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N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
Î698. ravant écrit au Superleur general, ^ue ne Negres que j'avois achetez, & pour plus iCyîf
l'ayant point trouve, mais ayant été in- de mille ecus de toiles, de viandes falées,
formé de fes intentions, j'avois acheté deferremens & autres chofes, que jedcdouzeNegres,
qui le mettroient enétat voispayerinceiTammentaux Marchands
de faire le bâtiment du Couvent fans dif- qui me les avoient fournis. Cela fit que
continuer le travail de la Sucrerie. J'arri- pour profiter du travail de tous nos Efvai
vingt- quatre heures après cette Let- claves, & n'être pas obligé d'en détacher
tre, & je le trouvai tout àfaitencolere. pour aller commencer le bâtiment, jc
Ilmedit,quej'avoisoutrepaflémespou- différai de jour en jour d'en donner le
voirs,& qu'il étoit en droit de mecafler delTein. Ala fin il y fallut venir, mais cc
de mon emploi. Ce preambule me fit de fut quand la faifon du Sucre étant pajTée
lapeine: carjenefuis pas naturellement je n'avois plus befoin de tant de monde,
fort foufFrant, fur tout quand je fuis fûr & que j'en pouvois par confequent detâd'avoirraifon.
Je lui répondis que la cho- cher le nombrequi étoit neceiTaire pour
fen'étoit pas fi facile de fon côté que du
mien, puifque je pouvois quitter ma
fervir lesOuvriers fans fiiiretort aux travaux
ordinaires de l'Habitation.
Je parlerai du Plan de ce Bâtiment;
après que j'aurai dit d'où nous viennent
les Negres Efclaves dont nous nous ferrent
de
VAti-
Veur
ivec le . . . .
^^sups- charge quand .il me plairoit, mais qu'il
rieurge- n'ctoit pas le maître de m'en deftituer, &
ftiW "" qu'ayant executé les ordres que la Comäun
munauté m'avoitdonnez,j'étois bien fûr yons aux Mes, 6c plufieurs chofes que
ißchaf qu'elle me foutiendroit. Ma fermeté lui j'ay remarquées fur ce fujet.
d'Efcla- fit faire quelquesTcflexions , & quelques C'eil une Loi très-ancienne, que les
heures après, il envoya le PereGiraudet Ten-es foûmifes aux Rois de France,
me dire, qu'il ne fçavoit pas la Délibe- rendent libres tous ceux qui s'y peuvent
ration ^^i tul a i r e qui m'avoit autorifé, retirer. C'eft ce qui fit que le Roi Loiiis
qù'il avoit été porté à me parler de la XIII. de glorieufe memoire, auifipieux
forte, pour fatisfaire quelques-uns de nos qu'il étoit fage, eût toutes les peines du de la
Peres, à qui une fi grofle emplette faifoit mondeàconientir, que les premiers Ha- p^rm'tfpeur.
Nous eûmes enfuite une conference
qui nous rendit bons amis, parce
qu'elle dilîîpa certains ombrages que les
jaloux lui avoient infpirez contre moi,
& nous devînmes fi unis, quej'étoisen
tiers dans fon amitié & dans fon conicil
avec le Pere Giraudet.
Nôtre Supérieur general fit un petit
bitans des liles euflent des Efclaves, & P'"..1'*'
ne fe rendit enfin qu'aux preiTantesfolii- xnl
citations qu'on lui faifoit de leurs oétro- dom»
yer cette permiffion, que parce qu'on lui """
remontra que c'étoit un moyen infailli- fois"d'able,
& l'unique qu'il y e û t , pour infpirer -voir des
le culte du vrai Dieu aux Afriquains, les
retirer de l'idolâtrie, ôc les faire perfevevoyage
à la Guadeloupe, au retour du- rer jufqu'à la mort dans la ReligionChréquel
il déclara publiquement qu'il vou- tienne qu'on leur feroitembrafîer.
loit m'y établir pourSuperieur, & qu'il
m'y conduiroit après la TouiTaints, mais
îl ne fut pas en état d'executer fon deffein
Les Efclaves Negres que nous avons c^mp*.
aux liles, nous viennent pour la plûpart gnies
des deux Compagnies d'Afrique & de à.'Jfn-
Senegal, qui font autoriféesparleRoi, '¡¿¡^
car il mourut avant cetems-là. Cé- Sene-
toit le fécond Supérieur general qui étoit pour faire feules ce Commerce, privati- gai.
tnort dans cette difpofition. vementàtout autre. J'ay dit pour la plû-
Ce petit orage étant paiTé, je ne fon- paît, parce que dans les tems de guerre,
geai qu'à faire dy Sucre, pour payer les nous avons fouvent d « Negres qu'on
prend
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ.UE, 59
prend fur les Vaifleaux ennemis, qui ffeneralement tous ceux qui ont mérité
ïiennentd'Afrique,ouqu'on^enlevcdans
les pillages de leurs liles, 6c de leurs Habitations
i & pendant la paix, il nous en
vient bien davantage par le trafic fecret
qu'on fait avec les Anglois, les Hollandois,
& les Danois de l'Iûe de S.Thomas.
oUka- Les Compagnies de Guinee & de Setiom
de ncealfont obligées par leur traite avec
le Roi , d'apporter tous les ans aux Mes
SÎnombreairezconfiderabled'Efclaves,
iecroi que c'eft deux mille, dont le prix
ie regie felon l'âge, le fexe, la force,,
k beauté, la complexion 5c le beloin
qu'en ont les Habitans.
Mais foit par impuiflance, foit par
quelque autre raifon que je ne fçai pas
i y avoit dès long-tems qu'on n'entendoit
plus parler des Negres de ces^Compagnies,
quand j'arrivai aux Mes, tout
cc qu'ellesfaifoient étoit d'empêcher en-
I vertu de leurs Lettres patentes que les
^ Marchands particuliers ne puifent aller
traiter auxcôtesd'Afrique,àmoinsqu'ils
n'en achetaflent d'elle la permiffion ,
comme avoient fait les fleurs Maurelet.
Ces Compagniesont des Comptoirs,
r & des Forts dans les endroits que le Roi
leura concedcz parles Lettres, celle de
Senegal à les fiens à la riviere de Senegal,
de Gambie , 8c. aux environs ; & celle
de Guinée à les fiens à Benin, Juda,
Arda,, ôc autres lieux de cette côte,
mfe- Les Negres de cette derniere Comreicedes
pagnie, font les meilleurs pour le travail
f i ' " de la terre, & autres gros ouvrages,
eeux du Cap-verd, & du Senegal,.ne
¡niis. font pas fi forts, mais ils font plus propres
pour le fervice d'une maifon,. èc
pour apprendre des métiers.
§iiifint- Danstous ces endroits-là, il y a quatre
^^xque ¿e perfonnes- que l'on vend aux
Compagnies, ou autres Marchands qui
(omma y viennent traiter.
if'i^t,
Comptoir
des
deux
a mort, ou quelque autre peine. Les
Rois commuent ces peines, pour leur
profit particulier, au banniflement perpétuel
EfcU^
SÏ/. Les premiersfontles. mal-faiteuESSe a
, c'eft-à-dire à l'efclavage dans les
pays des étrangers, aufquels ils les vendent.
Les féconds font des prifonniers d&
guerre, qu'ils font fur leurs voifins,
avec lefquels ils fontdans une guerre continuelle
, qui n'a point d'autre but que
ces pillages ou enlevemensde perfonnes,
qu'ils font par furprife, fans en venir pef -
quejamais à une guerre ouverte, ou aune
aétion d'éclat, ou de quelque decifion..
Lestroifiémes font les efclaves particuliers
des Princes, ou de ceux à qui les-
Princes en ont donnez, qui les vendent,,
quand la fantaifie,, ou le befoin le leur
diûe.
Les quatrièmes enfin , qui font le
plus grand nombre, font ceux que l'on
dérobé, foit par le commandement, ouïe
confentement des Princes,foitpar certains
voleurs furnommez Marchands,,
qui ne font autre metier, tantôt pour,
eux & tantôt pour leur Prince : car ilar-"
rive fouvenc que ces petits Rois s'engagent
de fournir aux Marchands. Euro--
péens un. plus grand nombre d'efclaves
qu-'ils n'en ont en leur pouvoir, ôc quand
ils fe voyent prefTez,. ils envoyent ces
fortes de Marchands dans les Villages de
leurs voifins, & même dans ceux de leur
dépendance pendant la nuit, où ilsenleventtoutce
qu'ils attrapent d'hommes,.
defemmes,,d'enfans, ôc les conduifent au:
Vaiffeau ou Comptoir d a Marchand à
qui on les doit livrer,qui les marque auffitôtavecunferchaud,
ôc ne manque pas
de les mettre aux fers pour s'en aflurer..
On peut dire que ces Marchands ou com-
Chaffeurs d'efclaves,. font de véritables
voleurs de grands chemins qui ne font
autre chofe. que voler partout,, prinei-gw. '
gale