, qu'ils Pour leurs Compatriotes, qïivenoient i
cto.ent k depuis onze jours, ils étoient eur fecours. Ccï avis fit que DanieÎmiî
au nombre de quatorze hommes avec tout en état pour enlever le bâtiment
deux femmes de confideration de la Bar- qu'on attendoit. Il fit conduire à b o S de
bndc, & huit Efclaves des deux fexes. fa barque les deuxDames avec leu!" Ef!
Nousfçumesqu'ilss'etoientéchoiiez claves, leurs coffres, & tout ce quïl-
J-om. il, Oo o Icê
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